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J’aurais aimé voir notre ordre monter au créneau pour dénoncer les conditions lamentables dans lesquelles les soignants sont.

Dénoncer le manque de matériel, masques, surblouses, lunettes, charlottes, gel hydro-alcoolique… Et ce, que ce soit à l’hôpital, en prise en charge à domicile ou même au cabinet quand cela était encore possible.

Dénoncer le fait que nous nous engageons dans une crise sanitaire sans précédent, et pas seulement à cause de la mortalité de l’épidémie, mais aussi suite à l’actuelle absence de soins.

En effet, beaucoup de services de réanimation refusent l’accès aux kinésithérapeutes, non pas pour leur inutilité, mais par manque de moyens, préférant conserver très légitimement les masques et les surblouses pour les médecins et les infirmières. Dans quel état les patients survivants vont-ils sortir de réanimation ?

Personne ne semble non plus penser à tous les patients, les « non urgents » laissés sur le carreau et que nous récupèrerons dans plusieurs semaines voir dans plusieurs mois, sans soins durant l’intervalle... Et ce « 2e effet kisscool » risque d’avoir des conséquences bien plus importantes que ce que l’on pense.

Aujourd’hui je m’aperçois qu’en début de crise alors que des territoires et des kinésithérapeutes étaient déjà confrontés à l’épidémie, le CNO a préféré partir en vacances, pardon, faire une visite impérieuse en outre mer tandis que dans le même temps des masseurs-kinésithérapeutes étaient déjà confrontés au COVID-19 dans l'indifférence la plus totale. Plutôt que de tirer les sonnettes d’alarme dès le début il a préféré rester terré dans l’attentisme et l’immobilisme sans jamais dénoncer ce que la profession subissait déjà au quotidien.

Pire, le CNO nous rappelle, tel notre gouvernement, qu’il faut voter. Enfin certains nous ont gratifié de selfies sur Twitter façon « je suis supermâle, je vais travailler », mais manque de chance, avec un masque porté à l’envers... Doit-on s’interroger sur la sécurité des patients vus ce jour là ? Quelle est l’image vehiculée ? Le CNO a eu raison de nous faire fermer nos cabinets, nous ne sommes même pas capables de mettre un masque correctement.

 

Au lieu de se préoccuper des impératifs pour notre profession, il aura fallu 8 jours pour obtenir une définition de l’acte vital ! Intéressant de voir que l’on interdit en premier puis on définit après... Pour rappel, premier cas en France, 24 janvier... Effectivement j’ai du mal à suivre la logique ordinale. Comment comprendre que rien n'ait été anticipé ?

Mais surtout, n’oubliez pas, votez braves gens, vos conditions de travail importent peu.

 

Le télésoin, la problématique du moment

En complément, notre ordre vante les mérites des téléconsultations.

Il faut être extrêmement prudent avec le télésoin.

Si effectivement, il est important d’investir le télésoin, d’adapter nos pratiques et de ne pas rater ce virage numérique important, il convient aussi de ne pas céder à la panique de l’empressement.

 

Nous l’avons vu avec les médecins. Des réseaux mutualistes se sont immédiatement développés autours de la téléconsultation en dehors de convention nationale.

Pire, nos soins en téléconsultation ne sont actuellement pas codifiés au sein de la nomenclature.

 

Par ailleurs, contrairement au médecin qui délivre une ordonnance, nous ne délivrons rien. Comment s’assurer que le patient ne se connecte pas à un pays tiers tel que le Panama avec à l’autre bout de la caméra un coach sportif ou équivalent. Notre ordre a déjà démontré son incapacité à attaquer les instituts de beauté en leur temps. Et lorsque l’on voit la réponse donnée aux APA, avec la proposition de création des sous-kinés...

Comment pourrait il alors aller débusquer un pseudo kiné francophone localisé dans un pays étranger ?

Dire que la téléconsultation n’appartient qu’au kinésithérapeute est une chose, la réalité de ce qui se trouve sur internet en est une autre. Nous nous devons de protéger nos patients face à cette réalité.

De plus le télésoin peut poser des soucis conventionnels au regard du zonage ainsi que tout un ensemble de problématiques qui ne semblent pas avoir été réfléchies telle que la liberté de choix du praticien quand celui-ci est en zone blanche, etc...

 

Si le télésoin peut trouver un réel intérêt, il est urgent de ne rien précipiter. Là encore, ce n’est pas au bout de notre nez qu’il faut regarder, mais un pas ou deux devant.

Rentrer trop vite dans un domaine que nous ne maitrisons pas risque d’être nuisible et pour le patient et pour notre profession.

 

Vincent Jallu

Merci à toutes celles et ceux qui se sont investi dans la crise sanitaire que nous vivons, quelque soit votre mode d'engagement. Que ce soit auprès des patients, auprès des soignants ou simplement au sein de la société pour aider les gens. Nous pouvons tous jouer un rôle dans la mesure du possible et du raisonable.