Les négociations conventionnelles sont arrivées à leur terme et bon nombre d’entre nous semble dépité et déçu par nos syndicats.
Comme si, le simple fait de demander quelque chose allait obligatoirement être accepté et comme si nous n’avions aucune limite de négociations.
Je ne me répèterais pas mais depuis très longtemps sur ce blog, j’ ai averti de la non revalorisation de la lettre clé, de la modification des conditions d’exercices et des changements profonds en route pour notre profession. Nous devons réfléchir autrement et se dire que la tarification à l’acte est en voie d’extinction.
Si beaucoup préfèrent faire l’autruche et croire que l’on peut changer les choses, tant mieux. Je préfère dépenser mon énergie à ne pas courir derrière des chimères.
Et si personne ne l’a remarqué, le budget de la sécurité sociale a été acté au 49-3. Et à ce jour, il a été utilisé 5 fois !
Vous pouvez donc écrire à vos députés ou sénateurs, cela ne sert à rien ! Et au passage pensez bien à regarder comment votre député a voté, car il est très facile de dire « oui, oui, je vous ai entendu » et de voter l’inverse quelques jours plus tard…
Le fait est que depuis quelques temps avec l’avancée des négociations conventionnelles, nous voyons une vague de contestation monter. Nous avons même vu une partie de cette vague se syndiquer. Malheureusement, cette action n’a parfois pas été faite pour de bons motifs.
Beaucoup pensent que tous les kinésithérapeutes pensent comme eux. Et il pensent aussi que le fait d’être dans un syndicat va faire en sorte que leur voix soit portée d’avantage que celle des autres…
Ne jamais oublier que Face de Bouc n’est pas le reflet de notre profession.
Et bien non, un syndicat c’est une démocratie. On s’y rassemble, on en discute, on en débat au sein des départements, et surtout, on y vote.
Il est important de faire un point sur l’organisation démocratique dans chaque syndicat et de voir comment la signature ou la non signature sera portée.
Démocratie syndicale
Chez Alizé, « une poignée d’administrateurs ne doit pas prendre des décisions pour tous ». Ils utilisent ainsi une plateforme de vote ouverte à tous, syndiqués ou non.
Cependant l’arbre décisionnaire n’a jamais été dévoilé. Nous ne savons pas combien de votants sont nécessaires, est-ce que les règles de base de statistiques sont respectées (échantillonnage, représentativité de l’échantillon, intervalle de confiance…) ni l’action de administrateurs en finalité.
Nous n’avons pas non plus l’assurance que la plateforme n’autorise pas des personnes non kiné ou même des doublons à s’inscrire (les personnes avec 2 ADELI exerçants sur deux départements pouvant s’inscrire deux fois, c’est du vécu). Ceux qui se sont inscrits une fois avec leur Adeli et une autre avec leur RPPS ont aussi double vote (c’est du vécu aussi !). Cette plateforme de vote a donc déjà ses propres limites et la fiabilité n’est pas au rendez-vous.
De plus, malheureusement nous l’avons vu il y a peu, quand 66% de votants voulaient signer, le conseil d’administration d’Alizé a balayé du revers de la main ce vote.
Chez Alizé c’est donc bien une poignée d’administrateurs qui décide pour tous.
À la FFMKR, le fonctionnement est clairement établi mais parfois la chaine décisionnaire est difficile à appréhender.
En effet la FFMKR est une fédération de syndicats départementaux. Il y a donc une petite centaine de syndicats départementaux et une fédération qui englobe l’ensemble de ces syndicats.
Chaque adhérent de chaque syndicat départemental où il est inscrit va voter en assemblée générale de son syndicat. Les propositions sont donc débattues, argumentées et votées.
À l’issue de ce vote, chaque syndicat départemental va aller porter le résultat du vote de ses adhérents lors d’un congrès de la fédération. À l’issue du congrès la majorité des pour ou des contre l’emportera dictant ainsi la conduite des représentants fédéraux engagés dans la négociation conventionnelle. À la FFMKR haque adhérent a donc une voix dans un système de vote en cascade.
Au SNMKR, là les choses sont encore plus simples et clairement établies. Les adhérents sont consultés directement par le bureau national et à l’issue le choix est porté. Au SNMKR chaque adhérent a donc une voix en vote direct.
Chaque département a par ailleurs la liberté d’organiser une réunion d’information et de débats.
L’ordre dans tout ça ?
L’ordre n’est pas un syndicat et ne participe pas aux négociations conventionnelles au sens propre du terme.
L’ordre vérifiera la bonne confraternité du texte. Son avis n’étant que consultatif.
D’ailleurs lors des dernières négociations son avis a été totalement ignoré.
Et je ne le dirais jamais assez, mais la politique menée par notre CNO, qui nous a demandé de fermer nos cabinets alors que le système de santé avait besoin de nous, a grandement participé à la destruction de notre image tant auprès des tutelles que du grand public.
Surtout restons immobiles sur nos positions !
Le monde médical qui nous entoure avance. Avec ou sans nous. Il ne vous plait pas ? Très bien, vous en avez le droit, mais sachez qu’il avance. Toujours avec ou sans nous.
Vous voulez que votre voix soit portée ? Syndiquez vous. Mais attention, n’oubliez jamais que à titre individuel vous n’êtes pas la majorité et qu’il faut donc se conforter à la majorité même si celle-ci ne vous plait pas.
La démocratie c’est confronter des idées et se plier face à la majorité.
Est-ce que nous allons « sacrifier » les futurs étudiants ?
Si vous ne le savez pas les négociations actuelles voient émerger un gros volet démographie-zonage-contraintes d’installation.
Et on parle de deux années obligatoires en sortie de diplôme (pour les futurs étudiants, pas ceux déjà en formation) en zone sous dotée ou en salariat.
Est-ce acceptable ? Je ne sais pas. Ce que je sais par contre c’est que les étudiants qui seront concernés sont encore au lycée et donc « signerons » pour s’engager dans notre profession en toute connaissance de cause. Contrairement aux médecins dont la 4e année d’internat entrera en vigueur dès 2023, nous avons cette « chance » de ne pas impacter nos actuels étudiants.
Les médecins, ils ont voulu s’opposer, ils ont perdu, par voie législative et en dehors de toutes négociations à grand coup de 49-3 !
Vous voulez la même chose pour nous ? Moi non…
Par contre oui, je préviens à l’avance les cabinets qui ne vivent que de remplaçants et autres assistants, il va falloir vous adapter car en 2027 et pendant 2 ans, cela va être compliqué pour vous.
Mais là encore, nous sommes la dernière profession à « utiliser » et je dit bien « utiliser » les remplaçants et les assistants tel que nous le faisons. Et il faudra peut être mettre un grand coup de pied là dedans un jour…
Quel est le risque de ne pas signer ?
Pour faire court et simple, vu le contexte politique actuel (49-3 à volonté, aucune écoute du gouvernement, des idées figées et aucun recul significatif face aux mouvements d’ampleur) il existe un risque non négligeable de se retrouver avec les contraintes mais sans les augmentations.
Voilà, tout est dit. C’est le risque.
Passage en force par voie législatives et aucune augmentation actée avant 2027. Car oui, notre convention courre jusqu’en 2027.
"Ne signons pas et facturons des dépassements"
Depuis quelque jours nous n’entendons plus que cela. « Faisons du dépassement d’honoraires ».
Si je suis très partisan d’une pratique hors nomenclature, je suis très mitigé face à une pratique de dépassement d’honoraires.
De plus, le DE ou le HN répondent à des spécifications administratives particulières et je pense que toutes celles et ceux qui auront au contrôle de dame sécu s’en mordront les doigts.
N’oubliez pas non plus que vous ne facturerez pas sur les ald, cmu, at, ame… Déjà 30% de facturation en moins. Vous ne facturerez pas non plus en Ephad et autres interventions en structures. Vous ne facturerez pas non plus vos patients les plus nécessiteux.
Au final ce seront toujours les mêmes qui payent, la classe moyenne…
Et surtout n’oubliez pas que sur ces « dépassements » vous aurez 10% d’urssaf en plus.
Au final, les 3€ par séance que vous aurez ajouté seront bien moins rémunérateurs que les augmentations prévues. Mais au passage vous aurez, socialement, participés à l’appauvrissement de votre propre classe sociale. Sans même parler de la totale inégalité sur le territoire.
Donc non, ce n’est pas une action raisonnable.
Mon avis sur la question
Ceux qui me lisent régulièrement le savent, je suis partisan d’une régulation démographique forte et de l’interrogation de la pertinence des soins ainsi que de la prise en charge qualitative et non quantitative.
Nous ne pouvons pas rester avec un kinésithérapeute tous les cent mètres dans certaines régions et un tous les vingt kilomètres dans d’autres. Nous ne pouvons pas non plus laisser la surconsommation de soins gambader dans les zones surdotées. Et nous ne pouvons pas laisser les professionnels prodiguant des soins inutiles et sans pertinence.
Tant que nous n’avancerons pas sur notre auto-critique, nous ne serons jamais considérés par les tutelles.
L’enveloppe proposée par la CNAM est la plus importante proposée depuis très longtemps. Et dans le contexte économique actuel, je ne pense pas que nous ayons le luxe de refuser.
Les contraintes d’installation ? De toutes façons elles seront votées au 49-3.
Donc essayons de faire au mieux sur ce point mais ne refusons pas les avancées budgétaires.
Le calendrier proposé n’est pas optimal et ne me plait pas mais il faudra faire avec.
Ceux qui pensent que nous pouvons refuser, alors que nous avons 6% d’inflation sur 2022, une réforme des retraites qui passera au 49-3 et dont nous ne savons rien aujourd’hui, et une énorme incertitude sur notre niveau de vie à venir, ceux là doivent certainement être trop riches pour refuser.
Conclusion
Ne vous syndiquez pas pour de mauvaises raisons. Ne vous syndiquez pas car vous êtes leurrés par les belles promesses de certains.
Petit message au passage aux syndicalistes qui s’étonnent des contestations et qui pleurnichent dans leur coin parce qu’ils ont beaucoup travailler et que c’est trop injuste d'être critiqué, on récolte ce que l’on sème.
Lorsque l’on ment aux kinésithérapeutes pendant des années avec des propositions intenables, il n’y a rien d’étonnant à ce que le jour où l’on retourne sa veste cela se passe mal… Et si vous n’avez pas les épaules pour encaisser la critique, arrêtez le syndicalisme, ce n’est pas fait pour vous.
Syndiquez vous car vous avez compris comment fonctionne le syndicat dans lequel vous souhaitez aller et ne soyez pas surpris que tout le monde ne partage pas votre avis.
Intéressez vous à la bonne gestion d’un cabinet, arrêtez les dépenses inutiles, intéressez vous à l’exercice coordonné, il y a de l’argent à prendre. Devenez plus opportunistes et meilleurs gestionnaires.
Je ne cesserais de le dire, nous devons changer de paradigme et aller vers autre chose. Nous sommes des professionnels de l’adaptation et nous ne savons pas nous adapter nous mêmes, paradoxal non ?
Et quoi qu’il arrive, cela se fera avec nous ou sans nous.
Le père noël c’est pour bientôt, mais pourra-t-il vous apporter la lune si vous lui demandiez ?
Vincent Jallu