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Voilà, ça y est, après le fiasco démocratique d’Alizé et sa pseudo consultation nous sommes enfin fixés. L’avenant 7 ne s’appliquera pas puisque Alizé et le SNMKR se sont opposés à l’avenant.

 Mais alors où allons nous et quel est l’avenir de notre profession ?

 La première chose à noter est bien sur le gel tarifaire dont nous allons être victime dans les mois à venir. Mais j’y reviendrais un peu plus tard.

La seconde chose va être la disparition des groupes de travail définis par l’avenant 7. Ainsi grâce à Alizé et au SNMKR, la profession va être écarté des discussions de régulation démographiques et surtout des conditions d’accès à notre profession des futurs étudiants ainsi que du financement de leurs études. Ce sont donc les administratifs qui vont décider à notre place.

Il en est de même concernant la réforme de la nomenclature introduite par l'avenant 5 ou encore les spécificités d'exercice. Au revoir les kinés, merci de votre participation...

Et il y a de fortes chances que nous découvrirons les avancées quelques jours avant leur promulgation. Et aucun doute sur le fait que ce sera pareil pour la nouvelle nomenclature…

La troisième chose, un peu plus politique, va être le positionnement de notre profession par rapport aux tutelles. Je rappel que depuis que l’ordre a décidé que nous n’étions pas indispensables au système de santé lors de la crise COVID, notre image (qui n’était déjà pas très reluisante) en a pris un coup. Avec cette opposition à l’avenant, nous prenons un second coup.

La vraie question qui en découle est « sommes nous assez matures pour comprendre la politique de santé publique et nous y inscrire » ? et bien je vous l’avoue… Je commence à en douter.

Les vrais problèmes liés à notre profession, on les règle quand ?

 Ce qui est réellement inquiétant c’est que les syndicats s’opposants à l’avenant ne proposent rien pour contrer les problématiques de notre profession. Ha, ça pour râler il y a du monde. Mais pour proposer des solutions concrètes, il n’y a plus personnes.

Le réveil va être très douloureux quand ils vont s'apercevoir du chaos qu'ils ont semé.

 

Mais revenons sur les rémunérations

Toutes celles et ceux qui rêvent encore d’une augmentation de la lettre clé seront déçus toute leur vie. Il n’y aura plus d’augmentation de la lettre clé. Et j’irais même plus loin, ce n’est pas faute de l’avoir dit depuis quelques années maintenant, les lettres clé sont vouées à disparaitre. Et c’est peut être le seul point sur lequel les trois syndicats sont d’accord. Alors si vous y croyez toujours… 

 De la même façon, toutes celles et ceux qui pensent que la masso-kinésithérapie sera la même dans 20 ans ont du hiberner depuis quelques années pour ne pas voir le virage radical que la santé prenait.

Et le vote des lois Chapelier et Rist à l’assemblée nationale ne fait que corroborer ce que notre ministre a dit « le début des réformes structurelles de la santé ». Si c'est le début, où va-t-on s'arrêter ?

Donc soit il va falloir sortir du monde des bisounours et considérer ces faits soit continuer à ronchonner dans son coin jusqu’à la fin des temps.

Ce qui est clair c’est que la kinésithérapie ne semble pas prête à s’adapter, ce qui est pourtant le coeur de son activité. 

 Ensuite, regardons les délais administratifs, il faut à peu près 6 mois pour avoir l’obtention d'une rémunération après signature. Donc signature en décembre, application en juillet.

Autant dire que même si les négociations reprennent, ce ne sera pas avant quelques semaines voire quelques mois. Il faudrait de plus que ces négociations ne reprennent pas durant une années mais sur quelques jours. Enfin il faudrait surtout qu’elles soient positives !

Autant dire que nous n’aurons aucune augmentation avant au moins une année voir une année et demie dans le meilleur des cas. Et dire que certains (j’en ai fait partie) ronchonnaient à propos du calendrier d’application de l’avenant 7… Mais en y étudiant de plus près, nous n’aurons pas mieux en cas de renégociations et sans aucune certitude sur les montants. un grand coup de chapeau aux stratèges d'Alizé et du SNMKR.

 N’oublions pas non plus que le doux rêve de croire que dans six mois nous allons reprendre les négociations au point où nous les avons laissé est une utopie.

Alizé y a cru. A gonflé le torse en disant « salut la CNAM, nous c’est Alizé, on est fort, on est les meilleurs et on veut une revoyure »… Et ?… Et bien, reparti la queue entre les jambes. Et ainsi les administrateurs d’Alizé, bien seuls face au monde, ont du se plier au fait qu’ils n’auraient rien de plus et ces administrateurs ont donc pris la décision de s’opposer à l’avenant.

Du coup croyez vous réellement qu’ils auront mieux dans six mois ?

 Imaginons quand même que cela arrive, même si la CNAM revient aux négociations (je vous avoue j’en doute), elle va revenir avec « bonjour 90M€ ». Et ce sera reparti pour 6 mois ou un an de négociations. Donc potentiellement aucune augmentation avant deux ans.

 J’espère que vous aurez compris que tout cela représente beaucoup d’hypothèses pour une totale incertitude tant sur les délais que sur les montants potentiels à venir.

 Il va donc falloir que l’ensemble des opposants à l’avenant 7 assument. Et j’espère que dans quelques mois quand effectivement nous n’aurons aucune augmentation nous ne les entendront même pas moufter une seconde sur le fait que l’inflation ceci et qu’ils ne s’en sortent plus cela. 

 

La démographie, la clé

Autre point que beaucoup ne comprennent pas, ou ne veulent pas comprendre, détournant plus ou moins volontairement le regard rien qu’à son évocation, le problème de notre démographie.

Au cas où vous ne l’auriez pas lu, le rapport démographique de l’ordre est sorti (à lire ici).

 Et je pense qu’il ‘est assez simple à comprendre que si vous avez 73€ de budget et que vous êtes 73 personnes, vous avez 1€ par personne. Si quelques années plus tard vous avez 80€ de budget mais que vous êtes dorénavant 83 personnes… et bien malheureusement vous n’aurez alors que 0,96€ par personne. En d’autres mots, le revenu par personne baisse.

 Et bien vous savez quoi ? C’est exactement ce qui se passe en kinésithérapie. Notre enveloppe augmente moins vite que notre nombre de professionnel. Donc rien que le fait que nos revenus soient « stables » est une victoire. Et oui je n'ai pas peur de le dire car nous en sommes là. Car en réalité, si nous continuons de la sorte sans réagir face à la démographie, nos revenus devrons diminuer. Vous avez bien lu, nos revenus devrons diminuer.

 En 2018 nous étions 73 550 libéraux. En 2022 nous étions 83 196 soit 13,11% d’augmentation du nombre de professionnels en 4 ans, c’est extrêmement inquiétant. Croyez vous réellement que notre budget a lui aussi augmenté de 13% ? Et bien non.

Pire, si l'on regarde le nombre de lieux d'exercices déclarés. 74 184 en 2018 et 94 754 en 2022. Soit 27,73% d'augmentation ave ce qui est beaucoup plus inquiétant +45,84% d’assistanats sur la même période.

Peut être un jour nous parlerons sérieusement de cet esclavagisme en col blanc. Et peut être un jour, les « titulaires » comprendrons que dans les autres professions l’assistanat a totalement disparu ou tend à disparaitre mais que chez nous c’est toujours la norme. Peut être même qu’un jour les titulaires comprendront que « bonjour nous avons une SCM tu y es le bienvenu » c’est un peu mieux que « ici c’est moi le boss et tu me files 2000 balles par mois et surtout n’oublies pas t’as pas droit de t’installer dans le coin»… Mais c’est un autre débat.

 Enfin si vous tracez une ligne entre Bordeaux et Annecy, vous avez les 2/3 des kinésithérapeutes alors qu’il n’y a pas les 2/3 de la population.

 Donc oui, si vous ne l’aviez pas encore compris nous avons un énorme problème de démographie. Et vu que nous ne sommes pas assez matures pour nous en occuper, j’ai bien peur que l’état ne s’en occupe à notre place.

C’est donc le premier point à avoir en tête, nous avons trop de nouveaux professionnels. Et si nous continuons ainsi nous devrions de plus en plus nous serrer la ceinture. Et ne croyez pas que ce sera dans 10 ans, non la courbe est exponentielle. D’ici 3 ans notre population sera un vrai problème.

 Dans tous les cas j’ai vu beaucoup d'opposants à l'avenant 7, des gens, des groupes ou même des syndicats dire que les actions étaient en route, mais je n’en ai vu aucun parler de démographie ni même proposer une seule solution. Il est vrai que brailler c’est facile, proposer c’est plus compliqué. 

 

Quelques autres problématiques non exhaustives…

 

Faire du bruit ?

Comme Alizé et le SNMKR semblent ne pas donner de réponses aux problématiques de notre profession, ils ressortent les bonnes vieilles méthodes (avec les mêmes bons vieux résultats, à savoir aucun !). C’est assez rigolo de voir « acte unique à 25€ » puis quelques mois après « bon finalement 1€ de mieux c’est bien et il n’y aura plus d’augmentation de la lettre clé » pour repartir quelques jours après sur « indexation de la lettre clé sur l’inflation ». On sent la pauvreté d’idées et l’absence de propositions concrètes…

Finalement certains se complaisent à râler sans jamais rien proposer.

 Alors que faisons nous ? Hormis faire l’autruche et chercher des solutions à nos problèmes ? Et bien manifestons, rejoignons les autres professions, envoyons des courriers… il est vrai que par le passé ça a toujours super bien fonctionné (humour…).

Juste pour faire des statistiques "à la Alizé", 1200 contre au SNMKR et 1200 contre chez Alizé, en espérant que ce ne soient pas les mêmes, 2400 manifestants potentiels… donc en gros 1000 qui vont se déplacer. Ça va en jeter au 20h !

 Tout de même quelques remarques à cela.

1- avec la réforme des retraites en venant, pas sur que l’on soit audibles.

2- vu que le président méprise 1 millions de personnes dans la rue, vous croyez qu’à 1000 devant le ministère on va y arriver ?

2- s’allier avec les médecins alors que nous sommes au bord de la guerre avec eux sur l’accès direct, n’est certainement pas une bonne idée.

3- rappelez moi ce que les dernières manifs ont apporté ?

4- et les vrais problèmes on s’en occupe quand ? (Pardon, excusez moi je ne le referais plus)

 

Et si simplement on cherchait des solutions ?

Concernant la démographie, le constat est simple. Nous avons déjà un nombre de kinésithérapeutes limités. Cependant, comme nous avons pu le voir lors de l’événement de l’ordre sur le cadre commun de formation (à lire ici), ni l’état ni l’ordre ni les syndicats n’ont de moyen de pression sur les « DE étrangers ». Pire, certains à l’ordre se félicitent de cette démographie… Mais la réalité est là, c'est l'europe qui impose sa vision sans levier possible.

Les seules possibilités qui me viennent à l’esprit seraient d’augmenter les exigences comme le niveau de langue nécessaire et diminuer l’attractivité. Instaurer un « vrai » examen de langue au niveau B1 voir B2. Ensuite contrairement à ce que beaucoup pensent, si nos tarifs ne sont pas élevés, notre système conventionnel est convoité par un nombre croissant de DE étrangers car ce système est hautement protecteur et apporte une garantie de travail inconnue dans certains pays.

Il faut donc agir sur ce point pour limiter l’attractivité de notre système. Désolé de le dire ainsi, mais l’obligation d’installation en zone sous-denses pourrait être un levier intéressant.

 Concernant la surconsommation en zone sur-denses et la pertinence des soins. La première chose à faire est un réel bilan des pratiques. Ensuite la solution peut être simple. Élaboration de grilles d’évaluations et de référentiels des patients. Collège de la Masso-Kinésithérapie si tu m'entends… Additionné au bilan systématique entrée/sortie et d’un organe de contrôle des pratiques. Hou là... contrôle des pratiques, quel vilaine idée, pourant indispensble et nécessaire.

 Pour l’implication des kinésithérapeutes dans les politiques de santé publiques, la solution est très simple. Prendre modèle sur les sages-femmes (futures "Docteur es Maïeutique" au cas où vous ne le sauriez pas). Suppression des IFMK, mise en place d’un cursus 100% universitaire. Renfort d’UV sur la santé publique et l’économie de la santé. Tant que nous aurons des IFMK préférant enseigner des techniques douteuses ou des concepts surannés au lieu d'enseigner la kinésithérapie de demain, nous ne progresserons pas.

 Enfin à titre plus général, suivre le modèle des écoles d’ingénieurs en diversifiant l’enseignement (et pourquoi pas avec addition de matières type « soft skills ») avec un enseignement solide en comptabilité-gestion d’entreprise mais aussi le travail en équipe et la coordination. Et oui, si peu de kinésithérapeute investissent les structures coordonnées car dans notre profession l’individualisme règne et « travailler ensemble » est compliqué. Cela permettrait aussi à certains d'apprendre les réalités économiques de notre profession. Car ces derniers jours nous avons quand même lu tout et n'importe quoi en matière de rémunérations et d'analyses socio-économiques.

Suppression du statut d’assistant. Amélioration du statut de collaborateur (dans les deux sens), voir systématisation du fonctionnement en SCM (ou tout autre montage permettant l’inclusion/exclusion plus facile et rapide de professionnels en son seing). Enfin énorme réflexion sur le salariat en libéral. Les avocats y arrivent, pourquoi pas nous ?

Refonte des conditions ordinales pour les remplaçants (plus rapide, moins contraignant) avec une suppression des clauses de non concurrence au moins pour les remplacements.

 Vous le voyez des solutions existent, elles ne sont pas exhaustives, ce qui manque, c’est le courage de les appliquer. C’est dommage, par le passé, Alizé et le SNMKR savaient être force de propositions. Aujourd’hui ce n’est qu’oppositions. 

 

Conclusion

Ceux qui ont su envoyer des courriers aux kinésithérapeutes pour des élections et assouvir leurs intérêts personnels mais qui n’ont pas su faire la même chose pour défendre les intérêts de la profession devront répondre de leurs errements déontologiques et méthodologiques.

Aucune proportion concrète de la part de ceux qui s’opposent et on se demande même si ils ont un regard objectif sur notre profession.

Tant que nous n’aurons pas une analyse critique de notre exercice nous n’avancerons pas. Des solutions existent mais il faut avoir le courage de les engager.

Notre démographie tant en nombre qu’en répartition est extrêmement préoccupante et nos pratiques de surconsommation ne font que nous desservir. L’autruche et l’inertie nous tuerons.

 

Vincent Jallu