Nuages

Lors de mon premier article consacré aux revenus des kinésithérapeutes, j’avais effectué un comparatif européen. Or je me suis aperçu qu’une grande majorité des lecteurs n’avaient pas lu l’article jusqu’au bout et  avaient du coup manqué l’essentiel de l’article. Oui nous gagnons moins que nos collègues européens, mais c’est en rapport avec le coût du niveau de la vie dans le pays et là nous ne sommes pas si mal placés.

C’est pourquoi, afin que le lecteur « pressé » ait l’information, je vais mettre la conclusion en tête de ce nouvel article traitant de nos revenus.

 

Conclusion

Beaucoup de fausses idées circulent sur nos revenus et notre pouvoir d’achat.

Il faut dire que l’on ne nous ne facilitent pas la tache. Certains, y compris des syndicats, produisent des statistiques sans fondement et aucune analyse macro ou micro-économique.

L’estimation de notre temps de travail ne semble pas confirmer ce que tout le monde pense, en effet, il semblerait que nous travaillions moins au fil du temps.

Nos revenus conventionnels, ne semblent pas être la principale source du problème. Ceux-ci sont croissants, certes pas autant que nous le souhaiterions, mais ils le sont et pas tant en décalage que nous le pensons par rapport à l’inflation.

Si l’on y regarde bien, comparativement au niveau de vie des français, nous subissons le même déclin de notre pouvoir d’achat, mais comparativement nos revenus conventionnels ne sont en recul que de -2.3% par rapport à l’inflation, là où le niveau de vie des français a perdu -8.13% entre 2010 et 2021.

Et même en considérant la récente période post-covid avec une inflation globale galopante, la récente augmentation de presque 3% va nous recaler sur la pente que nous suivions avant le COVID.

Jusque 2014 nos revenus étaient en croissance drastiquement. Or une modification d’attitude des français par rapport aux actes hors convention, lié au contexte macro-économique, a fait chuter nos revenus ainsi que le revenu de l’ensemble des soignants.. Clairement les kinésithérapeutes en libéral après 2014 ne peuvent pas comprendre ceux qui étaient en libéral avant 2014. Nous sommes face à un réel conflit générationnel. De la même façons les revenus les plus faibles sont en croissance constante tandis que les revenus les plus élevés sont en chute depuis 2014. Là aussi  conflit entre les différentes franges de notre population.

Une vraie scission est aussi très notable en fonction des régions et nous devrions peut être avoir une logique beaucoup plus régionale que nationale.

Puis 2020, « les cabinets doivent fermer », demande absurde du CNO, qui en plus de suites politiques dramatiques, a plongé toute la profession dans une spirale financière catastrophique. Nous en subissons encore les conséquences et malheureusement certainement pour les 2 ans à venir (2024 et certainement 2025).

Beaucoup cherchent dans la CNAM un coupable idéal alors que les faits ne vont pas dans ce sens. Le coupable nous l’avions sous les yeux depuis toujours. Notre ordre a failli dans sa mission de défense de la profession. Son bon sens ne va pas dans le sens de la profession.

Les kinésithérapeutes ne semblent pas avoir de formation de gestion financière et dépensent plus lorsqu’ils gagnent plus sans considérer le lendemain. Les notions de trésorerie, d’investissement, de court moyen ou long termes ne semblent pas être utilisée au sein de notre profession. Nous devrions en prendre pleinement conscience pour que les professionnels soient mieux aguerris sur ces notions.

Vous voulez gagner plus ? Pensez aux actes hors convention, apprenez la gestion économique d’une entreprise et ayons un regard beaucoup plus large sur notre profession.

La convention nationale ne pourra pas tenir très longtemps à la vue des différences régionales relevées.

Nous devons avoir un regard critique par rapport aux collectes de données et envisager un autre modèle de répartition de la convention. Des avenant régionaux semblent cohérents.

Par ailleurs compte tenu des incohérences au niveau des équivalents ETP, il est urgent d’avoir des données opposables fiables sur ce sujet.

 

Si maintenant vous êtes curieux et que vous souhaitez en savoir plus… bonne lecture.

 

Méthode

Un tout petit point de méthode, rien de trop compliqué. Les données sont issues de drees.solidarites-sante.gouv.fr,data.ameli.fr, l’INSEE, l’unasa.fr,le BODACC ainsi que la CARPIMKO.

Sauf cas particuliers indiqués, aucune censure statistique n’a été faite et si la normalité des échantillons est nécessaire, celle-ci sera indiquée.

La période d’analyse des données sera variable. En effet, un indicateur qu’est le niveau de vie des Français n’est disponible que jusque 2021 inclus. Cependant à la vue de l’analyse effectuée, il est rapidement apparu que l’année 2022 était cruciale pour comprendre certains mécanismes post COVID.

C’est pourquoi une partie de l’analyse sera faite de 2002 à 2021 couvrant une période de 20 années correspondant à une génération statistique et une autre partie se fera sur la période 2018-2022 couvrant les 5 dernières années pour placer la période COVID au milieu de la période. Compte tenu es modifications socio-économiques macro et microscopiques de la période pré 2002 (passage à l’€uro, changements de lettres Clé, addition du BDK…) ainsi que, comme nous le verrons, des difficultés d'échantillon, remonter en amont de 2002 n’a que peu de pertinence, sauf à chercher à appuyer une volonté démonstrative d’un quelconque effet.

Tous les calculs et graphiques ont été effectués avec l’environnement logiciel R.

L’utilisation de l’évolution de la lettre clé n’a aucune pertinence dans notre cas car nous avons eu au cours du temps des augmentations de valeur de cotation (exemple passage de 7 à 7.5, ce qui constituait une augmentation de 7%). De plus, nous le verrons au décours de cet article, si nous ne considérons pas nos revenus non-conventionnels, nous n’avons aucune vison globale de notre activité.

Il est donc important du point de vue de la méthode de considérer les indicateurs les plus larges possibles et les plus stables pour évaluer nos revenus. Le chiffre d’affaire (CA), le bénéfice non commercial (BNC), les revenus conventionnels, les revenus médians etc sont les indicateurs les plus larges disponibles répondant à ce besoin.

Attention toutefois, l’analyse, surtout pour les plus hauts revenus est partiellement biaisée par le fait que les modèles économiques de type SEL sont en développement et malheureusement aucune donnée n’est disponible dans ce cas. Les données UNASA ne permettent que d’appréhender les praticiens en déclaration contrôlée au BNC.

Autre biais, les données UNASA, sont sur des grands échantillons mais parfois ceux-ci restent assez faible pour notre population. Par exemple en 2002, l’échantillon est de 5009 personnes, en 2013 ce sont 10492 personnes et 2022, 31556 personnes. Les données du début des années 2000 devraient être bornées par un intervalle de confiance mais malheureusement avec les variables quantitatives continues, si nous ne possédons pas la variance il n’est pas possible de borner correctement. Ce point sera réévalué lorsque nous parlerons d’inflation. Ainsi il faudra avoir l’esprit ce paramètre. Les données CNAM (Ameli) étant sur population entière, aucun soucis de ce type. Gardons aussi en tête que même sur l'année 2022, 31556 personnes face à presque 80 000 libéraux, nous sommes en présence d'un grand échantillon mais qui n'est pas la totalité de la population. Les données Ameli, sont elles sur population conventionnée entière.

 

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