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La cour des comptes a publié un rapport sur l’avenir de l’assurance maladie.
À peine paru, les réactions de tous bords ne se sont pas faites attendre.
Sans rentrer dans les détails du texte, je vous propose quelques commentaires d’ordre généraux.
Vous pourrez retrouver ce rapport en cliquant ici.

 

La course au volumes et au dépassements d’honoraires
La cour des comptes s’offusque des dépassements d’honoraires pratiqués. Mais… N’est-il pas logique, lorsque l’on en a la possibilité, d’augmenter ses tarifs quand la tutelle ne le fait pas ? La cour des comptes croit elle réellement que l’on puisse travailler 50h par semaine 49 semaines par an sans avoir une quelconque compensation financière ?

Pourquoi le temps de consultation diminue au profit du volume d’actes ?
La réponse est assez simple… Lorsque l’on vous donne 50€ pour une séance, avec 6-7 patients par jour, votre bénéfice est fait. Vous pouvez donc consacrer du temps à votre patient.
Lorsque l’on vous donne 15€ de la séance… il faut fatalement voir 3 à 4 fois plus de patients pour obtenir le même bénéfice.
Or, depuis 20 ans, nos bénéfices ne font que décroitre en rapport à l’inflation. Les jeunes diplômés voient leur remboursements de prêts étudiants s’amonceler. Les anciens ayant fait des investissements indexés sur leurs revenus de l’époque voient leur marge financière s’amoindrir de jours en jours. La solution est donc de rechercher le profit simplement pour survivre.
Et comment gagner plus avec un tarif fixé ? La réponse est simple… voir plus de patients, donc chercher le volume.

 

La prévention et de l’éducation
La prévention et l’éducation à la santé, en France, cela n’existe pas !
Inutile ensuite de venir crier au loup parce qu’un patient qui a un banal « rhume » veuille aller chez son médecin traitant, qui débordé ne peut le prendre, et donc que ce patient finisse aux urgences ?
Pendant des années nos patients ont été éduqués dans cette vision « mon généraliste se doit de me prescrire quelque chose et si possible, des antibiotiques, il n’y a que ça qui fonctionne » !
Non, il faut former nos soignants, ne pas avoir honte de dire « j’ai fait 10 ans d’études pour apprendre à une jeune maman à moucher son bébé ». Il faut éduquer nos patients à écouter les soignants et à ne pas remettre systématiquement en cause le diagnostic, à se prendre en charge et sortir de l’assistanat contant.

 

La tarification à l’acte
La cour des comptes critique ouvertement la tarification à l’acte en précisant que les forfaits et enveloppes globales avaient diminuées les dépenses à l’hôpital et qu’il faudrait adapter ce système à la médecine libérale. En effet, malgré l’ensembles ROSP et autres formalisations, les revenus des médecins est encore à 85% composé de revenus à l’acte.
Ce que la cour oublie, c’est qu’un professionnel libéral engage sa propre responsabilité dans son entreprise. Combien d’entre nous se sont vu refuser des prêts professionnels ? Combien on du engager leurs bien propres pour cautionner un investissement ?
Créer un système où le professionnel ne pourrait pas avoir d’objectif financier est une erreur. Au jour d’aujourd’hui où nos revenus ne font que diminuer eut égard de l’inflation et des non augmentations, les professionnels sont de plus en plus contraints d’avoir un regard « financier » sur son exercice et non plus un regard « de santé ».
La tarification au forfait est une assurance de diminution de qualité.
Être « salarié de la sécu », voici ce que nous propose la cour des comptes, mais attention, en conservant tous les inconvénients de l’exercice libéral.

Nous avons perdu plus de 20% de pouvoir d’achat par rapport à l’inflation, nous ne sommes plus en mesure d’investir dans les innovations techniques, bientôt nous ne pourrons plus nous former, mais la cour des comptes pense que les négociations conventionnelles produisent des résultats insuffisant !
La cour veut que l’on s’inspire du modèle allemand du point de vue de l’organisation du cadre législatif… et bien que l’on s’inspire aussi de leurs tarifs ! En Allemagne la moyenne est à 70€ la consultation chez le généraliste !
Mais non, soyez en sur, nous nous inspirerons du modèle Allemand mais en conservant un tarif Français !

 

La restructuration de l’hôpital
La cour veut renforcer les moyens d’actions des ARS concernant les normes de fonctionnement et des seuils d’activité des établissements. Comprenez par là que les hôpitaux de campagne, les petites structures et tous les postes d’accueil de proximité vont disparaitre au profit d’hyper-structures.
Tout comme les commerces de proximité ont disparus au profit des supermarchés, et maintenant des hypermarchés. Sauf qu’aujourd’hui on s’aperçoit des errements de ces structures et la demande de réimplantation de commerces de quartiers et de petites structures est de plus en plus forte. Car à force d’hyper-globalisation, nous en sommes arrivés à nous nourrir de produits pauvres en qualité et seuls les grands administrateurs des chaines de consommation tirent leur épingle du jeu.
N’en doutons pas il en sera de même avec les structures hospitalières. Lorsqu’il n’y aura plus qu’un seul hôpital par département, nous aurons touché le fond

Comprenez aussi que cela s’implantera à terme sur les libéraux. Les normes pour ouvrir ou conserver un cabinet ouvert seront de plus en plus strictes. Vous devrez un jour, avoir une permanence de soin 24h sur 24, des équipements normés, des prestations normées, et même votre papier toilette devra être « certifié ARS » !
Si cela peut faire sourire, je prédis la mort du système libéral à moyen terme. Tout est déjà fait pour tendre vers les maisons de santé (à lire ici) et autres structures équivalentes…

 

Le dossier médical partagé
La cour des comptes pense que les retards pris dans ce domaine sont responsable d’une partie de la mauvaise gestion des soins. Sur ce point, je la rejoins.
Personnellement je ne comprends toujours pas qu’en 2017, avec les moyens technologiques existants le DMP ne soit toujours pas déployé, qui plus est, avec le peu de fonctionnalités qui sont avancées…
Vous pouvez télécharger vos analyses médicales sur votre smartphone, mais un kinésithérapeute n’est pas capable techniquement d’avoir un compte rendu opératoire ou simplement une ordonnance dématérialisée ! C’est un comble.
Que dire de l’échec de la carte vitale V2 (avec la photo), déployée depuis 2007 et dont la totalité de la population n’est toujours pas doté…
Peut être faudrait-il confier à Apple, Google ou Microsoft ce dossier pour que cela avance ! Non, je plaisante bien sur, hors de question, mais il faut avouer que ce n’est plus de la lenteur, mais de l’immobilisme voir de la régression dans le domaine !

 

La part privée dans les soins…
La cour des comptes signale que la part des assureurs privés dans le financement des dépenses totales de santé est presque 40% plus importante en France que dans les autres pays européens.
Comment ne pas s’en étonner puisque la loi de santé a été faite pour ainsi que l’obligation d’avoir une mutuelle pour l’ensemble des salariés !

C'est bel et bien pour masquer les inégalités d'accessibilités aux soinx que les mutuelles sont devenues "obligatoires".
Comment s’en étonner lorsque les gouvernements successifs n’ont fait que dérembourser les soins et ont confié de plus en plus d’actes à des non professionnels de la santé.
Tous ces processus ne font qu’augmenter la part privée dans la santé.
Je rappelle tout de même que, même si cela n’a pas abouti, le groupe AXA avait proposé de racheter l’assurance maladie !

 

La régulation de l’offre !
La cour des comptes avance qu’avec une nouvelle redéfinition des compétences des professions de santé l’on pourrait apporter de nouveaux services et de répondre à des besoins particuliers.
Personnellement je suis pour redéfinir nos compétences, pour apporter de nouveaux services, à conditions que la rémunération soit à la hauteur des enjeux et de la nécessité. Il y aurait tant de chose à faire en matière d’éducation, de prévention, de suivi post-opératoire, de prises en charge…
Inutile de vous dire que quand on voit le manque total d’ambition de notre ordre professionnel sur le thème des urgences par exemple (à lire ici et ici), j’ai bien peur que l finalité ne soit qu’une tornade dans un verre d’eau.

Par ailleurs la cour des comptes demande à ce que les mesures incitatives au titre de la régulation démographique soient simplement revues la baisse ou supprimées. Le conventionnement sélectif est plus que jamais d’actualité.
Peut être un jour, les tutelles comprendrons que l’on ne peut pas obliger quelqu’un à s’installer là où il ne le souhaite pas, surtout quand il a du payer sa formation.

Il ressort tout de même un point intéressant… La cour des comptes considère les professionnels tels des pions que l’on peut redistribuer à gré. Savent-ils que derrière la démographie se cache des gens, des familles, des situations de vie ? À priori… non.

Est-ce qu'au moins la cour a envisagé que l'attracivité était en cause ? (à lire ici)

 

Donner la priorité aux objectifs de santé publique et de qualité de soins…
Derrière cette phrase se dessine la médecine opportuniste… Comme expliqué dans mon article sur les méfaits de la forfaitisation (à lire ici), nous allons doucement mais surement glisser vers un modèle où nous ferons pendant 2-3 ans de la kinésithérapie respiratoire puis pendant 2-3 ans de la rééducation cardiaque puis ensuite un peu d’Alzheimer et après un peu de cancer etc…
Cependant comme les soins « courants » seront totalement dévalorisés, autant le dire de suite, la petite entorse durant le match de foot, plus personne ne la traitera car elle ne rapportera rien.
Nous nous dirigeons vers une médecine en dents de scie où certains secteurs seront favorisés et d’autres abandonnés. Il y aura une belle façade où l’on montrera l’argent investi et les avancées technologiques mais ce qui traine dans les coins, il faudra prendre bien grand soin de le cacher…

Seul l'opportunisme sera de mise.

 

Conclusion
Si la cour des comptes n’est que consultative, n’oublions pas que Nicolas Revel, directeur de l’UNCAM, en a été membre. N’oublions pas non plus que toutes les dernières régressions conventionnelles ont suivi les recommandations de la cour.

Le but de l’état est bel et bien de remplacer les hôpitaux de proximité par des maisons médicales montées en fonds propres et réduites en esclavage par les forfaitisations, les ROSP et l’ensemble du système normatif. L’accueil s’y fera H-24 pour un coût 3 fois inférieur au coût actuel.
Les médecins de ville seront remplacés par la télémédecine et si possible avec des médecins exerçants dans des pays à bas coût pour que la consultation soit 4 fois moins onéreuse (à lire ici).
La prévention sera faite dans les écoles avec des intervenants formés sur le pouce et parfaitement moulés par l’administration.

Tout est fait pour réduire les coûts et augmenter les services.
Préparez vous à un système de soin déshumanisé basé sur les hyper-structures, la proximité virtuelle, et où, seule la maîtrise financière des dépenses sera la seule règle.

« Bonjour madame. Vous avez un cancer. Vous n’aurez pas de chimiothérapie. Votre âge fait que la dépense ne pourra pas être compensée par votre future activité vu que vous êtes à 2 ans de la retraite. Vous bénéficierez tout de même d’une assistante sociale en ligne qui vous aidera à faire vos démarches pour vos obsèques et par chance vous aurez droit à 5 séance de prévention faites par le prof de gym de l’association des anciens de votre commune.

Pour réécouter ce message, tapez 1.
Pour toutes informations complémentaires, rendez vous sur ameli.fr.
Vous pouvez raccrocher, l’assurance maladie vous souhaite une excellente journée »…

Voilà notre avenir…

 

Vincent Jallu