Nuages

Doit on craindre ou encourager la télémédecine ?

 

Sans rentrer dans le domaine de la science fiction, voici ce qui pourrait à très court terme exister en s'appuyant sur un réseau déjà existant:

Imaginons que vous ayez une "gastro" durant la nuit.

Le matin, vous vous connectez via internet sur un portail dédié aux consultations médicales. Après quelques brèves questions destinées à faire un premier dispatching, le portail vous propose un rendez-vous avec un médecin en ligne dans la demie heure qui suit dans votre pharmacie habituelle ou à proximité.

Arrivé dans votre officine, vous entrez dans la salle de soins qui a été rendue obligatoire, vous vous asseyez, vous insérez votre carte vitale dans un boitier, l'appareil se connecte alors au médecin qui a désormais accès à votre Dossier Médical Partagé (DMP). Vous enfilez alors un "gants" qui n'est ni plus ni moins qu'un tensiomètre-thermomètre-oxymètre connecté qui va effectué quelques mesures.

Le médecin à l'autre bout du monde, là où on peut le payer 10€ la consultation a alors accès à vos constantes de base, votre DMP et en moins de 5 minutes et deux questions vous dit "vous avez une gastro, j'ai saisi à l'instant l'ordonnance électronique, le pharmacien vient de la recevoir et vous délivrer de suite votre traitement".

Bonne fin de journée messieurs-dames, en moins de 10 minutes votre consultation est faite et vous ressortez avec votre traitement. N'est-ce pas là, pour le patient, une forme de médecine idéale répondant à l'hyper-consommation de notre société où il faut tout, tout de suite ?

Le tout en Tiers Payant Généralisé  (TPG) ou pire, au sein d'un réseau de soins mutualiste, que demander de plus ?

On peut même imaginer à terme une prise en charge "à domicile", avec le fameux "gant connecté" non plus à l'officine, mais à la maison. Nous pourrions donc avoir une consultation à domicile, quasi à la demande.

Et si vous croyez que cela relève de « l’irréel », sachez que tous les processus techniques pour organiser cela sont déjà d’actualité. Les derniers boucliers législatifs sont en cours d’étude et il ne faudra pas longtemps avant que celui ne puisse émerger.

 

Où est le piège ?

Le premier piège est que si les plateforme de médecins qui vous consultent sont en France, avec des médecins français, ces derniers seront soit salariés soit libéraux. Si ils sont libéraux, il y aura une facturation à l'acte et aucune économie réelle à la clé. Salariés, le raisonnement commence à changer. En effet le salarié coutera moins cher que le libéral.

Enfin si le médecin est "ailleurs", comprenez dans une zone où le tarif de la consultation médicale est bas comparativement au notre, là les économies pourront être gigantesques.

En effet, un médecin dans un pays en voie de développement, avec un salaire de 1000€ par mois qui pourrait effectuer 6 consultations à l'heure pendant 10h serait une manne  financière !

En dehors des économies, ces consultations feraient perdre, je pense, 20 à 30% des consultations des généralistes de France. En effet on pourrait de cette manière gérer la quasi totalité des consultation pandémiques (gastro-entérite, grippe...), les consultations de "bobologie" etc...

Autant dire de suite que finalement nous aurons sur le territoire beaucoup plus de médecins qu'il n'en faudrait à ce moment là.

On comprend de suite pourquoi les pouvoirs publics n'augmentent pas le numerus clausus, pourquoi des spécialistes du droit, de la protection des données, des réseaux informatiques et autres ont été consultés dans cet objectif.

Indirectement, le principal risque pour les médecins est que le monopole soit totalement remis en question par des médecins extérieurs. Et c'est certainement là qu'il faut chercher pour comprendre les enjeux de ce genre de dispositif.

En effet, n'en doutons pas, les pouvoirs publics font tout pour fractionner et supprimer les monopoles de santé. Je pense que nous sommes assez bien placés pour en parler ! et si les médecins ont encore ce "privilège" d'être "indispensable", ce type de dispositif les rendrait "accessoires"...

 

 Les réseaux de soins

Si ces réseaux sont sous les feux médiatiques en ce moment, pensons que si ce système ne sera peut être pas d'actualité dans les mois à venir par le biais de la caisse nationale d'assurance maladie, il le sera certainement via un ou des réseaux de soins.

Imaginez une mutuelle qui pourrait dire à ses futurs clients, "chez nous, nous vous proposons des consultations médicales en ligne tous les jours à toutes les heures » !

En tant que patient, n'y trouveriez vous pas votre compte ?

Imaginez un magnifique "coup de com" d'une mutuelle, qui au 15 janvier d'une année où les épidémies de grippe et de gastro-entérites sont bien présentes, dirait "nous ouvrons une consultation gratuite à tous nos adhérents, et ce, tous les jours de la semaine ! Tous les professionnels de santé s'inquièteraient alors du niveau du soin, de petits détails etc, mais les patients... eux seraient certainement ravis de ne pas avoir à attendre 8 jours pour obtenir une consultation...

 

À notre échelle...

La consultation médicale c'est bien , mais nous, masseurs-kinésithérapeutes... En quoi pourrions nous être concernés ?

Et bien c'est assez simple, il suffit de regarder comment s'organise le soin chez nos voisins, voir, un peu plus loin.

Prenons l'exemple d'une entorse de cheville. Le kinésithérapeute pourrait tout à fait effectuer les 2-3 premières séances à son cabinet. Puis au moment de la rééducation proprioceptive en charge, du travail musculaire ou plus généralement de l'ensemble des exercices musculaires, le kinésithérapeute à distance pourrait très bien coacher 3-4 ou même 5 personnes en même temps.

Attention toutefois, les "APA" grignotent du terrain chaque jours. Il est fort envisageable qu'à terme, dans cette logique de diminution des coûts, le kinésithérapeute effectue ses 2-3 séances et qu'ensuite il passe le relai à un APA pour effectuer la fin de rééducation !

Voyez vous où je veux en venir ?

Car oui, cela pourrait tout aussi être effectué à quelques centaines voir milliers de kilomètres de votre cabinet par un praticien lui aussi payé quelques centaines d’euros par mois…

 

Conclusion

Étant moi même assez fan de nouvelles technologies et en même temps assez soucieux de mon avenir professionnel, je ne sais pas comment me positionner face aux éventualités qui se présentent.

En effet, en tant que patient, il est clair qu'avoir accès à une consultation rapide et qui permette une prise en charge quasi instantanée serait un réel plus.

Cependant il est évident que pour l'ensemble des professionnels du secteur médical et paramédical, il y a un réel danger pour la survie de nos emplois.

Il va falloir s'y préparer et modifier notre vision du soin, de son organisation pour ne pas être pris au dépourvu.

Mais soyez en sur, la télémédecine ce n'est pas de la science fiction, ce n'est pas pour "dans 20 ans", non c'est à court terme d'ici moins de 5 ans...

 

Vincent Jallu