Les Idées
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- Written by Vincent Jallu
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Depuis quelques temps, inflation oblige, beaucoup de messages sur les réseaux concernent les « astuces pour gagner plus » ou comment organiser une activité secondaire etc. Tout le monde, sérieux ou non, avance sa vision du « non remboursable » et malheureusement nous entendons tout et surtout n’importe quoi.
Certains vous proposent même des formations à des tarifs « dans l’air du temps » mais au contenu plus que douteux. N’oubliez jamais que les bons conseilleurs ne sont pas les payeurs. Et ceux qui vous « conseillent » aujourd’hui seront très loin quand le contentieux arrivera. Car avec certains conseils prodigués, oui les contentieux arriveront.
De fait, plutôt que de vous inciter à pratiquer des choses plus ou moins proches de l’illégalité, j’ai préféré attaquer la problématique de nos revenus sous un autre angle. Celui de l’économie.
Mais si, au lieu de gagner plus, nous dépensions moins ?
Car oui après Rééduca, il faut un peu revenir sur terre. Entre les formations (et surtout les pseudo-formations) à X milliers d’euros, les machines toutes aussi chères, les maintenances hors de prix et les « trucs » soit disant « efficaces » mais sans aucun niveau de preuves valable à la clé mais vendus à prix d’or; peut être est-il temps d’avoir une vision objective de notre activité et de se poser la question « dépensons nous trop ? » ou dit autrement« payons nous trop cher pour ce que nous avons ? ».
Car oui, Rééduca est l’apogée du « on nous prend pour des vaches à lait ». N’ayons pas peur des mots.
Essayons donc de dépenser moins…
Le concept est assez simple. Définir son propre taux horaire, le comparer aux services que vous utilisez et voir si c’est intéressant ou non de continuer à utiliser le dit service.
Quel est le taux horaires d’un kinésithérapeute ?
Un kinésithérapeute moyen a une cotation moyenne à 8.1. Ce qui nous fait une séance à grosso modo 17€ (désolé pour l’arrondi mais beaucoup plus simple à utiliser) soit 34€ brut de l’heure. Bien évidement, c’est une moyenne. Je sais que notre profession est hautement scientifique et que de fait nous maîtrisons tous la notion de moyenne. Je ne dirais donc pas que bien sur certains seront en dessous et d’autre au dessus… Pour l’exemple, je me limiterais donc au kinésithérapeute « moyen » à 34€ brut de l’heure.
Et prenez le taux horaire brut et non net car globalement, nous déduisons nos charges de fonctionnement du chiffre d’affaire, donc du brut.
Plus je déduis moins je paye d’URSSAF et de CARPIMKO !
Oui mais non. Plus vous déduisez plus vous diminuez vos propres revenus. Notre profession est, dans le monde de la santé, celle qui a la différence la plus importante entre le Brut et le Net. Et pourtant, nous n’avons en général pas de salariés, quasi aucun consommable. Nos seules dépenses sont nos charges sociales (URSSAF, CARPIMKO pour simplifier) et nos charge de fonctionnement (matériel, véhicule, loyer…).
Il y a donc un vrai problème dans notre profession. Nous devrions, à l’inverse, être la profession qui dépense le moins.
Et bien non, nous dépensons trop. La faute à qui ? La faute au fait que nous pensons tous que comme nous déduisons, nous ne payons pas vraiment. Car plus on déduit moins on paye d’URSSAF et de CARPIMKO. C’est presque vrai. Mais par exemple dans le cas de la CARPIMKO, plus vous déduisez, moins votre retraite sera élevée car moins vous aurez cotisé…
Qu’est-ce qu’une dépense intelligente ?
Et bien c’est une dépense qui est réfléchie en fonction de sa propre activité. Soit elle vous coute moins cher que ce que vous gagnez, soit elle vous rend un service que vous ne pouvez effectuer, soit elle vous fait gagner du temps qui vous est indispensable.
Voici quelques dépenses ciblées vraiment caractéristique de ce qui peut être utile ou non.
- La femme de ménage
28€ de l’heure (tarif société type O2 sans crédit d’impôts).
Cela représente donc un peu plus de 3/4 d’heure de travail pour pouvoir payer 1h de ménage.
Libre à chacun de décider si il souhaite faire son ménage, parce que finalement « je le fais en 20 minutes et personne de l’extérieur ne vient dans mon cabinet ». Mais cette dépense n’est pas incohérente car le taux horaire brut est
- Le comptable
Il vous faudra débourser environ 1200€ pour avoir une comptabilité basique avec édition 2035 et DSPAMC. Soit en gros 35h de travail… je crois que même quand je faisais ma compta « à la main » je n’ai jamais mis autant de temps pour établir ma comptabilité. Voilà donc un poste de dépenses qu’il faut observer avec attention.
Le comptable nous coute cher pour pas grand chose. Et même si les réseaux sociaux ne sont pas forcement un bon prisme pour observer notre population, notez tout de même que bien souvent les « erreurs », surtout en ce qui concerne la déclaration DSPAMC, sont très souvent liées à un comptable.
Il faut donc vraiment prendre en considération ce poste de dépense, à mon sens inutile. D’autant qu’aujourd’hui il existe des solutions alternatives bien moins chères et tout aussi productives.
- Les formations
Et oui, nos très chères formations !!! En dehors du bonheur de se former à des disciplines ou des techniques toutes plus innovantes les unes que les autres et surtout hautement validées. Si l’on place le FIFPL et le DPC de côté deux minutes.
Une formation de 600€ pour 2 jours (37,5€ de l’heure) vous coutera pas loin de 18h de travail supplémentaires. Et si vous comptez les 2 jours de « non revenu » pour cause d’absence du cabinet, un déplacement, une nuit d’hôtel, on arrive à pas loin de 1500€ (93,75€ de l’heure) la formation soit 44h de travail pour payer la dite formation.
Dit autrement, 2 jours de formation à ces tarifs, vous coûtent pas loin de 5 jours de travail plein !
Pourquoi les formations sont elles aussi chères ? Pour que les formateurs puissent en vivre, voilà vous connaissez le secret !… Le jour où nous arrêterons d’être des moutons en acceptant de payer des sommes folles pour des contenus médiocres, peut être alors que nous arriverons à avoir des vraies formations à des tarifs justes.
Regardez au niveau universitaire, Prenons le DU kinésithérapie du sport, 184h de formation pour un coût de 2100€. Tarif 11,41€ de l’heure. DU d’expertise en santé, 3600€ pour 170h soit 21,17€ de l’heure. Et excusez moi de le dire ainsi, mais nous sommes quand même sur un autre niveau de formation.
- Les assurances…
Alors là, gros poste de dépenses inutiles. Les courtiers s’y donnent à coeur joie. Nous sommes des vaches à lait et des proies faciles. Avez vous besoin de toutes ces assurances ?
Ce poste est très difficile à évaluer car l’assurance c’est vivre dans la crainte que quelque chose va arriver. Et quand cela arrive on se dit « ouf j’ai bien fait ».
Donc plutôt que d’essayer de vous expliquer ce qu’est un risque et comment vivre avec, ce qui prendrait quelques heures, pensez simplement à regarder les exclusions et formules de calcul de vos assurances.
Quand on sait que certains kinésithérapeutes ont des prévoyances au barème dit Rousseau et que si ils perdent une main ils n’auront aucune indemnisation… Cela laisse sans voix.
- La super machine à 20 000€ !
Oui vous savez cette machine dont tout le monde parle, qui n’a aucune preuve scientifique d’efficacité mais pour la quelle le vendeur vous promet un LOA sur 10 ans avec une rentabilité et une efficacité immédiate !
Et bien il vous faudra pas loin de 580h de travail pour rembourser la dite machine ! Même en en disant que vous allez la garder 10 ans, il faudra se dire que l’on travaille 58h par an, juste pour la machine qui ne sert à rien… Nous passerons bien sur sous silence, le coût annuel d’entretien de la machine et ses pièces détachées hors de prix qui augmenteront le coût global de l’instrument.
Alors oui, parfois la fameuse machine vous fera gagner un peu en productivité, mais est-ce réellement rentable ?
Allons plus loin. 580h de travail pour la rembourser sur 10 ans. 58h par an. Avec 235j de travail annuel, cela fait un peu plus de 25 minutes par jour de travail. Il faut donc que la dite machine vous fasse gagner 25 minutes par jour, pour qu’elle soit juste rentable (et toujours sans l’entretien ni aucune casse).
À vos calculs !
- D’autres dépenses
Je ne tomberais pas dans le socialo-démago en disant qu’une voiture à 10 000€ roule aussi bien qu’une voiture à 50 000, mais il vous faudra quand même travailler pas loin de 1500h (150j) pour payer celle à 50 000.
Nous avons tous besoin d’un véhicule. Mais ne tombons pas dans le panneau des vendeurs de voiture, des LOA des LLD et autres niches fiscales.
La seule question à se poser est « pouvez vous vous offrir un véhicule à 50 000€ ? ». Si la réponse est non, alors passez votre chemin, ce n’est pas parce qu’il y a un avantage fiscale ou parce quelqu’un vous promet une mensualité basse qu’il faut la prendre. C’est parce que vous connaissez votre situation fiscale et que vous avez établi vos possibilités et vos besoins que vous pouvez alors saisir l’opportunité de la dite niche fiscale.
Si vous pouvez vous offrir une voiture à 50 000€ ? Alors faites vous plaisir, la question ne se pose pas !
Mais en aucun cas dites vous « je déduis et j’ai un avantage donc je peux acheter plus cher », c’est une erreur colossale. Et n’oubliez pas qu’en LLD, vous ne possédez rien. Vous n’êtes que locataires… La LLD est un excellent moyen pour croire que l’on possède ce que l’on ne peut pas s’offrir. Mais elle doit être utilisée en conscience de ce qu’est une LLD.
Avec 80 000€ moyen de chiffre d’affaire et un statut de libéral sans aucune formation comptable, nous sommes la cible préférée des vendeurs ! « Vous déduisez, ça ne vous coute rien » ! Et bien en fait si. Quand vous hésitez entre une voiture à 300€ par mois et une à 400. Celle à 400 vous coute 100€ de plus par mois (logique non ?) .
Cette réflexion d’applique bien sur à toutes les dépenses du type le dernier téléphone à 1500€, l’ordinateur high-tech alors que nous ne faisons que du traitemnt de texte, est-ce nécessaire ?
Savoir aussi analyser une dépense personnelle
Globalement quand un kinésithérapeute moyen gagne 100€, il lui en reste 50 avant impôts sur le revenu et 40 après impôts. On peut donc dire que si nous gagnons 34€ de l’heure « brut », il reste dans notre poche 13,6€. Soyons fous 14€ de l’heure net à dépenser.
Et bien voilà, vos prochaines vacances dans les Cyclades à 3000€ la semaine vous coutent 214h de travail soit un peu plus de 21j. Et si l’on rajoute à cela les 8j d’absence du cabinet (5j ouvrés pour 8j d’absence), il vous faudra travailler l’équivalent de 26j pour compenser ces 8j de vacances.
Bien sur il faut là aussi considérer le « couple » ou la « famille », mais globalement j’espère que vous aurez compris cette approche financière pour considérer une dépense. Très loin de moi l’idée de dire qu’il ne faut pas partir en vacances, mais peut être que la Bretagne à 1000€ la semaine serait plus cohérente que les Cyclades. Là encore, je vais le redire, si vous gagnez largement plus que 34€ de l’heure certaines questions ne se posent pas de la même façon et les Cyclades c’est très joli pour peu que l’on aime mourrir de chaud…
Se faire plaisir… En restant pragmatique
Bien évidement, en dehors des aspects stricto sensu comptable et financier, il faut aborder les dépenses tant professionnelles que personnelles avec un autre regard. Se faire plaisir est essentiel. Vous voulez les dernier téléphone à la mode et c’est votre « seul plaisir » ? Allez-y. Par contre si vous voulez partir 15j dans les Cyclades puis 8j au ski, acheter la dernière voiture à 50 000€ et changer ordinateur-téléphone-tablette tous les ans, il y a un risque que vous puissiez pleurer toutes les larmes de votre corps en disant que c’était mieux avant, que votre pouvoir d’achat a diminuer et qu’il est inadmissible que nous ne gagnions pas autant qu’un chirurgien orthopédique car nous sommes finalement beaucoup plus doué que lui !
Tout le monde aimerait que l’inflation ne le touche pas. Oui. Tout le monde aussi aimerait gagner plus et travailler moins. Oui.
La réalité économique qui nous entoure n’est pas forcement du même avis. Et comme nous ne comptons que sur l’état pour subvenir à tous les problèmes… Nous râlons que nous ne gagnons pas assez. Personnellement je pense qu’il faut que nous ne comptions que sur nous même et qu’il faut sortir de l’assistanat régalien. Avoir des dépenses pragmatiques est le point de départ à une activité économique saine.
Je suis nul en compta, je n’y comprends rien, quelles solutions ?
C’est finalement assez simple. Plutôt que d’aller faire des formations fantaisistes sur je ne sais quel sujet, allez vous former en comptabilité, en gestion, en fiscalité sans oublier les montages en société… Vous avez même un CPF (vous savez les coups de téléphone 20 fois par jour). Pensez aussi à l’anglais et à la lecture critique d’articles qui pourraient vous faire économiser l’achat d’un tas de matériel inutile. Et vous verrez que ces formations sont moins chères que d’autres que l’on nous propose habituellement…
Vincent Jallu
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De ci de là, les appels à la révolte se font entendre. Aujourd’hui encore, des manifestations sont organisées avec comme thématique les Ehpad.
Est-ce que la manifestation est encore un moyen de pression utile et efficace pour notre profession ?
Soyons objectifs. Les grandes manifestations n’intéressent plus nos politiques. Le premier mouvement à s’être essoufflé et qui a historiquement aboli le règne des manifestations a été celui autours du « mariage pour tous » en 2013.
Combien de gens dans la rue ? 1 million de personnes à Paris. Quels effets ? Aucun.
Après cet événement, le législateur a compris que finalement la manifestation intéressait quelques personnes pendant 2 à 3 jours puis le mouvement s’épuisait. En 2016 le même mouvement organisait un énième manifestation avec moins de 25 000 personnes selon la préfecture. Avec quel effet ? toujours aucun !
Qui se souvient des extraordinaires manifestations de septembres 2017 sur les « ordonnances Macron » ? Combien de gens dans la rue ? 10 000 personnes à Paris. Quels effets ? Aucun…
Il y a plus de 100 manifestations par jour en France… Rien que ce chiffre est effrayant d’inutilité.
Pire… Il y a quelques jours, notre gouvernement a fait une annonce qui, je pensais, allait déclencher un raz-de-marée syndical et populaire… La nécessité de modifier le statut des cheminots !
Et bien le raz-de-marée s’est déjà transformé en vaguelette au bord d’un lac !
Les syndicalistes les plus puissants de France, financièrement parlant, politiquement parlant et ayant le plus gros pouvoir de nuisances possible, ont simplement déjà baissé les bras. Les usagers en ont marre d’être la cible des manifestations chroniques.
Les « opérations coup de poing » ont une grande portée médiatique, mais le grand public en a marre. Bloquer le périphérique parisien, cela fait parler, mais cela fait aussi hurler le million d’utilisateur quotidien !
Les manifestations n’intéressent plus personne hormis les syndicalistes eux même pour montrer qu’ils existent encore.
Organiser une manifestation qui n’aura aucune écoute, qui n’aura pas l’adhésion du grand public et qui ne réunira qu’une faible fraction de professionnels, c’est bien, cela ne sert à rien.
C’est un bien triste et amer constat que voilà pour l’ancien syndicaliste que je suis, mais l’objectivité et l’analyse critique doivent être les valeurs premières qui guident nos pas.
Les professions de santé
Quel est le problème majeur des professions de santé ? 350€… Voilà le problème.
Quand on fait la moyenne des chiffres d’affaires des différentes professions de santé, on arrive à une moyenne de 350€ par jour. Voilà ce que coûte une journée de manifestation pour un professionnel de santé. Inutile alors de croire qu’un professionnel puisse suivre un mouvement plus d’une journée ou deux. Automatiquement l’adhésion aux différents mouvements sociaux s’en trouve réduite. Nous sommes bridés par l’argent « perdu » à cause de notre absence au cabinet.
Même les mouvements d’ampleur ayant réunis les chirurgiens dentistes n’ont strictement rien apporté ! Il n’y a eu aucune écoute de la part des pouvoirs publics, aucune modification des processus mis en place. La seule conséquence a été un amenuisement conséquent du mouvement qui n’existe presque plus…
Regardons à notre niveau, quel mouvement a eu la meilleure audience depuis ces dernières années ? Le congé maternité pour tous.
Même si je ne partage pas la mise en place pratique de ce mouvement (à lire ici), sur le fond ce mouvement est exceptionnel. Une simple pétition, une bonne couverture médiatique et tout s’emballe. Mieux, en totale indépendance, sans aucune intervention syndicale… Félicitations.
Cependant, je prédis que ce mouvement va s’arrêter là où il a commencé.
Peut être après une réunion ou deux au ministère enrobées de « nous vous avons compris » ou encore « nous étudions le sujet » et quelques autres belles phrases et promesses politico-économiques, la finalité sera ce qu’elle doit être.
Sans proposition de financement claires et détaillées, le résultat sera à 100 lieues de l’initiative originelle.
Force est de constater que si l’on veut ne serait-ce que comprendre comment le système dans lequel nous sommes inscrits fonctionne, il faut avoir un minimum de notions juridiques, économiques, politiques, sociologiques etc…
Et si l’on veut pouvoir proposer quelque chose, il faut en plus se transformer en analyste, avoir l’idée, être critique, faire un prévisionnel etc…
Lorsque nous nous adressons à nos dirigeants, nous nous adressons à une machine administrative dont les tenants et aboutissants sont la finalité d’analyses politiques, économiques, lobbyistes et sous l’influence de courants que nous ne maitrisons pas.
Que faire alors ?
Baisser l’échine et subir ? Non certainement pas. Il faut se battre, de manière mature et intelligente.
La solution est simple, mais son application est très compliquée.
Il faut jouer avec les armes de nos dirigeants.
Nous avons une proposition ? Très bien. Première chose, étudier sa faisabilité juridique. Oui car une proposition illégale… c’est compliqué !
Ensuite il faut la chiffrer. Vient alors l’étude de faisabilité et le mode de financement de cette proposition. Et à cet instant, croire que le législateur peut nous donner gracieusement X millions d’euros est d’une totale stupidité. Si la proposition répond d’un intérêt public, là, peut être. Si la proposition ne répond qu’aux intérêts privés… C’est perdu d’avance.
Et seulement après cela, si la proposition est viable, il sera réaliste de faire une proposition aux instances concernées.
Une fois que la proposition est « acceptée », il faut étudier la contre-proposition des dirigeants. Et là tout se complique. Elle sera forcement différente de la proposition initiale, accepter, refuser…
Ce qui intéresse notre législateur, ce sont les missions publiques définies par tout un tas d’organismes plus technocratiques les uns que les autres. Nous allons parler « qualité » de soin, la réponse sera « l’important c’est l’accessibilité ». Reprenons le congé maternité, le législateur l’a mis en place chez les médecins uniquement pour des raisons démographiques, il n’a jamais été question d’équité ou d’une quelconque volonté d’accorder un acquis social.
Nos armes doivent être législatives, juridiques, économiques et politiques. Tant que nous ne comprendrons pas que nos grands idéaux ne correspondent en rien aux attentes du législateur, nous ne front qu’échouer et surtout nous iront de déceptions en déceptions.
Nous souhaitons améliorer la qualité de nos prestations, à nous de démontrer que le qualitatif apportera un plus au niveau politico-économique. Nous souhaitons porter une valeur importante à nos yeux, il va nous falloir exacerber sa plus-value au niveau comptable.
Nos plus grands échecs ?
Le populisme, la démagogie et la surestimation des ressources présentes.
Des effets d’annonce sans lendemain, n’importe qui peut le faire. « Je propose l’acte de kiné à 50€, l’exonération d’urssaf, des congés payés, une carpimko moitié moins chère et avec des prestations sociales équivalentes à celles des salariés et une secrétaire gratuite pour tous les cabinets ». Voilà, votez pour moi… c’est finalement facile de faire du populo-démago…
Est-ce réaliste ? Non. Ce n’est ni réaliste ni réalisable. Tout est perdu alors ? Non, mais il faut agir avec intelligence et surtout réalisme. Il faut aussi savoir analyser les événements pour modifier ses actions pour tendre vers l’anticipation.
Nous l’avons vu récemment avec la problématique des certifications et autres labellisation (à lire ici et ici). Certains dirigeants de notre profession sont tombés des nues en découvrant celà. Alors que finalement c’est acté depuis 5 ans et déjà inscrit pour la plupart des professions de santé.
Il est navrant de voir que certains n’ont rien anticipé.
Réagir c’est toujours avoir un wagon de retard. Agir c’est être dans le train, anticiper c’est être la locomotive.
Manifester, au jour d’aujourd’hui, c’est montrer que l’on a pas su anticiper une situation et c’est prendre le problème à l’envers.
Les leviers « patients » et « grand public »
Les patients sont devenus des consommateurs lambda. Même si notre côté humain reste de mise, le constat est là aussi assez sombre. De plus en plus de déconsidération. Il ne faut donc plus s’attendre à un quelconque support du grand public.
Pourquoi les APA ou les ostéopathes ont réussi à avoir une couverture médiatique plus importante que la notre ? La réponse est simple, nous ne sommes plus libre de notre communication… Même si vous connaissiez le ou la directrice de publication d’un grand magazine et que l’on vous propose un article, il vous faudrait demander l’autorisation du conseil de l’ordre pour pouvoir agir. Je ne cesserais de le dire, mais notre code de déontologie désuet et suranné nous bride face à la concurrence.
Conclusion
La conclusion est simple.
Ne perdons pas notre énergie dans des balbutiements inutiles. Soyons raisonnés et intelligents. Je le redis, c’est en utilisant les propres armes du législateur et en ayant des propositions construites que nous arriverons à faire avancer le débat.
Vincent Jallu
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- Written by Vincent Jallu et Didier Lantz
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- Written by Vincent Jallu
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Les faits
Comme exposé dans ma conclusion sur le projet d’avenant N°5 (à lire ici), les négociations conventionnelles s’effectuent entre des parties.
L’UNCAM d’une part, les syndicats représentatifs de l’autre.
Ces syndicats représentatifs sont déclarés représentatifs à l’issue d’une enquête de représentativité et l’ensemble du processus est clairement défini par le Code de la Santé Publique.
De la même façon que nous élisons nos députés pour discuter des lois régissant notre pays, nous élisons nos représentants au sein des Unions Régionales des Professionnels de Santé (URPS). Cette élection constitue l’un des critères de représentativité. D’une certaine façon nous élisons donc nos représentants pour les négociations conventionnelles.
Le soucis étant que beaucoup d’entre nous ne connaissent ce processus… Mais oui, en votant aux élections des URPS, vous élisez in fine vos représentants pour les négociations conventionnelles. Vous élisez aussi de fait les gens vous représentant au sein des commission socio-professionnelles (CSPD). En effet, les syndicats représentatifs participent à la gestion des caisses locale par le biais des CSPD.
Et dire qu’il n’y a que 20% de votants aux élections des URPS…
Je vais redire ce que j’ai déjà dit, vous voulez vous exprimer ? Syndiquez vous. Vous voulez choisir les syndicats représentatifs ? Votez aux élections des URPS.
Le pouvoir discrétionnaire
Une « spécificité » de l’enquête de représentativité est que l’administration de l’état possède un pouvoir discrétionnaire. Ainsi si l’un des syndicats ne « plait » pas au pouvoir en place, il a le loisir de « l’éliminer »… Sympathique non ?
De plus, la refonte des conditions d’élections des URPS vient renforcement de ce pouvoir (à lire ici) en créant de véritables syndicats « à la botte » du gouvernement.
Vous vous demandez toujours pourquoi certains veulent signer à tout prix ?
Pourquoi les syndicats ?
Tout d’abord il convient de rappeler qu’il existe pour notre profession plus de 100 syndicats en France. En effet tout le monde joue sur les mots et sur les appellations mais le fait est que l’organisation est complexe.
Quand vous prenez votre licence de foot dans votre club local, vous n’adhérez pas à la fédération française de football, vous adhérez à l’association locale qui elle même a choisi de faire partie d’une ligue et l’ensemble des ligues se sont regroupées en une fédération. D’ailleurs votre club, reverse une partie de votre cotisation à la ligue et à la fédération.
Pour nous, c’est la même chose.
Ainsi les grandes décisions ne sont pas faites dans votre section locale, mais au sein des bureaux fédéraux ou nationaux qui n’ont que faire des vos préoccupations…
Vous pouvez parfaitement vous entendre avec votre représentant local et avoir des points de vus convergents, tout en étant en désaccord avec le bureau national qui pourra prendre une décision contraire à vos envies.
L’exemple le plus flagrant a été la signature de l’avenant numéro 3 par la FFMKR dont la substance a été supprimée quelques mois plus tard au conseil d’état suite à l’intervention de la section locale FFMKR des Landes. Et oui, une section locale a attaqué l’avenant signé par le bureau « national ». C’est ainsi…
Il faut donc bien différencier le syndicat, du syndicat représentatif. D’ailleurs il n’y a pas actuellement de syndicat représentatif au sens strict du terme. Il y a une fédération (FFMKR) et une union (UNSMKL) qui soient représentatifs.
Ce sont les organisations internes qui finalement définissent l’importance de la parole de chacun.
Cependant, il faut saisir que les négociations conventionnelles ne sont pas simplement « j’aime ou j’aime pas ». Ce sont des négociations qui engagent l’ensemble des politiques de santé, des politiques budgétaires avec leurs lots d’influences et de rouages administratifs.
Par exemple, beaucoup ne comprennent pas l’intérêt des prises en charges des BPCO. Et bien si l’on a un regard un peu plus large sur la santé en France, la prise en charge des BPCO fait partie des objectifs prioritaires de santé définis par les gouvernements successifs. Il est pour ma part « normal » que ces objectifs transparaissent dans notre convention. Nous sommes des professionnels de santé, nous avons des devoirs par rapport à cela et respecter les engagements d’une politique générale de santé est un minimum.
De fait, les syndicats qui sont au quotidien au contact de l’ensemble des acteurs de la santé et qui participent à l’ensemble des structures et institutions régissants la santé sont les plus à même d’avoir cette vision globale nécessaire pour avoir un regard éclairé durant les négociations conventionnelles.
De plus les syndicats ont généralement en leur sein une structuration juridique plus ou moins aboutie qui permet lorsqu’un texte leur est présenté d’avoir un regard pointu et qui leur permet parfois de discerner les différents biais.
N’oublions pas non plus que ce mode de fonctionnement est celui du système salarial. En effet, quand l’état décide de modifier les conditions de travail des Français, il ne vient pas vous en parler droit dans le yeux, ni même vous demander votre avis. Non, l’état discute avec les syndicats et rien d’autre.
Question d’argent aussi…
Les négociations se déroulent sous le format suivant, une à deux journée par mois pendant une durée qui peut aller jusqu’à une année comme c’est le cas actuellement. Inutile de vous dire que si l’un d’entre nous allait aux négociation, il lui aurait fallu prévoir 1 mois de congés pour pouvoir se faire. Avec l’aide de son syndicat par le biais d’une rémunération, cela est plus facile de se rendre disponible…
Cependant, tout n’est pas rose…
Le syndicat est une structure privée à but privé. Pour faire simple, c’est un commerce. Et si vous croyez que ces syndicats représentatifs proposent des assurances, des formations, AGA, de la librairie, des sous sections pour les jeunes, pour certaines spécialités etc… ce n’est pas pour le développement et le bien être de la profession mais bien pour l’équilibre comptable de la structure !
Car oui, les syndicats sont déficitaires uniquement sur la section syndicale et « renflouent les caisses » avec les autres sections.
La quête de la représentativité représente une sorte de garantie financière. Car à coup de communication, vous n’adhérez pas au petit syndicat naissant au fin fond de l’Oise mais plutôt au SNMKR 60 (il n’existe pas, c’est pour l’exemple) car le SNMKR fait partie de l’UNSMKL qui est représentatif. Et au final vous participez à la machine financière globale du SNMKR.
C’est ainsi qu’au milieu des années 2000, un syndicat que je connais bien puisque j’en ai fait partie, Objectif Kiné a fait l’énorme erreur de s’associé au SNMKR pour créer l’UNSMKL. On a promis quelques postes et quels sous à certains qui en ont profité pour vendre leurs âmes… Nous voyons ce qu’il en reste aujourd’hui, à savoir… Rien.
En commerce, on appelle cela la concentration horizontale. Et c’est ce qui explique qu’il n’y a actuellement aucune émergence idéologique ou politique possible.
Entre la peste et le choléra nous n’avons aucun autre choix.
La proposition simple (simpliste ?)
Tout remettre à plat et de proposer une élection directe. Ce serait le système le plus simple, élire nos représentants.
Il y aurait alors un détachement des « petits arrangements entre ami » et de toute influence quant à la représentativité et plus largement du lobbying syndical.
Cependant, je reste convaincu que cette élection directe, n’est pas une bonne idée en soi. Élire quelque personnes qui n’ont pas forcement connaissance de l’ensemble des dossiers, qui n’ont aucun ancrage au sein de l’ensemble des structures administratives, budgétaires et juridiques, qui n’auront pas les moyens financier de tenir sur la longueur les négociations et qui au final seront peut être pressé d’en finir… Pas certain d’y gagner au final.
Ma proposition
Cumuler les avantages des structures syndicales et de l’élection directe.
Conserver la représentativité pour la gestion « quotidienne » et, spécifiquement pour le processus de négociations conventionnelles, élire au sein de l’ensemble des syndicats nos représentants pour constituer une véritable « équipe négociatrice ».
Une petite dizaine de personnes en ce qui concerne notre profession. Cela permettrait aux membres de communiquer et discuter facilement entre eux. Cela permettrait aussi à ce que les représentants puissent utiliser l’ensemble des connaissances, compétences et réseaux des syndicats pour avoir la meilleure vision possible de la négociation.
Même si la pression syndicale serait toujours présente, il n’y aurait plus « tel ou tel syndicat qui signe ». De plus il serait possible d’élire un responsable syndical « périphérique » et pas obligatoirement un représentant « national », ce qui permet de donner la parole à l’ensemble des syndicats du pays et non uniquement au simples bureaux nationaux ou fédéraux. Il serait aussi possible d’élire un représentant d’un syndicat émergeant et ainsi de contrecarrer le poids des syndicats majoritaires.
Ces représentants seraient défrayés par leur syndicat, ce qui supprime toutes condition financière et temporelle. On pourrait même imaginer un financement public via le ministère ou privé via nos cotisations URSSAF pour supprimer définitivement tout influence syndicale. Pour réduire le coût il suffirait d’annoncer ce financement comme une indemnité qui ne serait pas déclarée dans la 2035 mais uniquement dans la 2042 (comme les indemnités ordinales par exemple) avec en plus un abattement de 20%. Au final cela reviendrait à moins d’1€ par an et par professionnel pour financer les négociations hors frais de déplacement.
Le processus d’enquête de représentativité qui n’est qu’une farce administrative se verrait éliminé pour les négociations et surtout cela redonnerait une indépendance aux négociateurs. Car ce serait bel et bien « l’équipe des élus » qui négocient et non pas les syndicats eux même.
Il n’y aurait plus à se cacher derrière le vote des adhérents ou quoi que ce soit d’autre.
Ce fonctionnement existe déjà au sein des URPS. Et nous le voyons bien, ce qui tue l’entente entre les syndicats dans les URPS, et qui fait que cela ne fonctionne que moyennement, c’est le pouvoir ! Au sein des URPS où l’un des syndicats a un avantage hiérarchique fort, cela ne fonctionne pas. Cependant au sein des URPS où le pouvoir est réellement partagé et où la masse-kinésithérapie est le réel intérêt, ce la fonctionne…
Avec une équipe sans aucune hiérarchisation en son sein, aucun pouvoir, aucun avantage à en tirer et pourquoi pas un financement dégagé de l’influence syndicale, tous les paramètres seraient réunies pour avoir une réelle indépendance.
Avec à la clé un mandat de 5 ans (durée de la convention), cette équipe serait responsable auprès de la profession et non pas auprès de son syndicat. On peut ainsi envisager une agora où ces représentants viendrait exposer et discuter des négociations en cours avec l’ensemble des professionnels concernés en toute transparence.
Un intranet, une sécurisation de l’accès par carte CPS, avec de fait une lisibilité totale des échanges sans anonymat et sans langue de bois. Nous pourrions même imaginer que tout ou partie des validations ou invalidations des textes conventionnels soient soumis aux votes via cet intranet. La profession pourrait alors reprendre la main sur son avenir. Cela serait une réelle avancée mais aussi une grande responsabilité. Comme dit plus haut, seulement 20% de votants aux élections des URPS et bien souvent les 80% de non votants sont les premiers à se plaindre… En augmentant le pouvoir du « peuple » on augmente son implication et sa responsabilisation.
Comment faire ?
C’est très simple et très compliqué à la fois.
Exposer une idée, comme cela, à la volée, est toujours assez simple. Poursuivre le discours avec « y’a pu qu’à, y faut qu’on », est tout aussi simple et simpliste. La réalité administrative demande une réflexion et un investissement d’un niveau supérieur.
Comme nous l’avons vu, c’est le code de la santé publique qui régit les relations conventionnelles et ce, pour l’ensemble des profession conventionnées. Donc si le système change, c’est pour l’ensemble des professions.
Inutile de vous dire qu’il y a là des enjeux financiers et politiques au niveau des syndicats qui sont très importants. J’ai donc peu d’espoir de les voir jouer le jeu…
Je ne pense pas que nos syndicats aient le courage de le faire, alors ne comptons même pas sur celui des autres professions conventionnées…
Cependant une modification du code de la santé publique… Ce ne sont pas le syndicats qui s’occupent de cela.
C’est l’appareil législatif qui s’en occupe.
Nous ne pourrons pas, très objectivement, demander audience au ministère, être écoutés, être entendus et surtout être suffisamment convaincants pour engager la réforme. Même si cela ne coûte rien d’essayer, je suis pessimiste là dessus.
Cependant… Les députés sont nos amis !
Un député peut engager une proposition de loi à l’assemblée. Et pensons bien que pour une fois, la candeur des nouveaux députés peut être un atout...
Si partout en France nous diffusions auprès de nos députés une demande de projet de loi modifiant le code de la santé publique, nous aurions peut être un poids que certains considère comme négligeable…
Vincent Jallu
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Depuis la parution de la loi de modernisation du système de santé, notre profession bénéficie d'une nouvelle définition qui lui octroie l'accès sous conditions aux traitement des urgences.
Je cite:"En cas d'urgence et en l'absence d'un médecin, le masseur-kinésithérapeute est habilité à accomplir les premiers actes de soins nécessaires en masso-kinésithérapie. Un compte rendu des actes accomplis dans ces conditions est remis au médecin dès son intervention".
Il existe de fait un vide autours de la définition de l'urgence en masso-kinésithérapie.
En effet, quand on s'attarde un tant soit peu sur le sujet, on s'aperçoit que la notion d'urgence, si elle a une définition médicale, est relative à chaque spécialisation.
Puis lorsque l'on interroge un "dispatcheur", celui-ci nous confirme que l'urgence est bien difficile à cerner. Et il existe des consensus de priorisation des urgences dans chaque spécialité médicale. Ainsi, si il y a présence d'une hémorragie, la priorité monte d'un cran pour un contexte identique.
N'oublions pas non plus, qu'à une époque pas si lointaine, la notion d'urgence en ce qui concernait les ordonnances de kinésithérapie permettait simplement de ne pas éditer de demande d'entente préalable mais de commencer le soin immédiatement.
La nature ayant horreur du vide, il devient urgent de définir l'urgence dans notre spécilité avant qu'on ne le fasse pour nous ou pire que quelqu'un d'autre prenne notre place !
Le conseil de l'ordre cogite actuellement sur le sujet et espérons que le résultat de leur réflexions soit à la hauteur de ce que nous pouvons en attendre...
La réalité du terrain
Soyons réalistes, les kinésithérapeutes traitent déjà des urgences. Qui n'a jamais eu une bronchiolite, venant au cabinet sans ordonnance mais en disant "j'ai eu le docteur X au téléphone, il m'a dit de venir vous voir et il fera la prescription demain si besoin" ?
Oui cette situation est totalement "en dehors des clous", mais tellement fréquente !
Comment font les kinésithérapeutes "du sport" qui tous les samedi ou dimanche officient comme "soigneur" dans les clubs amateurs ou même professionnels ?
Les situations d'urgences existent déjà bel et bien et sont dans un cadre juridique non défini.
Les maisons de santé, les réseaux, le programmes politiques des candidats...
Si vous avez lu l'article (cliquez ici) sur les programmes des candidats à l'élection présidentielle, vous avez pu vous rendre compte que l'ensemble des candidats proposent que les praticiens se regroupent au sein de maisons de santé, de maisons pluridisciplinaires ou encore dans des réseaux de soins.
Certains parlent même de reçréer des petits hôpitaux de campagne au sein desquels des professionnels qui auraient suivi un complément de formation pourraient devenir de véritables dispatcheurs pour les services d'urgences. On retrouve là, la notion de "paramedics" à l'anglo-saxonne.
Et si cette vision peut sembler totalement incongrue, n'oublions pas que les ARS jouent très largement sur les maisons de santé et autres réseaux de soins, ce qui, in fine, pourrait amener au même résultat.
Soyons visionnaires et prenons le problème en amont plutôt qu'une fois que le législateur aura décidé à notre place...
Une urgence c'est quoi ?
À mon sens, le point clé de la réflexion, sera de définir ce qu'est une urgence masso-kinésithérapique.
En effet, le conseil de l'ordre des médecins indique:"Dans la tradition française, l’urgence se définit par la mise en danger à brève échéance – l’heure ou la demi-journée – de l’intégrité physique, voire de la vie d’une personne. Dans d’autres pays, notamment en Amérique du Nord, on lui accorde un périmètre beaucoup plus large, puisqu’on l’étend à tout ce qui est ressenti comme une urgence par le patient".
Au jour d'aujourd'hui, le patient , lorsqu'il se rend aux "urgences" ou appelle le samu, les pompiers ou tout autre service dit d' "urgence", ne prend pas en considération la mise en danger à brève échéance, mais considère bien de lui même sa propre notion d'urgence.
Ainsi, dans le monde anglo-saxon, pour pallier au surplus de patients à gérer, ce n'est pas le médecin qui reçoit en première intention mais ce que l'on appelle les "paramedics".
Suivant les pays et les législations, les paramedics travaillent au sein de services de soins d'urgences (emergency medical services ou EMS), le plus souvent dans les ambulances et sont autorisés à pratiquer certinas actes médicaux tels que la défibrillation, la ventilation mécanique, l'administration de certaines molécules etc...
Comment bien organiser le système d'urgences entre la définition médicale et l'usage qu'en font les patients ?
Et surtout, comment intégrer le kinésithérapeute dans cette organisation, mais aussi dans le parcours de soins coordonnés ?
Les ostéopathes
Oui, je vais oser parler de ce que tout le monde pense sans jamais oser le dire !
Les kinésithérapeutes sont "jaloux" des ostéopathes. En effet, l'ostéopathe, qui n'a pas le statut de profession médicale ou paramédicale, qui n'a aucune contrainte d'ordre et surtout de code de déontologie, qui n'est soumis à aucun contrôle ni aucune convention, qui ne paye même plus de TVA, oui cet ostéopathe, lui peut effectuer une consultation de première intention sans que personne n'y ait à redire !
Cette situation place le kinésithérapeute dans un sentiment d'injustice et d'inégalité. Pire, le conseil de l'ordre nous rappelle que le kinésithérapeute est soumis à son code de déontologie, même si il pratique l'ostéopathie !
Un comble !
C'est pourquoi je milite pour la création d'un véritable acte d'urgence en masso-kinésithérapie (cliquez ici).
Je pense qu'il est temps pour le kinésithérapeute de passer du statut d´exécutant au statut de consultant.
Il faut faire évoluer notre profession vers un soin de qualité et vers une responsabilisation importante.
Ne l"oublions pas, nous n'effectuons que des "actes" et non des "consultations". Le statut de "consultation" serait une avancée profonde pour notre profession avec tout ce que cela impliquerait.
Alors oui, je préviens mes confrères et consoeurs qui son très contents de voir "madame Michu", depuis 15 ans déjà, pour sa séance hebdomadaire car "elle aime bien qu'on la masse", et pour qui prendre 3 ou 4 patients en même temps pendant qu'ils ou elles jouent au poker en ligne est devenu la normalité, oui messieurs dames, il va falloir se (re)mettre au boulot !
La formation
Il me semble assez évident que l'appréhension des situations d'urgences doit se faire dans des conditions de sécurité et de pratiques optimales. Ceci implique une formation de qualité que nous avons déjà mais à laquelle nous pourrions adjoindre des modules spécifiques "urgences". À celle-ci, pour les thérpauetes qui pourraient se sentir non en phase avec les situations d'urgences, des formations continues pourraient être proposées, accessibles au titre du DPC.
Le grade master sera dès lors une évidence...
Le parcours de soins coordonnés
En effet, problème supplémentaire, en france, le patient doit s'inscrire dans le parcours de soins. Et si les paramédicaux ne sont pas directement inscrits dans le parcours de soins, qu'en serait-il de leurs réorientations ?
Tel que le parcours de soins est écrit, nous n'avons aucune possibilité de réorientation hormis inscrire le patient dans le parcours de soins en le dirigeant vers son médecin traitant.
Il sera impératif d'élargir le champ de la prescription des masseurs-kinésithérapeutes.
Il sera aussi impératif que le kinésithérapeute ait un réel accès au DMP pour permettre la meilleure coordination du soin en cas de redirection du patient vers un autre professionnel de santé.
Bridés par la convention !
Regardons juste à côté de nous... Je suis moi même ostéopathe et je reçois tous les jours des patients en première intention dans des situations que l'on pourrait qualifiées d'urgentes ou non.
Seule ombre au tableau, le patient n'est pas pris en charge par la sécurité sociale et donc n'a pas droit au remboursement pour ses soins. Certes, le système mutualiste peut prendre le relai, mais il m'est d'avis que plus on s'écarte des mutuelles, plus le "soin" sera de qualité, mais c'est un autre débat...
N'en doutons pas, si l'accueil des patients par les ostéopathes est possible aux yeux du legislateur, il n'y a aucune raison que ce ne soit pas le cas pour les kinésithérapeutes. Oui... Mais... le kinésithérapeute, lui est remboursable. Et c'est peut être là la vraie raison de la "non communication" ou de la "non volonté d'avancer sur ce sujet" du législateur... Encore une fois, le nerf de la guerre... L'argent !
Si nous n'avons pas encore d'acte d'urgence défini, c'est à cause du coût engendré par celui-ci.
Je rappellerais au législtateur que le cumul des forfaits ATU et FAU donne un "prix" de passage aux urgences d'environ 72€ par personne pour les établissements recevant moins de 6000 "urgences" par an selon la règle de calcul 2017.
Imaginez la réelle économie que l'on pourrait engagée avec un réel "dispatching" en amont...
Couplé avec un accès au DMP l'ensemble des éléments nécessaire à la prise en charge complémentaire seraient directement accessibles et permettrait d'économiser sur les frais liés à l'ATU en cas de réorientation.
Le maillage territorial des kinésithérapeutes est important. Imaginons que chaque praticien prenne en charge 2 urgences par jour et une garde de week-end par trimestre. Environ 700 urgences par an. Cela peut sembler peu... Oui mais, nous sommes 80 000. Cela représenterait 56 millions de consultations par an ! Cela engage actuellement 4 milliards d'euros de frais ! Même si le bilan final ne faisait gagner que 10% des frais engagés, cela représenterait près de 400 millions d'économies. Cette économie pourrait être directement réinjectée pour notre profession. Et ajouté aux autre économies possibles (cliquez ici), le montant total peut être considérable...
Il serait temps que le législateur réfléchisse sérieusement à une vraie réforme du système de santé en utilisant l'ensemble des intervenants et des possibilités à sa disposition qui permettraient de "faire mieux pour moins cher" !
Conclusion
Il ressort de mon analyse, que si nous ne pouvons pas définir correctement la notion d'urgence masso-kinésithérapique, nous passerons totalement à côté dune réelle avancée pour notre profession.
La réelle difficulté va être de donner une définition à l'urgence masso-kinésithérapique.
Il faudra en effet donner un large champ d'action et éviter de brider le kinésithérapeute, le tout sans déborder sur les professions existantes et surtout en prenant toute l'ampleur de l'avancée que cela pourrait être pour la profession si tout ceci est mené correctement.
La création d'un acte d'urgences en masso-kinésithérapie est un projet ambitieux et une profonde avançée pour notre profession. Mais il faut que les réflexions et la mise sur les rails de ce projet soient à la hauteur de l'ambition. Si nous faisons l'erreur de suivre à la lettre la définition médicale, j'ai bien peur que nous tuions dans l'oeuf la notion même d'urgence masso-kinésithérapique.
La notion d'urgence aura un impact sur l'ensemble des textes nous concernant. Le décret d'actes, le droit de prescription, l'implication dans le parcours de soins, la convention, l'université... Il faudra donc mobiliser l'ensemble des acteurs de la profession. Ordres, syndicats, enseignants, ministère de la santé, ministère de l'éducation, UNCAM...
Il faudra aussi bien évidement que nous, kinésithérapeutes, répondions "présents" et nous engagions pleinement.
Soyons à la hauteur de l'ambition.
Vincent Jallu
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