Nuages

La kinésithérapie est une belle profession mais a-t-elle encore un avenir ?

 

C'est sur cette question que j'ai terminé ma première divagation mais avant de divaguer sur l'avenir si avenir il y a, penchons-nous sur le passé.

 

Point question de remonter à la nuit des temps, car le massage et les exercices thérapeutiques ou l'électrothérapie, remontent bien avant notre ère "chrétienne". Nous allons nous contenter de divaguer sur les 100 dernières années et quelques "dates".

 

Si nous regardons l'histoire de la kinésithérapie en France, nous ne pouvons ignorer les liens qui existent avec des moments terribles de l'histoire de France.

 

N'en doutons pas, la reconnaissance de la "rééducation" commence vraiment avec la Grande Guerre. En effet, pendant la première guerre mondiale, se développe sur le "tas" la rééducation des blessés afin qu'ils retournent au front au plus vite.

 

Cette reconnaissance acquise pendant ce premier conflit mondial débouchera à l'après guerre, qui verra des milliers de blessés et handicapés et la nécessité de les soutenir, de les réadapter pour qu'ils retrouvent emplois et dignité, à la création en 1924 au certificat d'infirmier-masseur.

 

Au tout début des années 1940, en pleine seconde guerre mondiale, mais la France n'est plus en guerre (!) depuis la reddition voit émerger le "moniteur de gymnastique médicale" pour déboucher juste à l'après guerre par la loi du 30 avril 1946 et le Diplôme d'Etat de Masseur-Kinésithérapeutes.

 

Pendant les années 1950-1960 le développement de la rééducation se poursuit mais faut-il se souvenir qu'en plus de l'évolution de la médecine, nous sommes toujours en conflits avec la guerre d'Indochine puis celle d'Algérie jusqu'en septembre 1962. Et en 1969, la formation initiale obtient sa troisième année.

 

Il faudra attendre septembre 1976 pour obtenir une autre avancée pour la profession avec la création du certificat de cadre en masso-kinésithérapie suivi quelques jours après de l'agrément des écoles de cadres en masso-kinésithérapie.

 

S'en suit une période sans évolution notable règlementaire mais qui fût probablement l'âge d'or de la kinésithérapie avant que ne commence son déclin.

 

Déclin que la filière doit à des choix des syndicats dits représentatifs qui étaient de véritables erreurs stratégiques.

 

Sans entrer dans les détails, 5 erreurs grossières qui chacune en leur temps ont contribué au déclin de la profession sont inscrites au cours des 30 dernières années.

 

La première date de 1989 avec l'acceptation d'avoir une simple expérimentation pour seuls 3 instituts de formation de réaliser la formation initiale en 4 années. Expérimentation qui perdurera pendant plus d'un quart de siècle et restera une expérimentation indéfinie.

 

La seconde, probablement une des plus graves est la publication en août 1995 de l'abrogation du certificat de moniteur cadre en masso-kinésithérapie au profit du cadre de santé. Ce qui coupa le lien que les kinésithérapeutes pouvaient faire avec l'université pour développer l'évaluation de leurs pratiques. Cela principalement au fait d'un projet porté par un responsable du SNKS attaché à la CFE-CGC et par celui qui était directeur de l'INK, filière de la FFMKR.

 

La troisième, qui est le résultat d'une vision sociétale erronée de frustrés d'avoir raté médecine, est la pseudo création de l'ordre des kinésithérapeutes. Pourquoi pseudo création, simplement car il n'existe aucun article de loi portant création de cet ordre.

Avant de poursuivre, il ne faut pas oublier que la motivation première des concepteurs d'un ordre était d'obliger les kinésithérapeutes à payer et à adhérer à une structure car il n'adhéraient pas aux syndicats.

 

Vision sociétale erronée car les concepteurs de l'ordre ont réalisé une analyse complètement fausse de ce qu'est une profession autonome. Ils ont voulu croire que l'autonomie professionnelle venait de la présence d'un ordre. Or cela est complètement faux. 

 

D'une part les professions autonomes ne le sont que par la maîtrise de leur formation et de leur recherche. Cela est un fait incontestable validé par des études sociologiques. De plus les professions autonomes dotées d'un ordre, elles ne le sont pas toutes loin s'en faut, ont créée ou subit un ordre car elles étaient justement autonomes en préalable. 

 

D'autre part, les ordres, et toutes les recherches sérieuses et impartiales sur le sujet aboutissent au même constat, sont fait pour museler les professionnels. Les ordres sont aux ordres des gouvernements.

 

A noter qu'au début des années 2000, un consensus proposait de porter la kinésithérapie à une formation en 5 années type DESS mais que ce consensus a "explosé" pour voire arriver la loi de 2004 qui mettait en marche l'ordre sans le créer.

 

Les deux dernières erreurs sont très récentes avec en premier une validation de la réingénierie du DEMK qui a abouti à 5 années de formation initiale reconnues bac + 3 sans véritable reconnaissance universitaire et tout récemment une nouvelle définition qui ouvre encore plus la porte au démantèlement des compétences des kinésithérapeutes et à leur partage.

 

Et les différents textes législatifs et règlementaires que le ministère de la santé en fin de mandature promulgue depuis plusieurs semaines ne permettent pas d'être optimiste.

 

Alors si la kinésithérapie a un avenir, quel peut-il être ?

 

Didier LANTZ