La Profession
Attention au mélange des genres...
à venir (dans un ordre non exhaustif !)...
les négociations conventionnelles
le tarif d'autorité
les contrôles
la requalification des actes
les urps
les maisons de soin, de santé, pluridisciplinaires...
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- Written by Vincent Jallu
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Et oui, nous entendons beaucoup sur les réseaux les gens dire « nous ne pouvons pas travailler plus », « nous faisons 60 heures par semaine », « les cabinets usines… »… Alors mythes ou réalités ?
Toutes les données de cet article sont issues de data.ameli.fr et ont été traitées avec l’ensemble logiciel R.
En France métropolitaine il est facturé 3472 actes par an et par kinésithérapeute dans le département où l’on travaille le moins, à contrario 6424 actes en moyenne dans le département où l’on travaille le plus.
85% d’actes en plus entre les deux départements, autant vous dire que celui qui pense que nous avons une activité « homogène » a tort sur toute la ligne !
Quelle est donc la réalités des faits ?
3472 actes par an, sur 235 jours d’activité (soit 5 semaines de congés, samedi-dimanche non travaillés), cela représente 14.77 actes par jour soit un peu moins de 7h30 d’activité. Comme quoi des libéraux aux 35h… ça existe ! (Humour, je précise au cas où…).
Pour les grincheux, si l’idée viendrait de dire « mais on a pas autant de vacances que cela… ». Si l’on calcule sur 246 jours d’activité (donc 3 semaines de congés), on arrive à 14.11 actes par jour soit un tout petit peu plus que 7h d’activité par jour, c’est pire…
Bien évidement nous ne parlons là que de revenus conventionnels. Nul ne doute (ou pas !) que nombre de kinésithérapeutes dans les départements où l’on enregistre si peu d’actes pourraient avoir une activité secondaire, mais rien ne permet de l’affirmer car si l’on regroupe les quelques derniers articles de ce blog, on note que finalement il n’y a pas tant de HN que cela dans ces départements… Mais très loin de moi l’idée de déclencher une guerre sur le sujet, laissons le bénéfice du doute…
À l’inverse, 6424 actes par an, cela représente presque 14h quotidiennes, sans aucun absentéisme (ou pas ! Là encore, les données ameli sont sur les actes facturés et non les actes réellement effectués), sacrée rythme !…
Mais voyons comment tout cela se distribue:
La distribution est quasi parfaite et homogène.
La moyenne est à 4748 actes par an soit un chouia plus que 20 séances par jour soit 10h d’activité.
La variance est de 328780.3.
La médiane (pour rappel, 50% des kinésithérapeutes sont au dessus, 50% sont en dessous) est à 4772 soit 20.3 actes par jour.
A noter la limite 1er-2e quartile est à 18.49 et la limite 3e-4e quartile est à 21.68 actes par jour.
50% des kinésithérapeutes de France métropolitaine effectuent donc entre 18 et 22 actes conventionnés par jour et ce 235j par an. J’avais déjà mis en doute l’étude de la CARPIMKO sur la pénibilité. Cette dernière parlait de 3 semaines de congés et 57h de travail par semaine. Ce qui correspondrait à 5586 actes annuels. Seuls 17.53% des kinésithérapeutes semblent être dans ce cas si on se limite aux actes conventionnés. Nous ne reparlerons pas non plus de l’étude de l’URPS île de France qui est tellement biaisée que les résultats ne sont absolument par représentatifs. Le département de Paris est le second département où l’on pratique le moins d’actes conventionnés (mais celui où l’on pratique le plus de DE pour rappel) avec 3501 actes par an soit 14.89 par jour sur 235 jours. Enfin, il y a encore quelques jours, un syndicat qui nous annonce fièrement son « enquête », largement biaisée, avec 80 actes moyens par semaine, alors que la moyenne nationale est à 100 actes (il est vrai que 25% d’erreur ce n’est pas grand chose…).
Toute la problématique est que visiblement, tous ces gens n’ont pas vraiment de culture scientifique et ne font qu’orienter les chiffres là où ils veulent les faire pointer. Les données Ameli sont Open Source, sur population entière et donc indiscutables. Si un jour nous voulons attirer un peu plus de monde dans les syndicats, peut être faudra-t-il commencer par arrêter de leur mentir et leur fournir des données fiables qui pourront alimenter des réflexions pertinentes.
Tordre le cou aux idées reçues… les cabinets usine !
Dans le même ordre d’idées, nous entendons régulièrement parler de ces fameux cabinets usine que nous connaissons tous, qui dérangent et qui sont tout aussi jalousés.
Mais finalement même si l’on prend 235 jours d’activité comme référence, nous arrivons à une moyenne nationale (métropolitaine) de 20.20 actes par jour. Et plus intéressant, la médiane est à 20.31. Ce qui veut dire qu’il y a autant de kinésithérapeutes qui font moins de 20 actes par jour que de ceux qui en font plus… Et encore plus intéressant, le minimum départemental est à 14.77 et le maximum à 27.34.
Voilà 20 séances par jour en moyenne. Nous sommes à des années lumières de ce que certains annoncent (40-50 séances par jour). Cela permet de relativiser…
Il semblerait donc que les fameux cabinets-usine ne soient pas la norme, très loin de là. Et la fameuse « norme sécu » qui fixe à 32 actes par jour avant de déclarer une activité « hors norme » semble assez cohérente.
De fait, vous réalisez 40 actes par jour et vous vous demandez pourquoi la sécu vous demande des précisions ? Peut être est-ce par ce que vous être au double de la moyenne nationale ?…
Mais alors où travaille-t-on le plus ?
La carte ci-dessous représente les 4 quartiles d’activité. Le graphique en suivant classe les départements par son activité. Les droites vertes symbolisent les limites des quartiles.
En regardant cette carte, nous ne pouvons nous apercevoir qu’il existe, encore une fois, des problématiques locales. La Bretagne, le Rhône-Alpes, la Picardie, la Corse ou encore L’île de France coupée en 3 avec 3 départements où l’on travaille le plus, 3 départements où l’on travaille le moins et 2 intermédiaires
Coût total par patient
Une autre interrogation survient. Nous n’avons pas une activité homogène suivant les départements, très bien. Mais pour le patient qu’en est-il ?
Combien coûte un traitement de kinésithérapie au patient ?
La carte ci-dessous a été conçue avec les revenus totaux (conventionnés et DE) divisés par le nombre de patient de la file active (le nombre moyen de patients vu par kinésithérapeute, par an et bien sur pour le département concerné).
Pourquoi dans certains départements il coûte 288€ par patient, alors que dans un autre c’est jusque 636€ par patient ? Cela coûte 2.2 fois plus cher en Corse qu’en Bretagne…
Croisons les données…
Intéressons nous maintenant à quels départements coûtent le plus au patient (4e quartile) et effectuant le moins d’actes par an (1er quartile). En croisant ces données nous obtenons les départements les plus et les moins « rentables » pour les patients.
Sur la carte ci-dessous, en rouge les départements les moins rentables. Les Alpes de Haute Provence, Les Hautes Alpes, Paris, les Yvelines et les Hauts de Seine sont sur ce podium des départements les moins rentables.
En rouge-orangé, les départements étant au-dessus de la médiane en terme de coût au patient et en-dessous de la médiane du nombre d’acte. L’Ardèche, la Drôme, l’Isère, Loir et Cher, Lot, Pyrénées Orientales et Vaucluse.
À l’inverse, les bons élèves, en bleu ciel les départements ayant un nombre d’actes supérieurs à la médiane et dont le coût au patient est inférieur à la médiane. Les Ardennes, la Charente, le Cher, le Gard, la Gironde, la Meurthe et Moselle, la Moselle, la Haute Saône, la Seine Maritime, la Haute Vienne et les Vosges sont sur podium.
Enfin, champion toute catégorie, la Meuse qui représente l’excellence ! Le coût au patient est dans le premier quartile et le nombre de séance annuelles dans le 4e quartile ! C’est le seul département réussissant cet exploit. La Meuse, un exemple à suivre ?
Allons plus loin. Si l’on croise ses données avec les données de surconsommation de soins évoquées dans un article précédent (à lire ici), les Alpes de Haute Provence, les Hautes Alpes et Paris sont les lanternes rouges.
À l’inverse la Meuse reste championne toutes catégories.
Allons encore plus loin… Où travaille-t-on « le mieux » ?
Nous avons cherchez les départements où nous travaillons le plus. Nous avons ensuite croisé les données avec la surconsommation de soins. Nous obtenons alors un indicateur de performance des départements où l’on travaille le plus, en surconsommant le moins.
Si l’on prend le nombre de séances annuelles moyen par département et qu’on le divise pas le produit de la file active et de l’APL (le tout ramener à 1) nous obtenons un indicateur mesurant l’activité (nombre de séances) par rapport au nombre de patient (file active) et à la densité en fonction de la population normalisée (APL).
Nous pouvons donc en déduire quels sont les départements où l’activité est la meilleure (en bleu sur la carte ci-dessous, représentant le dernier décile) et où elle est la moins bonne (en rouge sur la quarte ci-dessous, représentant le premier décile).
Nous pouvons alors établir ce tableau récapitulatif:
France métropolitaine |
Meilleurs départements |
Moins bons départements |
Variation Meilleurs/Moins bons |
|
File Active |
217 |
251 |
189 |
+32% |
Nombre de séances par an |
4748 |
5247 |
4883 |
+7.45% |
Nombre de séances par patient |
21.88 |
20.90 |
25.84 |
-23.64% |
Coût total par patient |
388.57 |
366.28 |
466.86 |
-21.54% |
Surconsommation de soins |
1 |
0.53 |
1.99 |
-73.37% |
Revenu conventionnés par MK |
82705 |
91397 |
85064 |
+7.44% |
Voilà, nous pouvons donc dire aujourd’hui que dans les meilleurs départements, on voit 32% de patients en plus, on effectue 7.45% de séances en plus tout en effectuant 23.63% de séances en moins par patient, cela coute 21.54% en moins par patient, on surconsomme 73.37% de soins en moins et les revenus conventionnels sont 7.44% plus élevés que par rapport aux moins bons départements.
Une certitude, nous ne pouvons pas travailler plus…
En effet avec une moyenne à 20 séances par jour, soit 10h d’activité réelle déclarée, la profession est saturée économiquement. Nous ne pouvons et ne pourrons pas travailler plus pour gagner plus. N’oublions pas qu’aux 20 séances par jour, il faut rajouter les absents, les temps de déplacement à domicile etc... Nous sommes donc théoriquement à beaucoup plus de 10h d’activité en moyenne.
Pour faire écho à l’article sur le zonage (à lire ici), nous devons drastiquement rationaliser nos traitements et aller vers l’optimisation.
Mais cela n’y changera rien, nous augmenterons la file active, parfait, mais nous ne diminuerons pas notre temps horaire…
Et force est des constater qu’aujourd’hui, nous sommes arrivés à la limite, effectivement, nous ne pouvons pas travailler plus !
L’accès direct et les délégations de taches sont et seront des échecs…
Je suis pourtant un énorme partisan de la monté en compétence.
Mais comment espérer que l’on puisse inclure d’autres pratiques alors que nous sommes déjà au maximum de nos capacité à travailler ?
L’accès direct, les délégations de taches, toute nouvelle mission qui nous sera proposée sera intéressante, mais comment les mettre en oeuvre sans réduire notre activité de base ?
Comment inclure cela sans déléguer nos propres actes ?
Il n’est pas étonnant que les premières expérimentations et les protocoles utilisés en CPTS ou MSP soient des échecs cuisants.
Qui a le temps aujourd’hui pour de nouveaux actes ?
La kinésithérapie est très paradoxale. Nous voulons avancer mais sans rien lâcher…
Il est évident que nous devrons déléguer pour pouvoir aller vers autre chose.
Si acquérir de nouvelles compétences est intéressant et indispensable pour faire progression notre profession, cependant, l’ordre et les syndicats se fourvoient en engageant aucune analyse sur nos pratiques professionnelles.
Nous ne pourront jamais nous engager dans de nouvelles compétences si nous ne libérons pas de temps à celles-ci.
Je le répète, mais si nous voulons nous engager dans de nouvelles voies, il faudra déléguer une partie de notre activité.
La nécessité d’avoir une une vraie enquête sur nos pratiques organisationnelles
Nous voyons que les éléments déclaratifs (enquête de pénibilité CARPIMKO par exemple, enquête de l’URPS IDF, les publications syndicales…) sont totalement hors de propos. Les faits démontrent que les déclarations obtenues sont non représentatives des faits observés sur population entière.
Nous ne pouvons plus nous contenter d’éléments non factuels, et surtout nous nous devons, en amont de quelque nouvelle compétence, pouvoir anticiper ce que ces compétences vont nécessiter en terme de temps et d’investissement professionnel.
Nous ne pouvons pas imposer cela aux kinésithérapeutes sans même avoir réfléchi si seulement c’était possible… Et malheureusement nous le voyons tous les jours, notre ordre et nos syndicats s’engagent dans des voies qui sont à des années lumières de la réalité des cabinets et de ce que nous pourrons réaliser dans le futur, il n’y a aucune réflexivité dans leurs actions.
Tout changement de paradigme au sein de notre profession devrait être préparé en amont, on appelle cela prévenir le changement. Mais visiblement nos dirigeants n’ont ni l’idée de le faire et encore moins l’intention. Et sans l’analyse nécessaire, ni mise en place d’accompagnement au changement, il n’y aura aucune adhésion au projet.
Actions à mener
Nous devons, en premier lieu, faire une analyse concrète sur population entière.
Réfléchir sur les directions que nous souhaitons avoir pour notre profession.
Auditionner l’intégralité de notre population sur les orientations qu’elle souhaite suivre.
Proposer des moyens pour parvenir à ces orientations.
Préparer le terrain en fonction des orientations à suivre.
Former les kinésithérapeutes à coordonner leurs actions avec celles d’autres professionnels (APA par exemple, mais pourquoi pas les coach sportifs).
Lier des partenariats avec ces professionnels, participer à l’organisation des connaissances et compétences de chacun pour qu’au final le soin soit le plus cohérent et les plus pertinent pour le patient.
Conclusion
Nous devons avoir une analyse fiable sur notre activité et arrêter de croire les « on dit » et encore plus les pseudo-analyses, fussent-elles organisées par de grandes institutions, une étude biaisée, reste biaisée…
Nous devons engager une réflexion sur l’avenir de la profession et surtout, avant d’engager un quelconque changement, prévenir ce changement.
Nous devons informer les kinésithérapeutes sur le terrain, de la réelle situation de leur territoire, de leur activité et les aider à comprendre comment modifier leur action.
Notre devoir est d’acculturer les kinésithérapeutes à la réflexivité.
Nous devons accompagner les professionnels dans leurs quotidien pour aller vers de meilleures pratiques plus pertinentes.
Et seulement lorsque nous aurons amorcer le changement, nous pourrons modifier l’axe d’orientation de la kinésithérapie.
Toutes celles et ceux (ordre et syndicats) qui œuvrent dans leur coin sans mettre en place en amont ce type de stratégie, en ne suivant que leur désidératas à grand coup de pseudos études, enquêtes ou sondages tous plus biaisés les uns les autres n’apporteront qu’une seule chose. Le désintérêt des kinésithérapeutes et la non adhésion au projets. Et aujourd’hui l’accès direct sous toutes ses formes en est la parfaite démonstration.
Nous avons pris, et continuons à prendre le problème à l’envers, tout en arguant que les nouvelles orientations ne fonctionnent pas ! Paradoxal ou simplement l’expression d’un travail mal mené.
Vincent Jallu
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Introduction
Le zonage est un dossier assez technique pour lequel personne ne semble vouloir expliquer aux kinésithérapeutes quels sont les tenants et les aboutissants.
Entre les syndicats plus ou moins muets sur le sujet et les élus URPS qui ne semblent que trop peu informés sur le sujet (la cour des comptes aurait elle raison ? Faut-il former nos élus ?) et notre ordre qui raconte presque n’importe quoi en matière de démographie, le zonage reste un élément majeur de notre pratique mais pour lequel un grand nombre de contre vérités circulent.
Cet article n’a pas vocation à parler de la méthode de calcul du zonage (encore que certains points sont très discutables et que nous pourrions y consacrer tout un article) mais plutôt du pourquoi et du comment. En effet, beaucoup en parle mais finalement peu on compris les origines et le but du zonage.
Une fois n’est pas coutume, comme l’article est un peu long, je vous propose la conclusion en premier.
Conclusion
Le zonage existe car plus une zone est « dense » moins le nombre de patients vu par an par kinésithérapeute est élevé. Plus le nombre de praticien est élevé dans une zone, plus la surconsommation de soins augmente.
Voilà donc le fondement du zonage.
Est-il parfait ? Non, certainement pas. Peut-on l’améliorer, oui nous le devons.
Bien que la politique du verre à moitié plein ou à moitié vide soit de mise, les pouvoirs publics ont choisi pour nous avec une méthode qui n’est pas toujours adaptée mais qui montre son intérêt.
Il faut travailler dans le sens de la mise en place d’un zonage dynamique qui apportera une réactivité qui manque cruellement actuellement.
La pertinence des soins et en finalité la qualité des soins sont les éléments principaux de la kinésithérapie raisonnée de demain.
Cela fait trop longtemps que l’on se voile la face sur ces problématiques et que nous restons spectateurs en attendant que le législateur nous contraigne toujours plus.
La prochaine fois que vous croiserez quelqu’un qui est surbooké en zone non prioritaire et qui souhaite un 4e assistant et qui râle car il ne peut l’avoir, demandez lui si avec 60% d’activité en moins il serait toujours aussi débordé… Car c’est la réalité de la surconsommation des soins. Est-ce leur faute ? Rien ne le démontre. L’effet d’aubaine (sur-prescription des prescripteurs et sur-utilisation du système par les usagers) en sont certainement la principale cause.
Nous devons prendre à bras le corps la problématique de la pertinence des soins et aller vers une kinésithérapie de qualité et non plus de quantité.
Méthode de calcul
Comme dit en introduction, pour faire simple et ne pas trop rentrer dans les détails, l’indicateur de zonage est nommé Accessibilité Potentielle Localisée (APL).
Cet APL est une densité de professionnels en équivalent temps plein (EqTP) en fonction du temps de trajet et de la population. Les plus de 65 ans étant mis en avant car plus consommateurs de soins.
L’APL ne compare donc pas juste la densité de professionnel par rapport à la population mais la quantité de travail disponible en EqTP par rapport à l’âge de la population et surtout par rapport au temps de déplacement dans la zone considérée. L’APL considère donc la disponibilité des professionnels, les besoins de la zone et le temps d’accès aux professionnels.
Pour ce faire l’APL utilise une unité géographique que sont les « bassins de vie ».
Il est important de savoir que l’état parle en commune (départements, régions). La sécurité sociale parle en EPCI (pour faire simple, les communautés d’agglomération ou de communes). L’ARS parle en territoires de proximité. Et le zonage parle en bassin de vie !
4 répartitions géographiques différentes et qui ne se superposent pas.
Vous avez ainsi des bassins de vie qui sont à cheval entre plusieurs départements et même plusieurs régions !
Il y aurait énormément de choses à dire sur l’EqTP, son mode de calcul, ses avantages, ses inconvénients. Mais, je le redis, ce n’est pas le but de cet article. Cependant, là encore, la méthode de calcul étant discuté en négociations conventionnelles, il est étonnant que nos syndicats restent assez muets sur le sujet.
Car non seulement cela touche les professionnels actifs, mais aussi les étudiants bientôt concernés. Et non seulement la lenteur du système fait que le zonage n’est pas à jour, mais en plus l’attribution arbitraire des EqTP pour ces étudiants est problématique, mais… j’avais promis que nous n’en parlerions pas donc…
La seule vraie problématique à retenir est que le calcul de l’APL qui sera effectif en janvier 2025, est fait avec les chiffres de 2022 ! Oui vous avez bien lu, 3 ans de retard !
Pourquoi le législateur a décidé d’appliquer un zonage ?
Beaucoup vous diront « pour nous faire ch… ». Et certains appelleront à la « mort du libéral » ou encore de la « liberté d’installation ».
Ceux là auront certainement oublié que les professions de santé doivent s’intéresser et répondre aux demandes de santé publique…
Car ce n’est pas pour vous ennuyer ou pour vous empêcher de vous installer, mais bien pour répondre à une problématique d’ampleur. J’ajouterais même que la contrainte d’installation n’est qu’un des moyens pour atteindre l’objectif d’accessibilité aux soins mais aussi la pertinence du soin.
La réalité des faits montre que si vous êtes à pied, vous allez chercher votre pain à pied. Et si il vous manque du beurre, soit vous êtes un bon marcheur, soit vous attendez d’aller faire vos courses complètes pour reprendre du beurre. Regroupement des besoins, priorisation des déplacements.
Mais si un jour vous avez une voiture… et bien finalement au bout d’un certain temps, vous allez prendre votre voiture pour aller chercher votre pain (au risque de faire 3 fois le tour du pâté de maisons pour avoir une place juste devant) et si il vous manque du beurre, un aller retour « vite fait » pourrait être de mise.
C’est l’effet d’aubaine d’avoir un véhicule.
Dans la même idée, vous avez un nouveau restaurant qui s’ouvre « en bas de chez vous », vous n’avez aucune envie réelle d’aller au restaurant. Mais par effet d’aubaine, vous y allez.
Et bien en matière de soins c’est pareil.
Il y a un cabinet de kinésithérapie, les médecins le savent, il prescrivent en conséquence. Les patients le savent, ils demandent à leur médecin pour y aller.
Les études socio-démographiques montrent que dans les zones sur denses, l’effet d’aubaine représente un pourcentage majeur de surconsommation des soins. Il y a donc des soins qui ne sont pas pertinents dans les zones surdenses. Voilà la problématique et voila pourquoi le législateur a souhaité installer les zonages.
La vrai problématique est l’effet d’aubaine entrainant la non pertinence du soin.
Méthode d’analyse
Juste un point de méthode. Dans les analyses en suivant, l’APL a été considéré par département métropolitain. Pourquoi ? Simplement parce que les chiffres des revenus conventionnels par exemple ne sont pas disponible à l’échelle des bassin de vie, mais uniquement par département. Dans le but d’avoir toutes les données à la même échelle, l’APL, la File active et les revenus conventionnels sont donc tous au niveau départemental. Pourquoi uniquement la métropole ? Car le sujet des DOM est plus complexe que celui de la métropole. Un département comme Mayote qui pourtant d’un point de vue kinésithérapie est le département le plus attractif de France, d’un point de vue social et géo-politique, n’est pas le plus attrayant. Cependant si nos confrères-consoeurs hors métropole le souhaitent, il est parfaitement possible de faire une analyse spécifique aux DOM ou une analyse globale métropole-DOM.
Les sources des analyses sont les données CNAM et sont traitées avec l’environnement logiciel R. Les données utilisées sont celles utilisées pour le zonage 2025, donc les données de 2022.
Nous étudierons 4 choses.
L’APL dont nous avons déjà parlé.
La File Active qui est le nombre de patients vu par an par kinésithérapeute.
Le coût moyen par patient qui correspond au revenu moyen divisé par la file active moyenne par département.
La surconsommation de soins qui correspond au coût moyen par patient multiplié par l’APL. Cela nous donne un coût moyen par patient de la File Active en fonction de la densité, de la distance au patient et de la population.
L’APL va de 46 à 198. Il y a donc 4.3 fois plus d’offre de soin dans les Pyrénées Orientales que dans les Deux Sèvres.
Si l’on pousse un peu le comparatif, dans les Deux Sèvres, la file active est des 226 patients par kinésithérapeute pour une dépense par patient de 362€. Dans les Pyrénées Orientales ce sont 193 patients en file active (-14.6%) avec un coût par patient de 422€ (+16.6%).
(APL, Moy: 94, var: 1210.81, 626.05, Med: 85)
Du point de vue de la file active, ce sont dans les Hautes-Alpes où la file active est la moins élevée avec 142 patients.
À l’inverse c’est dans la Meuse où l’on a la file active la plus importante avec 285 patients. On voit donc 2 fois plus de patients par an dans la Meuse que dans les Hautes Alpes… Cherchez l’erreur !
(File Active, Moy: 217, var: 626.05, Med: 217)
Pour le coût par patient actif, le record est en Haute-Corse avec 636€ par patient contre 286€ en Ille-et-Vilaine, soit 2.2 fois plus cher en Haute-Corse… Soit l’on prend en charge les patients beaucoup mieux en Corse, soit on les prend beaucoup moins bien en charge en Bretagne, soit finalement il y a un problème…
(Coût par Patient, Moy: 385, var: 3017.64, Med: 380)
Niveau surconsommation globale, on note la Haute-Corse où l’on consomme +186% de soins par rapport à la moyenne. À l’opposé, la Mayenne, où l’on consomme -59% de soins par rapport à la moyenne.
En Haute-Corse la file active est des 176 patients contre 257 dans la Mayenne (+46%) et le coût par patient est de 636€ en Haute-Corse contre 320€ dans la Mayenne. Nous sommes presque du simple au double.
(Consommation, Moyenne: 1, var: 0.207, Med: 0.89)
Si jamais cela intéresse quelques personnes:
Analyses de densité
Comment ces données s’arrangent elles entre elles ?
Si l’on regarde l’indicateur APL par rapport à la file active de patients (nombre de patients pris en charge par an par MK).
Il n’y a pas de corrélation directe entre les deux (r= -0.4157). Avec une analyse simpliste, les deux ne sont pas corrélés, point final.
Cependant, si l’on regarde du côté des densités:
- APL et File Active
Ci-dessus sur le graphique de gauche, la densité de probabilité d’APL, le graphique du centre, la densité de probabilité de File Active, et le graphique de droite, un raster de densité de la File Active en fonction de l’APL. Pour information, la courbe en pointillés verts est l’ellipse de covariance à 95% (qui montre bien qu’il y a moins de 5% d’éléments perturbateurs), et la flèche bleue indique la droite de tendance. (Pour ceux que cela intéresse, en pointillés vert l’ellipse de covariance à 0.95%, la droite de régression linéaire n’a pas lieu d’être car la distribution de l’APL n’est pas normale, la flèche bleue est de fait une droite de tendance)
Nous voyons parfaitement sur le raster que plus l’APL augmente, plus la file active diminue.
Le service rendu par kinésithérapeute diminue avec l’augmentation de l’APL.
Il convient donc de maitriser cet APL.
Et c’est ce point que l’administration, à juste titre, retient. La corrélation simple, isolée, n’est jamais un bon indicateur. Il faut procéder à une analyse des facteurs de confusions pour avoir un avis plus objectif. Et sans rentrer trop dans les détails, l’APL n’ayant une distribution particulière, cela fausse toute corrélation possible.
- APL et Revenus conventionnels (hors DE)
La corrélation est r= -0.1553. Là encore la corrélation est très faible.
La pente de la flèche de tendance est de -204.77
Ainsi pour chaque point d’APL supplémentaire les revenus conventionnels diminuent environ de 205€ par an.
- APL et Surconsommation de soins
La corrélation est r= 0.9171
La pente de la flèche de tendance est de 0.0097
Ainsi pour chaque point d’APL supplémentaire la surconsommation de soins augment de presque 1%.
Quelle différence entre es zones ?
Voici donc la question que tout le monde se pose. Bien que nous commençons à envisager qu’il exister de vraie différences avec des vrais impacts de l’APL. Nous allons maintenant observer les différences entre la moyenne des zones très sous dotées, sous dotées, intermédiaire et des zones non prioritaires.
L’usager, au coeur du système
Si vous êtes en MSP ou en CPTS et que votre structure avance dans sa matrice de maturité, vous savez que « l’usager » est finalement au coeur des débats dans les instances.
En effet, que ce soit dans les Conseil Territoriaux de Santé, dans les CRSA ou plus simplement dans tous les groupes de travail de l’ARS, les usagers sont présents et on une voix décisionnaire.
Pour faire simple, les professionnels disent « laissez nous faire » et les usagers disent « nous voulons une meilleure accessibilité aux soins ».
Quelle est d’ailleurs la mission première des CPTS ? Et le premier critère d’évaluation d’une MSP ?
Oui si nous ne considérons pas l’avis de l’usager, nous serons déconnecté des problématiques de santé publique et nous finirons isolés et exclus du système de santé.
Les instances (ARS, CNAM) considèrent avec une grande attention l’avis des usagers. Et tant que nous resterons la tête dans le sable façon autruche en clamant « on ne peut pas nous forcer à… », nous perdrons !
L’étape suivante pourrait peut être, être plus coercive. Tarif conventionnel dans les zones intermédiaire. +5% dans les zones sous dotées, +10% dans les zones très sous dotées. Mais… -10% dans les zones non prioritaires. Cela tente quelqu’un ?
Et pourquoi pas une tarification indexée sur la file active et l’EQTP ?
Notre ordre… Lamentable sur ce sujet
Nous avons déjà vu lors de mon précédent article que « les cabinets doivent fermer » était potentiellement, au moins partiellement, responsable de la crise économique que notre profession a subit, et continue de subir depuis la période Covid.
Et bien, sur le sujet de la démographie, notre ordre ne fait pas mieux. Prônant le « notre démographie est une chance », nous voyons bien que notre ordre n’a vraiment rien compris des problématiques socio-démographiques de notre profession. Car finalement, notre ordre,par sa politique démographique, prône la dégradation de la qualité des soins.
Ce n’est donc absolument pas dans cette voie que nous aurons des gens à même capables de comprendre et d’intégrer ces problématiques.
L’ordre ne cesse de vouloir s’immiscer dans l’offre de soins alors que ce n’est pas sa mission (le conseil d’état a bien raison, l’ordre ne connait pas ses propres prérogatives) alors qu’il n’est même pas à même d’avoir une réflexion cohérente sur le sujet.
Les solutions
- Zonage dynamique
La première solution qui saute aux yeux est plutôt qu’un zonage défini et négocié sur des chiffres 2 ans auparavant et qui sera mis en place presque 3 ans après… La solution est simple, un zonage dynamique mis à jour en temps réel. Il n’est pas difficile de savoir quand une zone va basculer d’intermédiaire à non prioritaire.
On défini alors un nombre d’installations possibles et quand ce nombre est atteint, la zone reste en intermédiaire mais passe « temporairement » en non accessible à la libre installation. Et bien sur, à chaque départ, une place se libère.
Le site rezone.ameli.fr pourrait être un parfait outil pour cela. Vous cliquez sur une zone, cela vous indique le nombre de places disponibles ou la file d’attente avant de pouvoir s’installer.
Le zonage doit être en temps réel.
- Modification de l’EqTP
Je n’en ai pas parlé car j’ai indiqué que le mode de calcul ne serait pas étudié dans cet article. Cependant, l’EqTP accordé en valeur à 1 au nouveau diplômés doit être modifié pour obtenir la valeur médiane (et non moyenne) de la zone dans laquelle ce diplôme s’installe.
Plus largement, le mode de calcul de l’ETP doit être révisé, non plus en fonction du chiffre d’affaire, mais en fonction de la valeur de la file active pour avoir la vraie valeur EqTP du service rendu à la population (le chiffre d’affaire n’intéresse que le banquier). Car nous l’avons vu les revenus ne sont pas distribués de manière croissante en fonction de l’APL.
- intelligence des URPS, formation des élus.
La négociation au sein des URPS doit être faite intelligemment en étudiant chaque zone et conjointement aux URPS limitrophes pour gérer au mieux les zones à cheval sur deux régions.
La cour des comptes n’est pas dans l’erreur en disant que nos élus ne sont pas assez formés.
En effet, tant au niveau « scientifique » qu’au niveau « politiques de santé publique » nos élus doivent pouvoir répondre avec technicité et maitrise des sujets.
Nos élus doivent pouvoir débattre avec des arguments solides et tangibles ,et non avec des pseudos arguments d’autorité ou des contre-vérités sans fondement.
- Une nouvelle compétence
Une autre solution est d’acquérir une nouvelle compétence. Celle de dire « NON ». En effet, même si la surconsommation de soins est principalement liée à un effet d’aubaine des patients, des prescripteurs… Elle reste cependant aussi liée au fait que nous n’analysons pas assez la pertinence des soins.
Certains veulent faire monter en compétence notre profession avec l’accès direct par exemple. Mais l’accès direct c’est avant tout pouvoir dire « ce n’est pas pour moi », que ce soit à cause d’un drapeau rouge ou d’une non pertinence. L’assurnace maladie vient de l’annoncer, 30% des arrêt de travail ne sont pas justifiés. Sachez qu’un jour ils nous dirons 60% des soins de kinésithérapie ne sont pas justifiés.
Anticipons cette annonce et prenons cette problématique à bras le corps.
- Informer/former les kinésithérapeutes
Il est indispensable d’informer les kinésithérapeutes sur ces problématiques. Pouvoir leur expliquer que même si l’emploi du temps est plein, malheureusement la pertinence n’est pas là et que la file active diminue avec l’augmentation d’APL.
La pertinence du soin est la clé de nombreuses problématiques.
Et à l’heure de l’accès direct, nous nous devons de ne pas rester sans action face à cela.
- Limiter l’effet d’aubaine
Communiquer auprès de nos prescripteurs, mais aussi après de nos patients, apprendre à dire « il n’est pas nécessaire de continuer les soins » ou plus simplement « non ».
La kinésithérapie ne peut plus être la voie de garage des patients dont le médecin ne sait quoi faire. La kinésithérapie se doit d’être une solution d’expertise et non une solution par dépit.
La problématique du 4e quartile
Le zonage se définissent par rapport aux quartiles de l’APL.
Comme vous le savez la médiane et les quartiles définissent des volumes, et dans ce cas des volumes de praticiens.
Si il semble intéressant de faire évoluer le 4e quartile (les zones non prioritaires) vers un abaissement de l’APL pour gagner en file active et donc en offre de soins par diminution des soins non pertinents, il faut garder à l’esprit qu’un 4e quartile, il y en aura toujours un !
Donc « chasser » le 4e quartile comme nous l’avons vu récemment avec les kinésithérapeutes exerçants trop d’AMS 9.5 par rapport à la médiane est une hérésie. Car si on abaisse la médiane de 20 points, il y aura toujours 50% des praticiens au dessus ! Donc la chasse sera sans fin.
ll faut donc dès à présent, que nos syndicats par le biais des négociations conventionnels, mais aussi nos élus URPS par le biais des relation avec les ARS et leur représentation auprès des CRSA abordent cette problématique. Il faut inscrire une valeur seuil d’entrée d’APL présentant une offre de soins cohérente pour le 4e quartile. Mais en aucun cas il ne faut fixer de seuil plafond
Si nous ne définissons pas de seuil, la tendance ne pourra être qu’à la baisse. C’est un piège évident statistiquement mais dont personne n’a jamais parlé !
Aujourd’hui le plancher du 4e quartile est environ à un APL de 112. Il faudrait connaitre les « volontés » de la CNAM, mais descendre à 90 comme valeur seuil semble cohérent. Cela diminuerait d’environ 22% la surconsommation de soins et augmenterait la File Active moyennement, et donc l’offre de soins, de 4.4%. Et cela, sans ajouter un seul kinésithérapeute, simplement en maitrisant les zones non prioritaires.
Et si l’indicateur de File Active devenait un indicateur de performance ?
Nous l’avons vu, pour les pouvoirs publics, la File Active est synonyme de performance pour l’usager. Nous pourrions même envisager de penser qu’un kinésithérapeute qui aurait une File Active plus importante, aurait su limiter le nombre de prises en charges chroniques et aurait su les gérer différemment pour aller vers l’autonomisation du patient. Ce qui au final constituerait un indicateur de qualité de prise en charge.
Cet indicateur pourrait alors être un gage de performance pour l’administration et un gage de qualité pour la profession. Si ce n’est pas l’indicateur ultime, il s’en rapprocherait !
Voici à quoi ressemblerait la carte APL/File active cumulée (carte de gauche). Pour faire simple, plus votre département est clair mieux c’est. Plus le point rouge est gros, mieux c’est aussi. Si vous êtes dans un département foncé avec un tout petit disque rouge, malheureusement votre département n’est pas optimal du tout, à l’inverse si vous êtes dans un département clair avec un gros point rouge, vous êtes au top.
Pour vous aider un peu, sur la carte de droite, les départements les moins optimaux en rouge. Les Hautes-Alpes, La Corse du Sud, La Haute Corse, l’Isère, le Nord, les Pyrénées Orientales, la Savoie, la Haute Savoie, Paris, le Var et le Vaucluse.
À l’inverse les départements les plus performants en bleu. L’Aisne, la Charente, le Cher, l’Eure et Loir, la Mayenne, la Meuse, la Nièvre, la Haute Saône, la Sarthe, l’Yonne et le Territoire de Belfort.
Très intéressant à noter, la situation unique de la région Hauts de France qui cumule l’un des moins bons départements, le Nord, et l’un des meilleurs, l’Aisne.
Cette région pourrait être une belle zone d’expérimentation. Lettre clé -10% dans le Nord, +10% dans l’Aisne… Des volontaires ? (surtout dans le nord…)
Conclusion
Vous savez désormais quels sont les tenants et les aboutissants du zonage. Améliorer l’offre de soins, non pas en restreignant les professionnels, mais en harmonisant le nombre de prise en charge par professionnel, diminuant ainsi la surconsommation de soins.
Il est important que nous devancions les pouvoirs publics avant que ceux-ci ne mettent en place des méthode plus répressives qu’actuellement.
Nous devons donc réfléchir à notre niveau, avec les instances qui nous représentent, à savoir les URPS, pour déterminer quelles sont les meilleurs politiques à employer localement.
Vincent Jallu
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Intéressons nous désormais aux dispersions et répartitions de notre population.
Analyse par quartiles
Il faut être extrêmement précautionneux dès lors que l’on parle de médiane et de quartiles face à une profession libérale.
En effet nous n’avons pas de volume horaire défini.
Par ailleurs, les analyses par quartiles sont essentiellement données pour étudier les distributions de populations avec leurs dispersions.
Comparer des quartiles par rapport à un indice salarial temps plein par exemple est simplement une hérésie statistique.
Pour essayer d’expliquer simplement la différence entre une moyenne et une médiane, une moyenne correspond à une mesure d’une largeur par exemple. Et la médiane correspond à un volume. Vous viendrait-il à l’idée de comparer une largeur avec un volume ?
Ce n'est pas parce que certains le font qu'il ne faille rien dire. Ceux qui font cela ne se conforment visiblement pas aux données de la science…
Sachant que la concertation sur le zonage concerne les quartiles de répartition par rapport à l’indicateur APL, on peut se poser la question de la pleine compréhension par certains représentants syndicaux de ce que cela implique, ce qui est très inquiétant… Mais c'est un autre sujet...
Observons donc notre distribution de quartiles depuis 2002.
Nous observons ce que nous avons déjà observé dans l’analyse par revenus moyens. Les mêmes périodes et remarques sont identiques.
Nous allons donc nous concentrer sur la réelle utilité de l’analyse par quartile, la répartition de la population étudiée.
Nous voyons, une fois n’est pas coutume, que comme pour les revenus moyens, la médiane est en constante évolution positive et constitue même une régression linéaire fiable (Shapiro p= 0.3232). Nous pouvons voir aussi que les 25% des revenus les plus bas de notre population ont une évolution positive encore plus importante que la médiane, et ce, sans subir le chaos de l’année 2013. Seules les années COVID sont impactées. À l’inverse nous voyons que pour le quartile de plus hauts revenus, ce sont les montagnes russes, en 2008, 2013 et bien sur les années COVID. Nous pouvons néanmoins définir deux grandes périodes qui sont les mêmes pour les revenus moyens, 2002-2013 et 2014-2022 et sur cette période de 2014-2022, la pente de la régression est profondément négative. Le quart de notre population concerné voit son revenu diminuer.
Je vous propose donc un graphique « virtuel » dit « en violon » qui permet de mieux appréhender la distribution de la population. Ce graphique est « virtuel » car ne disposant pas des données individuelles, les distributions sont théoriques, mais permettent à ceux qui n’ont pas l’habitudes des distributions, de voir un peu mieux ce qui se déroule.
Nous voyons qu’en 2002 notre population est très équilibrée sur ses quartiles. Une distribution quasi identiques dans les 4 quarts. En 2008 nous retrouvons une distribution « en bouteille » qui montre un étirement des 2 quartiles les plus élevés (et surtout du quartile le plus élevé) et un tassement des 2 quartiles les plus bas avec une augmentation de médiane moins importante que l’étirement. Nous pouvons donc dire qu’à cette période la distribution des revenus de notre population devient hétérogène. 50% des revenus de notre population a tendance à accroitre de manière significative tandis que les 50% restants ont une croissance moindre.
À partir de 2008 nous ne retrouverons plus jamais une homogénéité. L’année 2013 est, comme nous pouvons nous en douter l’apogée de l’écart entre les deux premiers et les deux derniers quartiles. À l’inverse entre 2014 et 2019, le quartile le plus élevé en terme de revenu se tasse massivement, 25% de notre population perd chaque année en revenus. La crise économique a plus largement touché ce quartile. Les 3 quartiles d’en dessous restent assez stables. Ce sont donc les revenus les plus hauts qui ont perdu le plus.
Très globalement nous pouvons dire que les revenus les moins élevés de notre population s’enrichit de manière presque linéaire (en dehors des « cabinets doivent fermer » de la période COVID), tandis que les revenus les plus élevés subissent les affres de la macro-économie.
Nous observons donc une inégale répartition et surtout des variations. Bien que le revenu médian augmente, les revenus des plus riches de notre profession diminuent. Nous comprenons alors le décalage perceptible sur les réseaux sociaux. Quand certains s’insurgent de la dégradation de leurs revenus et que d’autres ne comprennent pas cette indignation. Nous avons un vrai décalage entre les revenus les plus faibles et les plus élevés avec deux tendances qui s’opposent.
Nous pouvons conclure de l’analyse de la moyenne et de la médiane que les revenus non conventionnels semblent être à l’origine de l’affaissement des plus hauts revenus de notre population, créant ainsi une disparité non négligeable dans notre profession.
C’est le moment idéal de considérer l’inflation…
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Où gagnons nous le plus en France ?
Nous allons maintenant nous intéresser à la répartition géographique des richesses en 2022 !
Comme nous l’avons évoqué, les données de l’UNASA ne permettent pas d’intégrer les kinésithérapeutes qui exercent en société.
En étudiant uniquement les données AMELI sur population entière, nous avons une vision bien plus précise de l’activité conventionnée des kinésithérapeutes.
Je vous propose ainsi une analyse par région et par département des revenus conventionnels des kinésithérapeutes.
Commençons par les régions. Les données par région des DOM et des TOM ne sont pas proposées par Ameli. J’ai donc ajouter les DOM individuellement à la carte métropolitaine (même échelle de couleur bien sur).
Rien qu’en étudiant la répartition par région comment expliquer que la Bretagne ait un revenu moyen de 67909€ tandis que la Corse se situe à 107233€ ? 58% de plus qu’en Bretagne… Ne me faites pas croire que les Bretons ne travaillent qu’à mi-temps ? Et ne me faites pas croire que tous les kinés Corses travaillent plus de 300 jours par an (sur une base d’un amk moyen à 8.1, 2 par heure, 10h par jour) ? Non, il y a de vraies problématiques régionales.
Comment concevoir que dans une convention nationale il puisse y avoir autant de disparités ?
Peut être est-il temps d’ajouter une logique régionale à la convention nationale ?
Pour bien prendre conscience de la problématique et pour pouvoir vous situer dans votre région, je vous propose une carte avec une palette de couleur différentielle. En rouge les régions sous la moyenne, en blanc les régions dans la moyenne, et en vert les régions au dessus de la moyenne.
Poussons plus loin et voyons ce qui se passe dans les départements…
Quelques surprises se présentent à nous !
Nous observons de suite que globalement au dessus de la ligne Le MontSaint-Michel - Châlons sur Saône, dans une petite moitié Nord-Est, les départements s’en sortent mieux que dans le Sud Ouest (et oui le pain au chocolat bat la chocolatine).
Comme pour les régions je vous propose donc une carte différentielle. Toujours le même code couleur, en rouge les départements sous la moyenne, en blanc les départements autours de la moyenne, en vert les département au dessus de la moyenne.
Globalement la façade atlantique et l’Est avec les deux départements du Rhin, le Jura et les Alpes sont les moins riches. Au niveau des DOM, Martinique, Guyanne et Mayotte remportent la course.
Fait intéressant, Ameli nous permet de différencier par département les honoraires issus des DE. En effet, sur les réseaux sociaux, nous avons l’impression que tout le monde fait des DE (et je vous avoue parfois j’ai l’impression d’être le seul c.. à ne pas en faire). Tout le monde… Et bien en fait non. Je vous laisse découvrir cette carte des départements pratiquants le plus de DE.
Et bien voilà la preuve que les réseaux sociaux on bien un effet de cluster entrainant un facteur de confusion majeur.
Cela nous permet de faire une carte en trois parties. À gauche, la carte des revenus conventionnés sans DE, au milieu la carte des DE et à droite la carte des revenus totaux.
Le DE est bien une problématique quasi « locale » à la région parisienne et dans une moindre mesure les Alpes-Maritimes. Dans ce dernier département, 1057€ par an de DE en moyenne par kinésihtérapeute. Environ 88€ par mois, je pense que l’on peut dire que la pratique n’est pas systématique.
Le top du classement revient à Paris-24641€ par an en moyenne par praticien, les Hauts-de-Seine 16576€, les Yvelines 7464€, le Val de Marne 5716€, la Seine-Saint-Denis 3588€, la Seine-et-Marne 2726€, le Val d’Oise 2562€ et enfin l’Essone 1106€ qui se place très proche des Alpes-Maritimes.
Personnellement, dans un calcul tout à fait arbitraire, je considère que l’on peut considérer la pratique du DE comme « systématique » dès lors que l’on a 1€ par patient hors ALD-AT. Ce qui représente en moyenne (base 100 patients par semaine, 30% d’ALD-AT, 4 semaines de congés) 3080€ de DE par an. Ce calcul est tout à fait discutable je vous le concède. Mais cela montre bien que le DE « systématique » ne concerne que Paris, les Hauts-de-Seine, les Yvelines, le Val de Marne et la Seine-Saint-Denis, soit globalement 5 départements Franciliens.
Deux points sont à noter.
Si nous comparons l’Île de France, entre les données Améli et les données de l’URPS IDF (Enquête URPS IDF page 38), nous voyons de suite que le fait d’avoir des données sur population entière est beaucoup plus fiable que des données sur échantillon qui n’est pas borné par un intervalle de confiance. Les données de l’URPS IDF sont largement moins fiables que les données Ameli et pourraient donner une fausse idée de la réalité. Par ailleurs les données déclaratives sont toujours moins fiables que les données réellement enregistrées.
Avant de stigmatiser les kinésithérapeutes Franciliens (oui les réseaux sociaux ne sont pas l’endroit des enfants de coeur…) il convient d’étudier le « pourquoi » et surtout mettre la jalousie maladive de côté.
Je vous propose donc une carte Francilienne en trois partie. À gauche les revenus conventionnels moyens sans DE, avec la même échelle que la carte nationale au dessus.. Au milieu la carte des DE moyens, toujours à l’échelle nationale, à droite la carte du total des revenus conventionnels, elle aussi à la même échelle que la carte nationale.
Contrairement aux idées reçues, l’Île de France est une région dans laquelle les revenus conventionnels sont parmis les plus bas pour Paris et les Hauts-de Seine. Et même additionnés de DE moyens assez pharamineux les revenus totaux ne sont que dans la moyenne.
Nous pourrions alors nous dire « oui mais ils doivent faire beaucoup de HN ! »… Et bien… Là encore surprise. Si nous comparons les revenus conventionnels totaux par rapport aux revenus déclarés via l’UNASA (avec les biais que cela implique comme expliqué plus avant), nous obtenons le graphique ci-dessous.
Nous voyons clairement que Paris et les Hauts de Seine ne semblent pas pratiquer de HN outre mesure, contrairement à la Seine St Denis et le Val d’Oise.
Et si l’on poussait un peu plus loin l’analyse (mais ce document n’est pas une étude Francilienne), la différence entre CA et BNC est fort comparable à la différence nationale. Et même du côté des « loyers », en moyenne seuls 1-2% d’écarts sont perceptibles. L’argument comme quoi en région parisienne les loyers et les charges sont plus élevées ne semble pas pertinent.
Nous pouvons donc conclure sur l’Île de France et dire que les préjugés que certains peuvent avoir et que certaines études sans données fiables peuvent amener ne sont pas fondés. Il y a cependant une réelle activité de DE sur la région, qui est peut être tolérée du fait du faible niveau de revenus sur les départements concernés (amis Bretons, vous savez ce qu’il vous reste à faire !), mais ce n’est en aucun cas la réalité nationale. Là encore le manque de données volumétriques par rapport au nombre d’actes est un frein à l’analyse. Espérons que ces données seront publiques sous peu. Dans tous les cas, vous gagnerez plus dans l'Aisne qu'à Paris...
Cela prouve cependant, encore une fois que la convention nationale se doit de prendre une dimension régionale beaucoup plus avant.
Il pourrait être intéressant au niveau des URPS de de faire de vraies analyses socio-économiques fondées sur des données consolidées et donc fiables (et pas sur des échantillons de petits nombres non représentatifs et sur du déclaratif).
Nous pouvons maintenant étudier l’évolution des revenus par département. Sur le triptyque ci-dessous, les revenus conventionnels métropolitains moyens en 2012 à gauche. 2022 au centre et enfin une carte de la variation entre les deux.
Nous trouvons, encore une fois, des spécificités régionales majeures. La Bretagne va certainement prendre le titre de la région kinésithérapique la plus sinistrée de France. Suivie par le Rhône-Alpes (qui est une zone et non une région, mais l’Auvergne s’en sort mieux) puis le Bas et Haut-Rhin. Au rang des régions « favorisées », PACA-Corse et les Hauts de France (bien que l'Aisne et le Pas de Calais soient en baisse sur 10 ans, mais ils restent en haut du pavé).
Jetons un coup d’oeil sur les DOM (la carte métropolitaine est là pour donner l'échelle des valeurs).
Mention spéciale à Mayotte qui a fait une progression de +40% entre 2012 et 2022 qui de fait est « hors classement ».
Passons maintenant à ce que tout le monde se demande… Mais où s’installer aujourd’hui ?
Sur les cartes ci-dessous à gauche, la densité des kinésithérapeutes en 2022. À droite le ratio entre le revenu conventionnel et la densité, donc les endroits où il est potentiellement bon de s’installer si on ne se limite qu’à l’aspect financier.
Je ne sais pas si il est nécessaire de commenter les cartes, mais encore une fois le pain au chocolat écrase la chocolatine à plat de couture ! Notre fameuse ligne Mont Saint Michel - Châlons sur Saône est valable. Au niveau des DOM, La Guyane et Mayotte sont à l’honneur.
Nous avons désormais une compréhension encore plus avant des territoires.
Enfin, je vous propose sur cette dernière présentation, à gauche la carte par départements du coût en kinésithérapie par habitant et à droite, la carte par département du ratio divisé par le coût par habitant (indicateur composite personnel) , soit la carte des endroit où il flaire bon de s’installer tout en étant sur que l’on ne vous ennuie pas de trop avec les coûts …
En plus d’avoir une démographie hors de contrôle en nombre, nous avons aussi un soucis de représentation démographique sur le territoire. Avec une différence incroyable de 1 pour 31 entre la Seine Saint Denis, département le plus attractif de métropole et les Hautes Alpes (record métropole et DOM), département le moins attractif par exemple, nous comprenons l’extrême nécessité de réfléchir plus que sérieusement au zonage tant macro que micro territorial.
Au niveau des DOM, Mayotte est certainement le département le plus attractif de France. Avec un indice à 214, c’est 4 fois plus qu’en métropole et 128 fois plus que les Hautes Alpes.
Nos syndicats se doivent de développer les analyses régionales pour comprendre les différences d’activité, de densité et de revenus dans les territoires. Nous ne pouvons nous satisfaire d’analyses biaisées et incomplètes et encore moins d'absence de réflexions territoriales. Nous nous devons d’avoir un regard critique, et novateur sur les territoires.
Conclusion
Pour les courageux qui seraient arrivés au bout de cet article, félicitations.
Oui nous avons perdu du pouvoir d’achat. Mais globalement comme le reste de français et même un peu moins.
Et surtout nous arrivons à comprendre le décalage des mentalités entre la partie la plus riche d’entre nous, et surtout ceux qui exercent depuis avant 2013 et ceux qui exercent depuis après 2013. Car finalement ces derniers sont sur des revenus globalement constants voir en progression depuis 10 ans. Tandis que les premiers sont sur des revenus globalement en baisse surtout si ils sont dans les strates les plus riches.
Par contre ceux qui sont dans la frange de revenus autours de la médiane peuvent ne pas comprendre cette frénésie car leurs revenus sont globalement croissants quelque soit la période.
La majorité silencieuse des réseaux sociaux le sait bien et d’ailleurs c’est pour cela qu’elle est silencieuse. Pour elle, tout n’est pas si obscur. D’ailleurs interrogeons nous du pourquoi si peu se déplacent aux manifestations ? Peut être est-ce parce que cette majorité silencieuse ne se sent pas concernée par le problème (à méditer).
Là encore les syndicats devraient s’interroger et avoir une analyse large du problème en arrêtant de faire des enquêtes sur des échantillons non représentatifs de notre profession sans jamais les borner et sans jamais considérer cette majorité silencieuse.
Nous comprenons ainsi toutes les propositions « vieillotes » que les syndicats proposent. « Nous voulons du pognon »… Il serait peut être temps de passez à autre chose…
Les syndicats devraient aujourd’hui vous propose de réellement vous aider dans la gestion et l’organisation de votre cabinet. La principale problématique de ce type de formation étant que ces thématiques ne sont pas prises en charges. Donc en théorie pas de FIFPL ou de DPC. Éventuellement un Crédit d’Impôt pour la Formation des dirigeants d’entreprise ou encore un CPF. Mais oui il faut se pencher sur cette problématique.
Ils doivent aussi élargir l'offre de formation quant à l’analyse critiques des données (et surtout des pseudo-données) de la science et doivent nous amener vers l’autonomie dans ces domaines. Si les syndicats veulent que nous ayons confiance en eux, qu'ils commencent par intégrer les problématiques de terrain.
Mais on ne peut pas être partenaire d’un vendeur de matériel inutile d’un côté et de l’autre dire que cet appareil ne sert à rien…
Nous avons aujourd’hui une population beaucoup plus hétérogène qu’avant avec des fractures intellectuelles, générationnelles, de territoires et de compréhension économiques.
Nous comprenons aussi pourquoi la CNAM nous a gratifié d’une augmentation de 3% « gratuite ». Ils ne sont pas stupides (seuls ceux qui ont cru que c’était cadeau sont stupides), ils savent calculer, contrairement à tous ceux qui prétendent que nos revenus conventionnels sont le problème. Les convaincus resterons vaincus à jamais...
Le modèle statistique se dévoile peu à peu et nous pouvons commencer à projeter es stratégies moyen et long terme, nous pouvons même commencer à concevoir quelle sera le montant de la prochaine enveloppe. Les chiffres consolidés de 2022 pour la propulation générale et nos chiffres de 2023 nous permettrons d'avoir un premier regard sur ce point.
Nous devons aussi demander plus d’accès aux statistiques AMELI, les volumes d’actes, les répartitions par territoires, les classes d’âges etc…
Nous ne pouvons pas nous satisfaire de données partielles qui ne permettent pas une compréhension globale du système. Nous l’avons vu, les données « déclarées » ne sont pas fiables et amènent à des erreurs de compréhension.
Nos revenus stricto conventionnels ne sont pas la clé du problème et tant que nous n’aurons pas une analyse globale et que nous nous acharnerons sur ces revenus, nous serons dans l’impasse. Plutôt que de nous focaliser sur la convention, nous ferions mieux de nous focaliser sur ce qui n’est pas de la convention. Car là encore, un kinésithérapeute qui a toujours travaillé dans la convention voit ses revenus croissants avec beaucoup plus de stabilité que les autres.
Nos syndicats doivent bien intégrer qu’il leur faut avoir une politique conventionnelle mais surtout non conventionnelle. Ceux qui n’intègrent pas cela n’ont rien compris aux problématiques de la profession.
Il en va de notre crédibilité, car lorsque certains syndicats vont au devant des tutelles en clamant des faussetés, ce n’est pas sérieux et cela dévalorise notre image. Ceux-là devraient se remettre en question et arrêter de colporter des incohérences.
Ne croyez pas les alarmistes qui n’ont aucune vision macro-micro économique et qui vous affirment que nous avons perdu 20-30% de pouvoir d’achat. Leur vision est biaisée par l’envie d’avoir plus d’adhérents, rien d’autre. La situation est macro-économiquement plus complexe.
Nous devons nous engager dans des réflexions régionales et pas uniquement nationale.
Mention spéciale pour nous rappeler de ne plus jamais laisser le CNO décider de l’offre de soins, encore merci pour votre « bon sens » déconnecté de la réalité scientifique et désormais économique.
Vincent Jallu
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Voici donc nos revenus moyens de 2002 à 2022
Sur le graphique de gauche la représentation de notre CA moyen ainsi que notre BNC moyen. La première chose que nous constatons, graphique de droite où sont représentées des droites de tendance (la normalité des données n’est pas vérifiée, Shapiro test p=0.022 pour le CA, mais elle l'est pour le BNC Shapiro p=0.1425), est que nos revenus, tant du point de vue du CA que du BNC sont croissants sur la période.
Si nous regardons le graphique ci-dessous de la distribution du CA à gauche et du BNC à droite, nous voyons que le BNC peut être considéré comme normalisé mais pas le CA.
Nous observons que les valeurs numéro 12 et 19 (soit les années 2013 et 2020) sont considérées comme non pertinentes. Nous verrons plus loin qu’effectivement ces deux années sont des années particulières. Cependant, nous pouvons déja dire que notre BNC peut être ramené à une régression linéaire et augmente chaque année entre 2002 et 2022 de 0.38%.
Corrélation entre CA et BNC, évolution relative
Une autre chose qui saute aux yeux et que nous allons étudier, c’est la corrélation entre notre CA et notre BNC.
Nous retrouvons un coefficient de corrélation de 0.9232719 entre les deux.
Avec comme vous pouvez le voir sur le graphique ci-dessous, un différentiel (en %) entre le CA et le BNC quasi constant.
De prime abord, on pourrait se féliciter de cette « stabilité » apparente.
Or, après une étude plus pointilleuse de nos charges, on s’aperçois que les charges variables (toutes celles qui sont au « pourcentage » telles que l’URSSAF ou encore la CAPRPIKO), ne représente même pas la moitié des charges appliquées. Il n’y a donc pas de raisons liées aux charges sociales pour qu’il y ait une telle corrélation entre notre CA et notre BNC. Si notre CA augmente, notre BNC devrait augmenter encore plus (et inversement en cas de baisse).
Si par contre on regarde du côté des « achats », de la « formation » et autres dépenses ponctuelles, celles-ci augmentent ou diminuent avec les variations de CA.
Ce qui peut sembler pointer du doigt un fait marquant, à savoir que le kinésithérapeute en moyenne, dépense plus quand il gagne plus. Et par extension, on peut noter que le kinésithérapeute se sert de ses revenus professionnels comme de ses revenus personnels. Cela ne fait que confirmer la nécessité de former les kinésithérapeutes aux modèles économiques d’entreprise. Nous l’avons vu pendant la période COVID, l’absence de trésorerie et de gestion moyen-long terme des cabinets est inquiétante.
La perte de BNC de 2022 sera étudiée juste en dessous.
Deux périodes remarquables
Nous notons aussi que si l’on met l’année 2020 de côté (crise COVID,je vous rassure nous en reparlerons), nos revenus semblent s’orienter en deux périodes.
Une période très ascendante entre 2002 et 2013 puis une chute suivie d’une phase plateau de 2014 à 2021 comme le montre le graphique ci-après.
- 2002-2013, l’âge d’or !
Il est clairement explicite que durant cette période les revenus sont croissants. Et malgré une inflation de 1.7% en moyenne sur la période, l’augmentation des revenus des mk est en moyenne de 600€ par an ce qui est remarquable.
À noter, l’accélération des revenus entre 2011 et 2013 avec le passage de la lettre clé à 2.15€ en juillet 2012, ce qui est certainement la cause de la forte augmentation du BNC moyen en 2013, mais aussi un accroissement des revenus non conventionnels.
- 2014, nette chute des revenus.
En 2014, chute de 4.75% du BNC moyen. S’en suit une phase plateau légèrement descendant entre 2014 et 2019. À noter toutefois que sur la même période l’inflation, elle aussi en baisse avec une moyenne de 0.77%. Oui, mais… Comme il y a eu une chute de 4.75% entre 2013 et 2014 avec une inversion de pente de nos revenus, entre 2014 et 2019 on peut vraiment parler de perte de revenus. Ni l’avenant 5 ni l’avenant 6 ne semblent corriger le tir (ce fait a aussi été noté par l’assurance maladie qui a même raccourci le calendrier des mesures, mais visiblement sans succès).
Ci-dessous, la représentaiton de notre CA avec la position des avenants.
Nous voyons que les avenants 1,2 et 3 portent leurs fruits. 2014, les effets de la crise et malheureusement l'avenant 4 n'y changera rien. L'avenant 5 apporte un léger rebond, mais pas autant que l'UNCAM l'aurait souhaité, d'où l'avancement du calendrier de cet avenant. L'avenant 6, technique et sans revalorisation propre n'apporte pas grand chose sur ce point. De plus crise COVID...
Comment expliquer cette chute ?
C’est du côté de l’INSEE où l’on trouve la réponse. En effet, l’INSEE estime que l’ensemble des professions libérales de santé ont perdu jusque 5% à cette période. Avec 4.75% de perte nous sommes en plein dedans. Cela serait du à un ralentissement de consommation de services, liés à une fiscalité des hauts et plus hauts revenus défavorable. Il est noté que le monde de la santé est moins touché que d’autres profession libérales mais il y a tout de même une baisse globale de 2.8% sur l’ensemble des professions de santé. Notre profession semblé avoir été particulièrement touchée. La crise de 2012 a eu un retentissement important sur notre profession. Je n’ai pas souvenir qu’aucun syndicat n’ait jamais considéré ce fait ne même analysé le problème.
C’est tout de même dommage car nous voyons clairement qu’à la suite une période très différente d’un point de vue économique a changé nos habitudes de travail.
Il convient alors de faire entrer en jeu les revenus conventionnels, ceux uniquement tirés de notre activité conventionnelle, DE compris mais hors HN. Ces données sont délivrées via data.ameli.fr mais ne sont disponibles que sur la période 2010-2022. Nous allons donc changer de période d’étude.
Nous voyons immédiatement qu’avant 2014, notre profession tire ses revenus de l’activité conventionnelle, oui, mais aussi d’activités non conventionnelles. En 2014, crise macro-économique, réduction à quasi néant des activités non conventionnelles. À noter, en micro-économie, mes si je n’ai pas de chiffre à présenter, le ralentissement des activités « esthétiques », les premiers avis de l’ordre sur la fasciathérapie, etc…
Notez aussi qu’il pourrait sembler contradictoire que les revenus conventionnels soient supérieurs aux CA. En fait non, la méthode de collecte des données de la CNAM fait que les données sont consolidées au cours de l’année suivante. Pour parler simplement, nous le savons tous, nous avons régulièrement un décalage entre le SNIR et ce que nous déclarons, c’est lié aux mêmes problématiques. Il n’est donc pas surprenant de voir qu’en 2021 les revenus conventionnels soient légèrement supérieurs aux CA. Pensez aussi que certains d’entre nous ont perçu des aides et ont parfois oublié de les déclarer… Enfin, n’oublions pas que les revenus conventionnels couvrent aussi les praticiens qui exercent en société. Or ceux-ci, comme indiqué en préambule ne sont pas comptabilisés par l’UNASA. L’absence de données précises sur ce sujet peut créer cet effet.
Il serait donc intéressant de plutôt réfléchir en terme de revenus conventionnés qu’en revenu donnés par l’UNASA.
Globalement, comme nous le voyons sur le graphique de droite, sur cette période notre CA est en baisse tandis que nos revenus conventionnels sont croissants (là encore il n’y a pas de normalité des données).
Nous voyons donc que même en considérant la crise COVID, nos revenus conventionnés sont croissants sur la période, avec 0.26% d'augmentation annuelle contre une baisse de 0.53% par an pour le CA.
Nous pouvons alors éditer un graphique plus que parlant de la différence entre notre CA et nos revenus conventionnés.
Ce graphique est sans appel, depuis la crise du milieu des années 2010, nos activités hors convention ont drastiquement diminué en moyenne. Le problème que certains soulèvent par rapport à leur perte de revenu n’est donc peut être pas lié à nos revenus conventionnés, mais peut être bien le fait que nous ayons moins de revenus hors convention.
À noter tout de même que le différentiel a été en 2013 de presque 9000€ en moyenne par an. Il semble assez évident que si l’on avait aujourd’hui des revenus supérieurs de 9000€ par an, nous en serions tous satisfaits !
Période Covid
Étudions spécifiquement ce qui se déroule actuellement et ce depuis 2018.
Sur le graphique ci-dessous sont représentés les CA et BNC moyens mais en proportion par rapport à l’année 2018. Pourquoi utiliser des proportions ? Pour pouvoir comparer directement par rapport à d'autres professions sans avoir d'effet d'échelle.
2018, rien à dire les deux courbes sont au même point, logique. 2019, le CA augmente un peu plus que le BNC, non significatif. 2020, crise COVID, les deux s’effondrent. 2021, alors que notre CA ne fait que revenir au niveau de 2018, notre BNC, à cause des baisses de charges, lui remonte beaucoup plus que le CA. De fait, nous connaissons tous la problématique, grosse augmentation de bénéfice, signifie que pendant 2-3 ans après nous allons faire le yoyo avec les charges Urssaf-Carpimko. De fait, 2022, alors que le CA remonte, le BNC retombe de nouveau…
Nous voyons très bien ce mécanisme sur le graphique suivant avec à gauche, variation de CA, BNC et variation du poste « charges sociales personnelles ». Et à droite, le même graphique avec en plus nos revenus conventionnels. Là encore nous voyons que les revenus conventionnels sont revenus supérieurs au niveau de 2018.
Notre BNC moyen est passé de 40839 en 2019 à 35842 en 2020 soit une baisse de -12.24%.
Pour information les infirmières, sur la même période ont vu leur CA et BNC augmenter de 6.2% !
Observons donc de plus prêt quelques professions. Pour bien étudier cette période nous allons considérer le chiffre d’affaire de ces professions et surtout leurs variations en pourcentage par rapport à l’année 2018.
Le résultat est sans appel. Les IDE, ça grimpe. Les dentistes, profession à haut risque durant la COVID, réussissent à ne perdre que -7.65%. Les Généralistes, assez proches de nous en terme de dangerosité lié à la COVID (encore que sur cette période eux étaient directement aux diagnostic des cas COVID donc certainement beaucoup plus à risque), -4.6%, et qui sont les dindons de la farce ? Les kinésithérapeutes avec -12.98% de baisse de CA.
Quelle a été la différence ?
Comment expliquer qu’une profession « généraliste » comme la notre s’en soit moins bien sorti qu’une profession à très haut risque (en contexte COVID) comme les chirurgiens dentistes ?
La réponse est assez simple. Au registre des professions soumises à un ordre, il n’y en a qu’une seul qui ait dit « Les cabinets doivent fermer », au mépris des données de la science et basé uniquement sur le « bon sens », voilà la différence…
On voit clairement que quand l’ordre se mêle de l’offre de soin alors que ce n’est pas dans ses prérogatives, la catastrophe est au bout.
Oui, le CNO a une part de responsabilité dans notre situation financière du moment.
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