Où gagnons nous le plus en France ?
Nous allons maintenant nous intéresser à la répartition géographique des richesses en 2022 !
Comme nous l’avons évoqué, les données de l’UNASA ne permettent pas d’intégrer les kinésithérapeutes qui exercent en société.
En étudiant uniquement les données AMELI sur population entière, nous avons une vision bien plus précise de l’activité conventionnée des kinésithérapeutes.
Je vous propose ainsi une analyse par région et par département des revenus conventionnels des kinésithérapeutes.
Commençons par les régions. Les données par région des DOM et des TOM ne sont pas proposées par Ameli. J’ai donc ajouter les DOM individuellement à la carte métropolitaine (même échelle de couleur bien sur).
Rien qu’en étudiant la répartition par région comment expliquer que la Bretagne ait un revenu moyen de 67909€ tandis que la Corse se situe à 107233€ ? 58% de plus qu’en Bretagne… Ne me faites pas croire que les Bretons ne travaillent qu’à mi-temps ? Et ne me faites pas croire que tous les kinés Corses travaillent plus de 300 jours par an (sur une base d’un amk moyen à 8.1, 2 par heure, 10h par jour) ? Non, il y a de vraies problématiques régionales.
Comment concevoir que dans une convention nationale il puisse y avoir autant de disparités ?
Peut être est-il temps d’ajouter une logique régionale à la convention nationale ?
Pour bien prendre conscience de la problématique et pour pouvoir vous situer dans votre région, je vous propose une carte avec une palette de couleur différentielle. En rouge les régions sous la moyenne, en blanc les régions dans la moyenne, et en vert les régions au dessus de la moyenne.
Poussons plus loin et voyons ce qui se passe dans les départements…
Quelques surprises se présentent à nous !
Nous observons de suite que globalement au dessus de la ligne Le MontSaint-Michel - Châlons sur Saône, dans une petite moitié Nord-Est, les départements s’en sortent mieux que dans le Sud Ouest (et oui le pain au chocolat bat la chocolatine).
Comme pour les régions je vous propose donc une carte différentielle. Toujours le même code couleur, en rouge les départements sous la moyenne, en blanc les départements autours de la moyenne, en vert les département au dessus de la moyenne.
Globalement la façade atlantique et l’Est avec les deux départements du Rhin, le Jura et les Alpes sont les moins riches. Au niveau des DOM, Martinique, Guyanne et Mayotte remportent la course.
Fait intéressant, Ameli nous permet de différencier par département les honoraires issus des DE. En effet, sur les réseaux sociaux, nous avons l’impression que tout le monde fait des DE (et je vous avoue parfois j’ai l’impression d’être le seul c.. à ne pas en faire). Tout le monde… Et bien en fait non. Je vous laisse découvrir cette carte des départements pratiquants le plus de DE.
Et bien voilà la preuve que les réseaux sociaux on bien un effet de cluster entrainant un facteur de confusion majeur.
Cela nous permet de faire une carte en trois parties. À gauche, la carte des revenus conventionnés sans DE, au milieu la carte des DE et à droite la carte des revenus totaux.
Le DE est bien une problématique quasi « locale » à la région parisienne et dans une moindre mesure les Alpes-Maritimes. Dans ce dernier département, 1057€ par an de DE en moyenne par kinésihtérapeute. Environ 88€ par mois, je pense que l’on peut dire que la pratique n’est pas systématique.
Le top du classement revient à Paris-24641€ par an en moyenne par praticien, les Hauts-de-Seine 16576€, les Yvelines 7464€, le Val de Marne 5716€, la Seine-Saint-Denis 3588€, la Seine-et-Marne 2726€, le Val d’Oise 2562€ et enfin l’Essone 1106€ qui se place très proche des Alpes-Maritimes.
Personnellement, dans un calcul tout à fait arbitraire, je considère que l’on peut considérer la pratique du DE comme « systématique » dès lors que l’on a 1€ par patient hors ALD-AT. Ce qui représente en moyenne (base 100 patients par semaine, 30% d’ALD-AT, 4 semaines de congés) 3080€ de DE par an. Ce calcul est tout à fait discutable je vous le concède. Mais cela montre bien que le DE « systématique » ne concerne que Paris, les Hauts-de-Seine, les Yvelines, le Val de Marne et la Seine-Saint-Denis, soit globalement 5 départements Franciliens.
Deux points sont à noter.
Si nous comparons l’Île de France, entre les données Améli et les données de l’URPS IDF (Enquête URPS IDF page 38), nous voyons de suite que le fait d’avoir des données sur population entière est beaucoup plus fiable que des données sur échantillon qui n’est pas borné par un intervalle de confiance. Les données de l’URPS IDF sont largement moins fiables que les données Ameli et pourraient donner une fausse idée de la réalité. Par ailleurs les données déclaratives sont toujours moins fiables que les données réellement enregistrées.
Avant de stigmatiser les kinésithérapeutes Franciliens (oui les réseaux sociaux ne sont pas l’endroit des enfants de coeur…) il convient d’étudier le « pourquoi » et surtout mettre la jalousie maladive de côté.
Je vous propose donc une carte Francilienne en trois partie. À gauche les revenus conventionnels moyens sans DE, avec la même échelle que la carte nationale au dessus.. Au milieu la carte des DE moyens, toujours à l’échelle nationale, à droite la carte du total des revenus conventionnels, elle aussi à la même échelle que la carte nationale.
Contrairement aux idées reçues, l’Île de France est une région dans laquelle les revenus conventionnels sont parmis les plus bas pour Paris et les Hauts-de Seine. Et même additionnés de DE moyens assez pharamineux les revenus totaux ne sont que dans la moyenne.
Nous pourrions alors nous dire « oui mais ils doivent faire beaucoup de HN ! »… Et bien… Là encore surprise. Si nous comparons les revenus conventionnels totaux par rapport aux revenus déclarés via l’UNASA (avec les biais que cela implique comme expliqué plus avant), nous obtenons le graphique ci-dessous.
Nous voyons clairement que Paris et les Hauts de Seine ne semblent pas pratiquer de HN outre mesure, contrairement à la Seine St Denis et le Val d’Oise.
Et si l’on poussait un peu plus loin l’analyse (mais ce document n’est pas une étude Francilienne), la différence entre CA et BNC est fort comparable à la différence nationale. Et même du côté des « loyers », en moyenne seuls 1-2% d’écarts sont perceptibles. L’argument comme quoi en région parisienne les loyers et les charges sont plus élevées ne semble pas pertinent.
Nous pouvons donc conclure sur l’Île de France et dire que les préjugés que certains peuvent avoir et que certaines études sans données fiables peuvent amener ne sont pas fondés. Il y a cependant une réelle activité de DE sur la région, qui est peut être tolérée du fait du faible niveau de revenus sur les départements concernés (amis Bretons, vous savez ce qu’il vous reste à faire !), mais ce n’est en aucun cas la réalité nationale. Là encore le manque de données volumétriques par rapport au nombre d’actes est un frein à l’analyse. Espérons que ces données seront publiques sous peu. Dans tous les cas, vous gagnerez plus dans l'Aisne qu'à Paris...
Cela prouve cependant, encore une fois que la convention nationale se doit de prendre une dimension régionale beaucoup plus avant.
Il pourrait être intéressant au niveau des URPS de de faire de vraies analyses socio-économiques fondées sur des données consolidées et donc fiables (et pas sur des échantillons de petits nombres non représentatifs et sur du déclaratif).
Nous pouvons maintenant étudier l’évolution des revenus par département. Sur le triptyque ci-dessous, les revenus conventionnels métropolitains moyens en 2012 à gauche. 2022 au centre et enfin une carte de la variation entre les deux.
Nous trouvons, encore une fois, des spécificités régionales majeures. La Bretagne va certainement prendre le titre de la région kinésithérapique la plus sinistrée de France. Suivie par le Rhône-Alpes (qui est une zone et non une région, mais l’Auvergne s’en sort mieux) puis le Bas et Haut-Rhin. Au rang des régions « favorisées », PACA-Corse et les Hauts de France (bien que l'Aisne et le Pas de Calais soient en baisse sur 10 ans, mais ils restent en haut du pavé).
Jetons un coup d’oeil sur les DOM (la carte métropolitaine est là pour donner l'échelle des valeurs).
Mention spéciale à Mayotte qui a fait une progression de +40% entre 2012 et 2022 qui de fait est « hors classement ».
Passons maintenant à ce que tout le monde se demande… Mais où s’installer aujourd’hui ?
Sur les cartes ci-dessous à gauche, la densité des kinésithérapeutes en 2022. À droite le ratio entre le revenu conventionnel et la densité, donc les endroits où il est potentiellement bon de s’installer si on ne se limite qu’à l’aspect financier.
Je ne sais pas si il est nécessaire de commenter les cartes, mais encore une fois le pain au chocolat écrase la chocolatine à plat de couture ! Notre fameuse ligne Mont Saint Michel - Châlons sur Saône est valable. Au niveau des DOM, La Guyane et Mayotte sont à l’honneur.
Nous avons désormais une compréhension encore plus avant des territoires.
Enfin, je vous propose sur cette dernière présentation, à gauche la carte par départements du coût en kinésithérapie par habitant et à droite, la carte par département du ratio divisé par le coût par habitant (indicateur composite personnel) , soit la carte des endroit où il flaire bon de s’installer tout en étant sur que l’on ne vous ennuie pas de trop avec les coûts …
En plus d’avoir une démographie hors de contrôle en nombre, nous avons aussi un soucis de représentation démographique sur le territoire. Avec une différence incroyable de 1 pour 31 entre la Seine Saint Denis, département le plus attractif de métropole et les Hautes Alpes (record métropole et DOM), département le moins attractif par exemple, nous comprenons l’extrême nécessité de réfléchir plus que sérieusement au zonage tant macro que micro territorial.
Au niveau des DOM, Mayotte est certainement le département le plus attractif de France. Avec un indice à 214, c’est 4 fois plus qu’en métropole et 128 fois plus que les Hautes Alpes.
Nos syndicats se doivent de développer les analyses régionales pour comprendre les différences d’activité, de densité et de revenus dans les territoires. Nous ne pouvons nous satisfaire d’analyses biaisées et incomplètes et encore moins d'absence de réflexions territoriales. Nous nous devons d’avoir un regard critique, et novateur sur les territoires.
Conclusion
Pour les courageux qui seraient arrivés au bout de cet article, félicitations.
Oui nous avons perdu du pouvoir d’achat. Mais globalement comme le reste de français et même un peu moins.
Et surtout nous arrivons à comprendre le décalage des mentalités entre la partie la plus riche d’entre nous, et surtout ceux qui exercent depuis avant 2013 et ceux qui exercent depuis après 2013. Car finalement ces derniers sont sur des revenus globalement constants voir en progression depuis 10 ans. Tandis que les premiers sont sur des revenus globalement en baisse surtout si ils sont dans les strates les plus riches.
Par contre ceux qui sont dans la frange de revenus autours de la médiane peuvent ne pas comprendre cette frénésie car leurs revenus sont globalement croissants quelque soit la période.
La majorité silencieuse des réseaux sociaux le sait bien et d’ailleurs c’est pour cela qu’elle est silencieuse. Pour elle, tout n’est pas si obscur. D’ailleurs interrogeons nous du pourquoi si peu se déplacent aux manifestations ? Peut être est-ce parce que cette majorité silencieuse ne se sent pas concernée par le problème (à méditer).
Là encore les syndicats devraient s’interroger et avoir une analyse large du problème en arrêtant de faire des enquêtes sur des échantillons non représentatifs de notre profession sans jamais les borner et sans jamais considérer cette majorité silencieuse.
Nous comprenons ainsi toutes les propositions « vieillotes » que les syndicats proposent. « Nous voulons du pognon »… Il serait peut être temps de passez à autre chose…
Les syndicats devraient aujourd’hui vous propose de réellement vous aider dans la gestion et l’organisation de votre cabinet. La principale problématique de ce type de formation étant que ces thématiques ne sont pas prises en charges. Donc en théorie pas de FIFPL ou de DPC. Éventuellement un Crédit d’Impôt pour la Formation des dirigeants d’entreprise ou encore un CPF. Mais oui il faut se pencher sur cette problématique.
Ils doivent aussi élargir l'offre de formation quant à l’analyse critiques des données (et surtout des pseudo-données) de la science et doivent nous amener vers l’autonomie dans ces domaines. Si les syndicats veulent que nous ayons confiance en eux, qu'ils commencent par intégrer les problématiques de terrain.
Mais on ne peut pas être partenaire d’un vendeur de matériel inutile d’un côté et de l’autre dire que cet appareil ne sert à rien…
Nous avons aujourd’hui une population beaucoup plus hétérogène qu’avant avec des fractures intellectuelles, générationnelles, de territoires et de compréhension économiques.
Nous comprenons aussi pourquoi la CNAM nous a gratifié d’une augmentation de 3% « gratuite ». Ils ne sont pas stupides (seuls ceux qui ont cru que c’était cadeau sont stupides), ils savent calculer, contrairement à tous ceux qui prétendent que nos revenus conventionnels sont le problème. Les convaincus resterons vaincus à jamais...
Le modèle statistique se dévoile peu à peu et nous pouvons commencer à projeter es stratégies moyen et long terme, nous pouvons même commencer à concevoir quelle sera le montant de la prochaine enveloppe. Les chiffres consolidés de 2022 pour la propulation générale et nos chiffres de 2023 nous permettrons d'avoir un premier regard sur ce point.
Nous devons aussi demander plus d’accès aux statistiques AMELI, les volumes d’actes, les répartitions par territoires, les classes d’âges etc…
Nous ne pouvons pas nous satisfaire de données partielles qui ne permettent pas une compréhension globale du système. Nous l’avons vu, les données « déclarées » ne sont pas fiables et amènent à des erreurs de compréhension.
Nos revenus stricto conventionnels ne sont pas la clé du problème et tant que nous n’aurons pas une analyse globale et que nous nous acharnerons sur ces revenus, nous serons dans l’impasse. Plutôt que de nous focaliser sur la convention, nous ferions mieux de nous focaliser sur ce qui n’est pas de la convention. Car là encore, un kinésithérapeute qui a toujours travaillé dans la convention voit ses revenus croissants avec beaucoup plus de stabilité que les autres.
Nos syndicats doivent bien intégrer qu’il leur faut avoir une politique conventionnelle mais surtout non conventionnelle. Ceux qui n’intègrent pas cela n’ont rien compris aux problématiques de la profession.
Il en va de notre crédibilité, car lorsque certains syndicats vont au devant des tutelles en clamant des faussetés, ce n’est pas sérieux et cela dévalorise notre image. Ceux-là devraient se remettre en question et arrêter de colporter des incohérences.
Ne croyez pas les alarmistes qui n’ont aucune vision macro-micro économique et qui vous affirment que nous avons perdu 20-30% de pouvoir d’achat. Leur vision est biaisée par l’envie d’avoir plus d’adhérents, rien d’autre. La situation est macro-économiquement plus complexe.
Nous devons nous engager dans des réflexions régionales et pas uniquement nationale.
Mention spéciale pour nous rappeler de ne plus jamais laisser le CNO décider de l’offre de soins, encore merci pour votre « bon sens » déconnecté de la réalité scientifique et désormais économique.
Vincent Jallu