Cela fait un moment que je n’ai pas écrit d’article sur ce blog...
Le contexte politique un peu « particulier », et certaines propositions des syndicats ont fait qu’il n’y avait pas grand chose commenter ou à proposer tellement le niveau est bas. Beaucoup d’inexactitudes sur les chiffres et dans les analyses, beaucoup de faussetés, voir de mensonges.
Si notre ordre devait servir à quelque chose un jour, peut être devrait il se pencher sur la notion de déontologie des représentants syndicaux…
Bref, je suis un peu découragé par une partie de ceux qui sont censés nous représenter et qui ne nous proposent pas de solutions constructives. Les seules choses que certains syndicats semblent proposer c’est « on veut du pognon » et « on change tout et on recommence ». En revanche, le patient, son accès aux soins, la pertinence de ses soins et, au final, la définition de la qualité des soins, là il n’y a plus personne. Ce n’est pas le tout de mettre le mot « qualité » dans un document, encore faut-il définir ce mot.
Même madame Mathieu, présidente de l’ordre, qui a commenté « l’affaire » du confrère ayant vu jusque « 150 patients par jour » a dit que ce n’était pas compatible avec des soins de qualité. Mais qu’est-ce qu’un soin de qualité, où sont ses définitions, où sont ses modalités d’application ? À cela, madame Mathieu ne semble pas en mesure de répondre…
Enfin bref. Aujourd’hui parlons d’un sujet « chaud bouillant », les dépassements d’honoraires…
Tout le monde en parle, mais peu en parlent sérieusement, ou tout du moins, peu en parle avec précision, car en effet, énormément de fausses informations circulent sur le sujet.
Ce sujet passionne, c’est en effet un moyen « facile » de gagner plus d’argent, les kinés sont pour. C’est un moyen de « sortir » artificiellement de la convention, les kinés sont toujours pour. C’est un moyen facile de faire du populisme, les syndicats sont pour !
Donc c’est finalement un sujet qui réunit les kinés et les syndicats… Mais qu’en est-il de la réalité ?
Premier fait, la réalité des chiffres
Plutôt que de faire un long discours… Les chiffres par région (je précise que la notion de « région » n’est pas celle définie par l’administration, mais celle définie par Ameli).
Ces données sont issues de data.ameli.fr.
hono_sans_depassement_moyens correspond aux montant des honoraires conventionnés par MK au sein de la région.
depassement-moyen correspond au montant du dépassement moyen par MK au sein de la région.
Taux correspond au pourcentage du DE moyen par rapport au honoraires conventionnés.
Je pense qu’il est assez clair, que ce soit en montant ou en part du revenu conventionnel, que la problématique des DE n’est qu’une problématique principalement Francilienne. 79041€ de revenu conventionnel en moyenne pour 16113€ de DE.
Le montant des DE équivaut à 20.39% du revenu conventionnel. Le second sur la liste (la Guadeloupe qui n’est pas une région en soit mais qui est considéré comme tel au sein des données Ameli) chute à 0.91%…
Observons à l’échelle des départements (seul les 15 premiers sont indiqués car après le montant du DE représente moins de 1% du montant des honoraires conventionnels).
À Paris, 62646€ de revenus conventionnels, 29695€ de DE soit 47.40% des revenus conventionnels…
Les 8 premiers départements, sont les 8 départements d’Île de France.
Le premier département après les franciliens est celui de Haute Savoie avec 66602€ de revenus et 1041€ de DE soit 1.56% du revenu conventionnel.
Donc non, le DE, « tout le monde » n’en fait pas (et puis le DE est autorisé si les conditions sont respectées, ne l’oublions pas) et même si la pratique semble prendre de l’ampleur, c’est loin d’être une généralité.
Second fait
Passé presque inaperçu dans notre univers, les propositions du rapport de Yannick Monnet et Jean François Rousset sorti il y a quelques jours et qui s’intitule « les dépassement d’honoraires, 10 propositions pour en sortir ».
Rien que le titre « pour en sortir » donne le ton !
Je vais vous économiser 92 pages de lecture et vous faire un résumé commenté des 10 propositions de ce rapport.
Proposition n°1 : Réduire les dépassements d’honoraires en les plafonnant (dès 2026).
Le décor est planté. Plafonnement des dépassements. Autant dire que ce plafond sera fluctuant et qu’il s’amenuisera au fil de l’eau.
Proposition n°2 : Rendre obligatoire l’OPTAM (cela ne nous concerne pas, je ne m’étendrai pas)
Proposition n°3 : Renforcer les obligations d’informations…
N’ayez aucun doute, l’imagination humaine n’a aucune limite face à ce type de problématique. D’ici à ce que l’on nous demande un « formulaire de consentement éclairé de pratique tarifaire », il n’y a qu’un pas.
Proposition n°4 : Demander aux professionnels de santé exerçant en secteur 2 des contreparties…
Pour toutes celles et ceux qui veulent un secteur 2 pour la kinésithérapie. Même si personnellement je pense que cela n’arrive pas, si jamais d’aventure cela arrive, celui-ci sera borné par des contraintes.
Ne rêvons pas, tous les professionnels de santé qui feront du dépassement se verrons appliqué des « contreparties ». Et je peux vous garantir que dans ce domaine, là encore, l’imagination n’a aucune limite !
Proposition n°5 : Appliquer les sanctions en cas de dépassement excessif…
Faut il expliquer cette proposition ?
Tout sera sous contrôle !
Proposition n°6 : Finaliser la révision de la CCAM…
Si sous cette proposition cela semble ne pas nous concerner, traduit simplement cela sous entend que notre « nouvelle nomenclature » n’était qu’un premier pas. La CCAM comporte plus de 7600 actes, à méditer.
Proposition n°7 : Ne plus rembourser les prescriptions en secteur 3.
Là aussi, mesure simple mais qui peut avoir de grosses répercussions sur notre activité.
Car pour l’instant hormis en allant sur l’annuaire pro d’Ameli (et il faut se l’avouer, on en pas passer notre temps à cela…) nous ne savons quel est le secteur de conventionnement d’un médecin et nous aurons des indus si jamais nous faisons un tiers payant sur un acte non remboursable.
Cette proposition est déjà réalité puisqu’elle a été adopté à l’assemblée dans la première rédaction du PLFSS 2026.
Proposition n°8 : Envisager le relèvement des seuils de l’accès à la C2S…
Là aussi cette proposition semble ne pas nous concerner, mais en fait elle nous touche directement car les patients en C2S sont observés pour certains calculs de notre zonage.
Proposition n°9 : Interdire les dépassements d’honoraires pour les actes et consultations répétés dans le suivi des maladies chroniques. Un dépassement d’honoraires pourra être facturé au premier passage et sera interdit pour les actes et les consultations suivants. Les consultations et les actes concernés seront inscrits [dans une liste réglementaire].
Voilà c’est assez simple, vous voyez un patient en ALD, vous pouvez lui facturer un DE à la première séance mais pas après, et ce DE, comme le prévoit la proposition n°1 sera plafonné.
Proposition n°10 : Mettre en place un mécanisme de taxation progressive des dépassements d’honoraires au-delà d’un certain seuil, pour financer des mesures d’accès aux soins, les recettes alimentant un fonds pour l’accès aux soins en zones sous-dotées.
Donc, déjà que les DE sont soumis à cotisation non minorées, qu’ils ne rentrent pas en compte du calcul de l’ASV, mais en plus ils pourraient être taxés !
Voilà comme vous l’avez peut être deviné, si des mesures de ce rapport sont adoptées, l’application des dépassements d’honoraires va devenir plus que compliqué.
À cela s’ajoute une réflexion autours de l’accès au soins, de la création d’une médecine à deux vitesses (ceux qui payent et les autres), une rélfexion « éthique » et « déontologique » serait intéressante, mais ne comptez pas sur notre ordre qui est hors sol et qui à son habitude va faire sa tambouille dans son coin sans concertation aucune.
Le dépassement vous attire toujours ?
La prochaine fois que vous croisez un représentant syndical qui vous explique que le DE c’est l’avenir… permettez vous de lui dire que cela va être un peu plus compliqué que prévu !
V. Jallu

