Nuages

En ce début d’année, en plus de vous présenter mes voeux, je vous propose une « petite » analyse sur le thème des « aides-kiné ».

Vieux sujet remis sur la table lors du congrès de l’ordre pour sauver la kinesithérapie salariée...

Le CNO a par ailleurs communiqué sur le fait qu’ils réfléchissaient activement à ce statut.

 

Petite pensée

Je vous laisse méditer sur une chose...

Reconnaitre qu’une personne moins qualifiée peut faire la même chose que vous, c’est reconnaitre que vous êtes surqualifié pour faire ce que vous faites et donc c’est reconnaitre que vous êtes bien trop payer pour le faire !

Qui doit on remercier pour cela ?

Celles et ceux qui veulent mettre en place les fameux sous-kinés !

Il y a cependant quelques « couacs » qui seront incontournables.

 

Le décret d’actes et tous les autres textes nous régissant

Même si sur le plan juridique l’exercice illégal de la kinésithérapie est une notion complexe qui manque cruellement au code pénal, nos actes sont cependant « protégés » par notre décret d’actes. Notre statut est lui aussi garanti par l’ensemble des textes du code de la santé publique. Il faudra un gros remaniement en profondeur pour autoriser un personnel non qualifié à le devenir pour pouvoir effectuer nos actes.

 

La convention

Observons ce que nous dit la convention...

Parce qu’a un moment il ne faudra pas oublier qu’un libéral qui pourrait employer quelqu’un pour effectuer ses propres actes, ne remplirait plus les conditions conventionnelles permettant le paiement de ces actes.

En résumé, la convention prévoit que ce soit le kinésithérapeute qui fasse la séance. 

En conclusion, la convention ne permet pas à un kinésithérapeute de déléguer ses actes ! Donc il faudra une modification majeure de notre convention pour que cela soit réalisable.

La balle est donc dans le camp de nos syndicats représentatifs... Si vous voulez sauver la kinésithérapie, refusez les sous-kinés !

 

Les assurances

Là aussi, il faudra donner une réponse légale. Comment s’organisera la prise en charge assurantielle en cas de problème. Car au jour d’aujourd’hui aucune Assurance ne prend en compte les sous-kinés. Tout est donc à construire de ce côté là.

 

La gérance

Ce qui est assez paradoxal avec ces sous-kinés, c’est que notre ordre s’oppose aux situations de gérance des cabinets et pourtant il se pourrait bien que ce soit le même ordre qui autorise la gérance avec des sous-kinés ! Mais comme ces personnels seront sous-kinés et pas kinés...  tout va bien dans le meilleur des mondes.

Je vais être franc, je ne pense pas que notre ordre ait « les épaules » pour régler l’ensemble de ces problématiques (sans compter que j’ai du en oublier quelques unes). Par contre il peut, comme pour le dry needling nous mettre dans une position problématique qu’il essaie maintenant de régler avec le plus grand mal et non sans grincements...

Et il faudra qu’il y ait une collaboration étroite entre notre ordre et le ministère, ce qui est loin d’être acquis.

Et point essentiel, avec le remaniement de l’ensemble des textes nous régissant, il ne faudra rien perdre au passage.

Car si on arrive à expliquer qu’une personne non diplômée en kinésithérapie arrive à faire des actes de kinésithérapie, il faudra alors expliquer pourquoi une autre personne non diplômée en kinésithérapie (comme les ostéos ou les chiros) ne pourraient pas effectuer ces actes...

Vous l’aurez compris, le danger n’est pas grand, mais immense.

 

Imaginons que...

Laissons de côté quelques instants ces problématiques administratives et imaginons que ce soit possible.

Qui profiterait des sous-kinés en libéral ?

Un « smic » coute, toutes aides confondues, 2300€ par mois à l’employeur, sans compter les avantages (13e mois, primes...) et surtout ne pas oublier les 5 semaines de congés payés, les RTT etc...

Le fait est que pour payer un smic, il faut environ 8 séances de kinés par jour.

Il faudra donc pour un kinésithérapeute qui voudrait employer un sous-kiné, pouvoir s’assurer que celui-ci lui rapporte l’équivalent de 8 séances par jour.

Autant le dire de suite, seuls les cabinets « usines » pourront assurer une telle cadence. Ce ne sont pas les kinésithérapeutes ayant quelques patients « en attente » qui pourront se le permettre.

Ou alors, la volonté est de remplacer les assistants par des sous-kinés ?

Est-ce la volonté finale ? Développer les cabinets usines ? Supprimer les assistants ?

Est-ce la vision de la kinésithérapie de demain, le kinésithérapeute gestionnaire de personnel ?

Avis à tous les étudiants, laissez tomber l’anat’ ! Votre avenir ce n’est pas la science mais le management et le marketing !

 

En salariat

Cette pratique de remplacer les kinésithérapeutes par des aides soignants, des APA ou tout autre professionnel existe déjà. Est-ce que cela a créer de l’emploi pour les kinésithérapeutes ? Non.

Il est par ailleurs bien connu que lorsque l’on légalise une pratique, celle-ci a tendance à diminuer ! Oui, permettez moi un peu d’humour...

Non, la légalisation de la pratique va augmenter considérablement le nombre de sous-kinés, sans créer un seul emploi de masseur-kinésithérapeute.

Les directeurs d’établissement vont se frotter les mains, pendant que la kinésithérapie salariée aura fini de sombrer.

Et puis franchement, au lieu de jouer le jeu des directeurs d’établissements, attaquons ! Déposons plainte,allons jusqu’au bout. Publions une tribune dénonçant la situation.

Voulons nous refaire la même chose qu’avec le massage ? Nous avons laissé partir le  massage, nous allons laisser partir la kinésithérapie. Que nous restera t il ? Rien.

Nous refaisons sans cesse les mêmes erreurs, c’est incroyable.

 

Continuons à imaginer que…

Téléportons nous dans d’autres pays.

Oui dans certains pays, le physiothérapeute effectue le diagnostic et délègue une partie ou la totalité des soins à des sous-physios...

Nous, nous n’avons même pas le grade master.

Et si certains veulent nous faire avaler des couleuvres en nous faisant croire le contraire, c’est faux !

Nous avons, pardon, une frange d’étudiants a accès, de manière non nationale, à un master de façon cumulative aux études de kinésithérapie. En fait, rien ne change par rapport à avant ou presque. Toujours des masters de recherche, aucune revalorisation réelle. Que du bricolage.

Si, une chose change, nous aurons les premiers docteur en kekchosequineserapasdelakinésithérapie, managers de salle de sport ou gérants de cabinet de sous-kinés... Et toujours payés 16,13€, mais ça à priori cela n’inquiète personne.

En attendant, votre diplôme d’état, comme le diplôme d’état des futurs diplômés, sera toujours le même avec la même reconnaissance.

Ce doux rêves que certains ont, toujours frustrés de ne pas être médecin...

Enfin bref, sans master, sans aucune volonté d’accès direct, sans pratique avancée (dont nous sommes en train de rater le coche), sans rien, nous ne pourrons jamais obtenir la place que certains physiothérapeutes ont dans le monde.

Et lorsque l’on est une grenouille, ce n’est pas parce que l’on invente la sous-grenouille que l’on devient un boeuf.

 

Le cas intéressant des gens pouvant exercer partiellement la kinésithérapie...

Certains pourraient penser qu’accorder un cadre juridique à des sous-kinés ne pouvant exercer pleinement la kinésithérapie serait une solution viable.

Et bien je le redis haut et fort, pas de cette manière.

Nous devons accueillir les « exercices partiels », très bien, faisons le. Mais faisons le pleinement. Ne soyons pas stupides, ne leur accordons pas le loisir d’avoir une statut confortable qui coutera à l’ensemble de la collectivité et dont nous ne pourrons pas nous dépêtrer si un jour licenciement il devait y avoir. Et n’imaginons pas le cas où un titulaire libéral emploierait ces sous-kiné...

Non, je n’ai pas envie que la collectivité supporte cela, je n’ai pas envie que mes confrères et consoeurs subissent les pire problèmes avec des salariés dont ils ne sauront plus quoi faire.

Ma solution face à ce problème est de donner accès à ces exercices partiels au monde libéral. Rétrocession, urssaf, caisse de retraite, convention, impôts sur le revenu... Et quand ils verront que sur 3 amk 6 il ne leur reste que 13€ pour une heure et demie de travail... Alors il feront comme tous les médecins étrangers qui ont cru a l’Eldorado Français, ils repartirons.

 

Le pire des scénarios ?

Vous pensez que cela ne peut pas être pire ?

Et bien si, c’est simple.

Une maison pluridisciplinaire, montée par un médecin qui emploierait des sous-kinés sans même avoir un kinésithérapeute sur place.

Ce serait bel et bien la fin de notre profession.

Merci a toutes celles et ceux qui oeuvrent pour soit disant défendre notre profession en organisant sa mort.

 

Mais alors quel intérêt à légaliser ceci ?

Savez vous pourquoi une partie des hommes et femmes politiques mondiaux veulent la légalisation du canabis alors que l’on connait les ravages du tabac ?

Savez vous quelle somme rapporte l’industrie du tabac en france par an ? 14 milliards.

Savez vous quelle somme l’état économise en non versement de pension de retraite à cause de la mortalité liée au tabac ? 6 milliards d’euros.

Total 20 milliards d’euros.

Pour être cohérent il faudrait parler des 19 milliards que coutent les soins, les prises en charges et autres. Reste que le bilan global est bénéficiaire de 1 milliard d’euros.

Voilà pourquoi certains veulent légaliser le canabis, toujours plus d’argent.

Pourquoi légaliser les aides soignant(e)s qui réalisent des actes de kiné sans rien en dire ?

75€ par sous-kiné salarié, 280 par sous-kiné libéral, sans oublier les 90€ pour les montages en société qui emploieront ces sous-kinés. Voilà un petit bénéfice non négligeable !

N’oublions pas de parler de celles et ceux qui se frottent déjà les mains en pensant pouvoir organiser des formations initiales et des formations complémentaires à ces sous-kinés !

Peut-être est-ce pour cela que cette mesure des sous-kinés a tant de soutient auprès du syndicats des directeurs d’ifmk et auprès de certains élus de l’ordre.

Autre possibilité, pour les cabinets en zone sur dotée, remercier les assistants à la rétrocession trop faible pour embaucher des sous-kinés corvéables à la rétrocession élevée ! Sans parler qu’eux ne seront pas soumis au zonage ! Vive les usines à fric !

 

Conclusion

Ma conclusion est simple, les sous-kinés, non.

Non pour favoriser les cabinets usines.

Non pour remplacer les masseurs-kinésithérapeutes salariés par des sous-kinés.

Non pour faciliter les choses aux "exercices partiels".

Non pour légaliser une pratique qui va se généraliser.

Non pour baisser notre pantalon face aux directeurs d'établissement.

Non pour continuer à brader notre profession !

Et si notre ordre n’est pas capable d’ouvrir le débat avec l’ensemble de la profession, je rappellerais à nos chers élus, que le roi Macron ouvre un « grand débat » national... Peut être que le baron CNOMK devrait y penser aussi...

 

 Vincent Jallu