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Derrière cet acronyme se cache la gangrène qui tue notre système de santé depuis plus de 20 ans.

Mis au point par les ordonnances Juppé en 1996, l’Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) est l’objectif de dépenses à ne pas dépasser en matière de soins de ville et d’hospitalisation dispensés dans les établissements privés ou publics, mais aussi dans les centres médico-sociaux.

Pour rentrer dans le vif du sujet, il faut comprendre que l’ONDAM n’est pas un budget. C’est une estimation, ou comme son nom l’indique, un objectif.

Et c’est un objectif de dépenses, donc il vaut mieux être en dessous de l’objectif qu’au dessus.

La différence avec un budget est que, le budget quand il est vide, les prestations s’arrêtent. Tous les libéraux connaissent cela avec les caisses « spéciales ». Parfois, nos AT ne sont pas payés l’année en cours mais l’année d’après car le budget est dépassé.

Point de cela avec l’ONDAM. L’ondam peut être dépassé mais attention, si l’on dépasse une année, l’objectif est revu à la baisse pour l’année d’après. Le puits n’est pas sans fond !

L’ONDAM est voté au parlement. Et il s’exprime par un pourcentage. Ainsi tous les ans l’ONDAM change. Ainsi pour 2018, l’ONDAM est fixé à 2,3%. Ce qui signifie que l’objectif est d’avoir une dépense globale de +2,3% par rapport à l’année dernière. Cela représente environ 4,4 milliards d’euros.

 

L’ONDAM est global

Pour vous expliquer l’arnaque de l’ONDAM, je vais commencer à notre niveau puis élargir le point de vue.

Tout d’abord sachez qu’il existe plusieurs « niveaux » d’ONDAM (que l'administration appelle sous-objectifs, objectifs par profession etc...).

Pour simplifier je vous parlerais de niveau par profession, de niveau par branche et de niveau global.

Pour la kinésithérapie pour faire simple, nous sommes globalement à 4%.

+4%, quelle belle affaire. Cela pourrait vouloir dire que cette année nous pourrions être augmentés de 4% ?

En fait non, pas du tout.

Car derrière ce pourcentage ce cache l’ensemble des dépenses. Donc si le nombre de praticiens augmente, la somme globale des dépenses va augmenter aussi…

Si notre population augmente donc de 5%… Il faudra très mathématiquement baisser nos revenus de 1% !

Et oui, vous venez de comprendre la première arnaque de l’ONDAM…

Nous ne sommes pas maitres du nombre de professionnels sur le territoire. En effet, si nous pouvons déterminer le nombre de départs en retraite, il est impossible de déterminer le nombre de professionnels qui vont arrêter en cours de carrière. Mais surtout, autant nous savons par le biais du numérus clausus combien de diplômés nous avons chaque année, mais avec la prolifération des « DE étrangers », il nous est totalement impossible de savoir combien de professionnels vont arriver sur le territoire chaque année.

Il faut donc bien comprendre que l’on nous fixe des objectifs sur lesquels nous avons en réalité que très peu d’influence directement.

Passons à un niveau supérieur… Imaginons un monde parfait où nous aurions un équilibre entre les départs en retraite et les nouveaux diplômés. Très bien, nous pourrions alors revendiquer nos 4% d’augmentation ! Et bien… non, pas encore.

Pourquoi ?

Parce que l’ONDAM par branche est global à l’ensemble des professionnels libéraux. Kinésithérapeutes mais aussi médecins, infirmiers etc… Donc si une profession est augmenté cette année de manière supérieure à l’ONDAM par branche, les autres devront passer leur tour pour respecter ce même ONDAM par branche.

Élargissons encore plus, l’ONDAM concerne non seulement les soins de ville, mais aussi les soins hospitaliers, les établissements et services médicaux sociaux, les fonds d’intervention régonaux et quelques autres prises en charge.

Et c’est là qu’entre en jeu l’ONDAM « global ».

L’ONDAM global est fixé à 2,3% pour l’année 2018.

Ainsi donc si notre gouvernement décide d’équiper tous les hôpitaux de France d’IRM et que cela représente un investissement de 4,4 milliards d’euros sur l’année 2018… alors le calcul est simple. Les autres branches (soins de ville, établissements médicaux sociaux…) devront réaliser une économie d’environ 4 milliards d’euros pour respecter les 2,3% de hausse générale.

Vous venez de le comprendre, avec l’ONDAM, l’état a mis au point un système d’affrontement direct entre les différentes branches de soins.

Qui irait donc s’élever contre un plan cancer ou un plan Alzheimer en arguant que l’un de ses deux plans (1,5 milliards d’euros chacun) pourrait faire passer les kinésithérapeutes à un AMS/AMK à 20€… Et oui c’est ainsi. Soit on augmente les kinésithérapeutes à 20€ la séance, soit on fait un plan cancer…

Voilà l’ONDAM.

Un objectif par profession, qui n’est pas tenable puisque nous n’avons pas la main sur tous les paramètres dont la démographie.

Un autre objectif par branche, sur lequel nous n’avons pas de levier possible si ce n’est mettre en affrontement direct libéraux et salariés.

Le tout regroupé dans un objectif global où tous les secteurs de la santé sont en opposition financière.

 

Les syndicats et leurs propositions dans tout cela ?

Les syndicats doivent jongler avec tout ceci. Entre être crédible face à l’UNCAM et être crédibles face à ses adhérents et plus largement à la population.

Je ne le diras jamais assez, mais faire de la démagogie c’est facile. « je vous promets l’acte de kiné à 30€ ». Voilà, c’est simple à dire. Et en plus c’est là où nous devrions en être si notre lettre clé avait suivi l’inflation. Donc c’est parfait.

Et bien non.

Car au milieu, comme nous l’avons vu, notre démographie est exponentielle. Nous seront bientôt 100 000 kinésithérapeutes. Notre population augmente de 7% par an.

Comment envisager une quelconque augmentation tarifaires dans ces conditions ?

Pire en 3 ans, notre population a augmenté de plus de 17%.

Si un syndicat veut être crédible face à l’UNCAM, la première chose à faire est déjà de prendre conscience de cela. Ensuite il doit faire des propositions en conséquences. Pourquoi une telle explosion démographique ? Comment la réguler ?…

Ensuite il lui faudra faire des propositions en conséquence. Trouver où l’on peut récupérer de l’argent pour le réinjecter. 

De l’argent il y en a, c’est indéniable. 200 milliards, voilà ce qui est disponible ! Mais toutes celles et ceux qui vous font croire que nous kinésithérapeutes nous pouvons avoir tout cet argent, n’ont rien compris à l’organisation de l’ONDAM. Car ce que l’on prend d’un côté, il faut le rendre de l’autre. Et nous devrons nous cantonner à moins de 4% de dépenses supplémentaires avec une démographie de +7%… Cela va vite devenir compliqué.

Il faut donc que l’on trouve des économies pour financer nos futures hausses…

Voilà pourquoi je précise ma position. Faire de la démagogie c'est facile. Faire des propositions justes pour l'ensemble des parties et intérêts en jeu, c'est plus dur...

 

Ce qui est compris dans l’ONDAM et ce qui ne l’est pas…

L’ONDAM comprend les prestations comptabilisées par les organismes obligatoires, mais aussi la prise en charge des cotisations sociales des professionnels de santé ou encore certaines dépenses de la branche accident de travail, maladies professionnels… Parallèlement, les indemnités journalières maternité, les prestations invalidité-décès, les prestations extra-légales et les actions de prévention sont ainsi exclues du champ de l’ONDAM.

Voilà pourquoi les lettres clés sont figées et pourquoi les autres modes de rémunérations sont à la mode. Cela coute, mais ne rentre pas forcement dans l’ONDAM.

 

Les actes de prévention sont exclus de l’ONDAM…

Voyez vous où je veux en venir ?

C’est simple. Le gouvernement a établi que la « prévention » serait un axe majeur de notre système de soins. Cette prévention échappe totalement à l’ONDAM.

Cela veut directement dire que la prévention est un échappatoire parfait pour nous kinésithérapeutes. Et cela tombe plutôt bien… Qui sont les professionnels de la prévention ? NOUS !

Messieurs dames syndicalistes… Dont acte… 

Une vraie consultation de prévention. Prévention des TMS, prévention spécifique auprès des soignants, prévention à l'école... Il y a tellement de champs d'action qu'il suffit de créer une réelle consultation de prévention. Il serait même possible d'inscrire cette consultation au sein de programmes plus larges issus des URPS pour répondre à des spécificités locales et dictées par les ARS.

La rémunération pourrait être forfaitaire, tel que le souhaite l'UNCAM, ou sous forme d'acte codifié au sein de la NGAP.

 

Attention à la CSG

Nous le savons maintenant, avec la reprise des négociations conventionnelles des médecins, l’UNCAM a décidé de mettre en place la compensation par le biais des cotisations d’allocation familiales mais aussi par le biais de la prise en charge d’un partie des cotisation vieillesse.

Il faut dès maintenant s’en inquiéter. En effet, ces prestations font partie intégrale de l’ONDAM.

Donc si nous avons une compensation de l’ordre 2,15%, cela se répercutera automatiquement sur nos augmentations à venir.

La compensation de la CSG implique directement une stagnation d’honoraires.

 

Vincent Jallu