Nuages

 Comme souvent, une petite nouvelle au détours d’une conversation peut indiquer une volonté forte qui se cache dans l’ombre.

Je vous avais déjà averti il y a quelques jours, au sujet des négociations conventionnelles des médecins, du risque concernant la hausse de CSG et de la télémédecine.
Et bien une fois n’est pas coutume, regardons de nouveau ce qui se trame…

Et malheureusement ce qui était prévisible depuis un an est enfin arrivé. La Hausse de CSG et sa compensation sont là. Et enfin nous avons quelques détails concernant ceux-ci.

Les médecins sont en pleine négociation et Nicols Revel, président de l'UNCAM a dévoilé le mécanisme de compensation de la hausse de la CSG.

 

La CSG, le compte n’y est pas et le piège s’est refermé sur nous…
Sujet d’actualité de ces négociations, la compensation de la CSG. Et cela se précise. Ne doutons pas que nous soyons traité de la même façon, voir en pire…
Pour l’instant le mécanisme se fera en deux temps. En 2018 la compensation se fera sur la participation de l’assurance maladie aux cotisation d’allocation familiales et sur la cotisation retraite. En 2019 ce système disparaitra au profit d’une prise en charge unique des cotisations retraite.
Autant vous le dire de suite… Cela va être un beau bordel !
Le taux retenu semble être de 2,12% alors que l’ensemble des spécialistes considèrent qu’il devrait être de 2,15% pour compenser le jeu des déductions comptables.
Sans compter qu’aucune pérennité n’est acté. En effet, les plus anciens se souviendront de l’ASV et de ce que nous avons tous perdu… Pour résumer, la prise en charge de l’ASV a été revue à la baisse, y compris pour les points déjà acquis. On appelle cela la rétroactivité ! Rien ne dit que la compensation de la CSG ne suive pas le même procédé d’ici 5 ou 10 ans.

Par ailleurs, qu’on se le dise, la compensation ne se fait que sur les revenus conventionnés. Les rétrocessions, les DE, les HN seront taxés pleinement.

Attention aussi, la prise en charge par l’assurance maladie, veut dire, sauf avis contraire, que cette dépense sera comptabilisée au titre de l’ONDAM. Ou comment augmenter artificiellement les dépenses de santé.
Pour faire simple, cette compensation est considérée comme une hausse de tarifs… Et ne doutez pas une seule seconde que le directeur de l’UNCAM saura nous rappeler le cas échéant, que nous avons été augmentés de 2,15% grâce à la compensation.
Sauf que la majorité d’entres nous va perdre 1,7% en net, la minorité compensée va y laisser quelques plumes, mais au final c’est toute notre profession qui aux yeux du grand public, aura été augmenté de plus de 2% ! Cherchez l’erreur ! Une augmentation sans gagner plus !

Je ne cesserais de le répéter, mais croire que le législateur est assez stupide pour nous faire des cadeaux est une erreur grotesque. Directement ou indirectement cette hausse de CSG va nous couter très cher.

Et sincèrement, la manoeuvre politique et comptable est très intelligente. Toutes mes félicitations à la personne ayant bouclé ce mécanisme. C’est un très beau piège qui se referme sur nous.

Et pour celles et ceux pour qui ces chiffres ne représentent rien, ce que nous perdons là est l’équivalent d’une augmentation de 3 à 4 centimes de la lettre clé.

Il me semble tout de même inquiétant que nos syndicats ne semblent pas encore avoir pris la mesure de tout ceci. Il serait peut être intéressant que les uns et les autres se positionnent clairement en amont de nos négociations, plutôt que comme à l’accoutumé, nous ne soyons mis devant les faits accomplis.
Car si certains sont très forts pour réagir, agir ce n’est pas mal non plus.

 

Participation d’association de patients
En marge des annonces sur la CSG, un petit détail vient perturbé l’ambiance…
L’association de patients France Assos Santé qui regroupe pas moins de 70 organismes de représentation de patients vient d’annoncé qu’elle serait présente aux négociations conventionnelles au titre de la consultation sur le sujet de la télémédecine.

Si il est fréquent, voir institutionnel de consulter les associations, j’appelle cependant monsieur Revel à la plus grande prudence.
Je n’ai aucun grief à l’encontre de cette association ni contre le fait de la consultation. Cependant nous voyons sur le terrain que les demandes des patients ne correspondent pas toujours avec la réalité médicale.

 

Les médecins en évolution
Pour résumer clairement et simplement l’évolution de la médecine actuelle, une phrase suffit.
Le sacerdoce, c’est fini.
Très loin de moi l’idée de critiquer de quelque façon que ce soit l’évolution de mentalité des jeunes médecins. Bien au contraire, je les défends.
L’épuisement professionnel (burn out). Voilà la cause fondamentale de l’évolution des mentalités.
Comment peut on oser demander à un professionnel de travailler 60h par semaine avec seulement 3 semaines de congés annuels jusqu’à l’âge de 70 ans, et croire que tout va se dérouler dans le meilleur des mondes ?
Les jeunes médecins veulent finir à 18h, prendre des week-ends, avoir des congés, profiter de la vie tout simplement. Et bien, ils ont raison !

Et le premier qui argue que les professionnels de santé ont choisi leur métier qui est un métier au service des autres, je lui répondrais que c’est vrai. Mais vaut il mieux un professionnel vivant et en forme au service des autres, ou un professionnel morose, déprimé ou même mort ?

 

Le patient, monsieur « plus »
Il ne semble pas très déontologique de critiquer ouvertement le patient.
Qui irait oser dire « votre gastro… sincèrement je n’ai pas le temps de m’en occuper, aller à la pharmacie, auto-médiquez-vous, et dans 3 jours tout ira mieux » ?
Et même si nombre d’entre nous le pense (j’avoue, je n’ai pas consulté de médecin pour gastro depuis plus de 10 ans), aucun médecin ne pourrais le dire. Le risque encouru est trop élevé, cela irait certainement à l’encontre du serment d’Hippocrate, il pourrait être considéré comme refus de soins etc…
Et pourtant…
Et bien le patient lui, va largement s’offusquer de cette situation.
C’est pourquoi, vu l’évolution sociétale que nous subissons, il espérait secrètement avoir un petit lutin médecin caché dans son placard de chambre. Ainsi à l’arrivée du premier signe de « gastro », le petit lutin pourrait sortir de sa cachette, confirmer le diagnostic, prescrire immédiatement les médicaments ainsi que l’arrêt de travail pour le lendemain. Et si ce petit lutin était encore une chimère il y a quelques temps, aujourd’hui ce lutin a un nom.

Il s’appelle « internet ».

Ainsi, le patient qui sait mieux que vous ce qu’il a et comment il faut le soigner, ne rêve que d’une chose, avoir son lutin disponible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.

Bien sur, ce patient ne veut rien payer. Le tiers payant généralisé c’est pour lui. La santé doit être gratuite puisqu’il la paye dans ses cotisations sociales et ses impôts.

C’est donc ce patient, celui qui sait mieux que tout le monde, celui qui en veut toujours plus pour pas un sou qui peut édicter l’avenir conventionnel !

Qui irait dire à ce patient qu’il a tort ? Car dans l’idée… il a raison ! Un système de soin de qualité entièrement gratuit et disponible, que demander de mieux ?

 

Pourquoi une telle différence entre les professionnels et les patients ?
La réponse est simple. À cause de l’effondrement de nos conditions de travail.
La perte de considération, la perte financière, la perte de reconnaissance etc… autant de paramètres qui ont amené les patients à considérer leur thérapeutes comme un « service » et qui ont amené les praticiens à considérer leur patient comme des « clients ».

Je commence à me dire que tout à été fait depuis l’apparition du système conventionnel pour rabaisser les professionnels dans leurs conditions d’exercice. Les compétences sont de plus en plus réduites. Les tarifs n’ont jamais suivi l’évolution de l’inflation. Aujourd’hui nous voyons même disparaitre la tarification à l’acte. L’administratif prend une place démesurée. Et je ne parlerais pas des contraintes fiscales galopantes.

Le patient lui, a de plus en plus accès à la connaissance ou la pseudo-connaissance. Il peut communiquer avec un « spécialiste » à l’autre bout du monde. Il n’a plus aucune considération pour toutes les formes d’autorités. Il paye lui aussi de plus en plus pour une qualité de service qui a tendance à se dégrader de jour en jour.

Voilà donc pourquoi les professionnels de santé perdent au quotidien la considération et la reconnaissance qu’ils avaient.

 

Conclusion
Il faut toujours considérer le patient au coeur de notre action et de notre profession. Cependant il faut garder à l’esprit que le patient a changé, qu’il changera encore et que son évolution ne va pas obligatoirement dans le même sens que celui des professionnels.
Le législateur l’a bien compris et utilise volontiers le levier « patient » pour faire croire que les professionnels vont à l’encontre des politiques de santé publique.
Soyons vigilants et ne tombons pas dans ce piège.

Des pièges et des embuches il y en a et il y en aura tous les jours. Le dernier en date, pourtant prévisible et écrit depuis plus d’un an dans le programme du candidat Macron. La hausse de la CSG prend un tournant machiavélique et nous la regardons sans rien faire…

 

Vincent Jallu