Que le conseil national de l’ordre se rassure, très loin de moi l’idée de stigmatiser mes confrères et mes consoeurs, bien au contraire, le but de cet article est de « donner un coup de fouet » dans cette morosité ambiante où chacun se complait dans son immobilisme...
Les réajustements d’URSSAF
Certains d’eux vous ont peut être remarqué que cet été les prélèvements d’URSSAF avaient quelque peu « modulés ». Variations dont bien sur personne ne vous a prévenu et que bien entendu, personne n’a dénoncé.
Et ce n’est pas fini !
Le rapport sur l'état des lieux et les enjeux des réformes pour le financement de la sécurité sociale paru cet été (à lire ici) est très clair.
La diminution de revenus des territoires liée à la disparition de la taxe d’habitation d’ici 2020 va être telle qu’il va falloir la compenser. Une piste pour cette compensation, une augmentation de la CSG ! Cela ne vous rappelle rien ?
C’est écrit noir sur blanc. Je n’invente rien. Et combien d’entres nous ont lu ce rapport ? Combien d’entres nous vont comprendre que d’ici 3 ans notre CSG va encore augmenter ? Combien vont intégrer que l’on va financer la suppression d’un impôt du patrimoine personnel par le biais d’une augmentation d’une cotisation à l’origine destinée à financer la protection sociale et qui de facto sera prélevé sur les honoraires du patrimoine professionnel ?
Enfin, qui a vu quelqu’un s’inquiéter ce cela ? Avez vous vu un syndicat lever le petit doigt ?
Sommes nous de gentils moutons qui ne font que subir sans jamais prévenir ?
Le communiqué intersyndical !
Comme beaucoup, j’attends depuis de nombreuses années une intersyndicale forte et combative. Même si début juillet les premiers pas d’une alliance commune semblait fébriles, c’est avec une grande satisfaction que j’ai appris que nos 3 syndicats avaient repris contact ce derniers jours. Mais quelle ne fut pas ma déception en lisant ce communiqué commun.
Nos syndicats prennent-ils nos confrères et consoeurs pour des moutons ? Creux, insipide, voir inutile. Voilà les adjectifs qui me viennent à l’esprit en lisant ce communiqué.
La seule réponse que nos syndicats peuvent nous faire est « contactez vos députés » ! Pour cela un dossier est mis à disposition…
Mais où sont donc les idées, les propositions ?
Nos syndicats ne sont ils bons qu’à subir et à ne jamais agir ?
À croire que certains ne sont bons qu’à venir piller les idées des autres, juste pour l’effet d’annonce et ainsi faire croire au chaland qu’ils font quelque chose.
Mais en réalité, les propositions ne sont pas légions et c’est avec tristesse que l’on découvre que finalement le syndicalisme en masso-kinésithérapie devient creux pour ne pas dire vide de sens…
Que de juvénilité pour certain(e)s que de croire des promesses faites lors d’une réunion plus qu’impromptue qui n’a rien apporté et qui n’apportera rien.
Ce que nous proposent nos syndicats dans ce communiqué est une vision passéiste et démagogique.
Écrire à son député…
Passé le constat que la mobilisation de juillet n’a pas eu les effets escomptés, nos amis syndicalistes nous propose une seule chose. Écrire à son député pour essayer de l’influencer sa participation à l’élaboration de la loi de financement de la sécurité sociale.
Si vous savez comment Emmanuel Macron a constitué l’assemblée nationale (et je pèse mes mots, car chacun sait que l’assemblée est élue par le peuple et non constituée par le président). Si vous savez qui a été placé au sein du groupe parlementaire. Si vous savez combien de textes ont été votés ou rejetés par la majorité parlementaire contre l’avis du gouvernement… Vous savez alors que votre gentil(le) député(e) ne fait qu’une seule chose à l’assemblée, suivre les consignes !
Alors si vous pensez pouvoir infléchir toute cette technocratie, allez y, faites vous plaisir.
Sinon, faites ce qui vous semble cohérent…
Ce qui est triste c’est que nos syndicats n’aient rien d’autre à proposer qu’une non action inutile et perdue d’avance. Quoique… Ils auraient pu encore proposer une manifestation !!!
Non, finalement ils préfère nous ressortir les vieilles recettes « acte unique, revalorisation de la lettre clé… ». Notez que je n’ai rien contre mais force est de constater que ces doléances sont totalement illusoires voir contradictoires avec tout ce qui nous est proposé par nos tutelles.
Que les syndicats non représentatifs qui sont totalement déconnectés des prérogatives conventionnelles puissent tenir ce genre de discours, c’est concevable, encore que l’ignorance n’impose pas la médiocrité. Mais que les syndicats représentatifs puissent ne serait-ce qu’espérer cela est totalement incohérent.
Toutes celles et ceux qui pensent que notre profession est suffisante et qu’il suffit de trouver un peu d’argent pour garantir l’acte unique, l’augmentation de la lettre clé ou je ne sais encore quoi, n’ont réellement pas compris que ce discours suranné n’était plus en accord avec les politiques actuelles.
Il y a finalement ceux qui vivent dans le passé et leurs acquis et qui ne font que réagir pour les conserver malgré leur érosion quotidienne. Et puis il y a ceux qui sont résolument tournés vers l’avenir, qui agissent en amont du raz de marée qui nous attend.
Il faut inventer la kinésithérapie de demain. Soit nous le faisons, soit on nous l’imposera.
Alors cessons d’être des moutons, cessons d’écouter les balivernes que certains veulent nous vendre pour capter des adhérents.
Pourquoi tout à changé depuis décembre 2016 ?
Avant, nous avions quelque leviers pour faire pression sur nos tutelles. Ce n’était pas faramineux, mais cela existait. Depuis le meeting de Paris de monsieur Macron, la population Française a changé. Il y a eu un déclic, une fracture profonde qui ne reviendra pas en arrière pour les prochaines années à venir.
Les Français ne soutiennent plus les grèves. Même quand elles sont justifiées, le Français s’est habitué à partir un peu plus tôt et rentrer un peu plus tard.
Nous avons perdu avec l’ère Macron cette force qu’était l’expression de la rue.
Qui se souvient encore de la grève perlée de mai dernier ?
Aller, j’ose le demander, parmis vos patients, qui se souvient de la grève du 5 juillet des kinésithérapeutes ?
L’évolution de la société a fait que finalement nous sommes dans une société de consommation y compris dans le soin. Le médecin généraliste qui était un « pilier » de la famille dans les années 70 est devenu un « soignant » comme les autres. Il n’a pas de place, pas grave je vais en voir un autre, ou je vais aux urgences ou voir SOS médecin. Et dans le pire des cas, je m’automédique.
Il en est de même pour nous. Lorsque nous avons « perdu » le massage, beaucoup pensaient que les patients feraient la différence. Et en fait non. Aujourd’hui les patients vont dans les centres de massages pour « se détendre » et ils ne viennent plus chez nous car « nous n’avons pas le temps ». Et si vous croyez que votre patient restera fidèle quand un APA ou un « exercice partiel » proposera la même chose que vous mais avec 3 fois moins d’attente… Alors vous tomberez de haut. Vous aurez toujours un petit bastion d’irréductibles fidèles oui. Mais est-ce que cela sera suffisant pour assurer votre chiffre d’affaire ? Irez vous toujours en EPHAD quand l’AMK 6 sera un AMK 4 ?
Pourrez-vous vivre avec 50% de patients en moins ?
La kinésithérapie de demain
J’aurais pu dire « la masso-kinésithérapie » mais j’ai déjà bien peur que ce ne soit plus que la « kinésithérapie », en espérant que cela ne devienne pas la « physiothérapie ». En effet, nous avons des spécificités et des compétences que les « physiothérapeutes » n’ont pas. Et il serait bon de s’en souvenir et d’essayer de faire en sorte que cela reste le cas dans la vision future de notre métier.
La kinésithérapie de demain doit s’inscrire dans de nouvelles compétences, dans des délégations de taches etc…
Nous devons élever le niveau et non pas prôner le statu quo.
Les négociations conventionnelles
Les médecins ont signés l’avenant définissant la téléconsultation.
Ça y est la pénurie médicale vient de prendre fin (à lire ici).
Sommes nous aveugles pour voir l’évolution médicale ?
Les infirmier(e)s, applaudis par certains car ayant quitté la table des négociations. Pour combien de temps ?
Un syndicat représentatif a un budget à minima 10 fois supérieur à un non représentatif… Si vous ajoutez à cela le fait que si vous n’êtes pas signataire vous perdez des prérogatives, vous comprenez pourquoi les syndicats finissent toujours par signer !
Les négociations conventionnelles sont une vaste mascarade.
L’UNCAM propose, les syndicats disposent… Mais pas longtemps !
Conclusion
Si beaucoup ne veulent que défendre nos acquis, alors ils n’ont pas compris que notre monde est en mutation. Notre profession est en train de rater le virage indispensable à son évolution et à son émancipation.
Tout a basculé le soir du 10 décembre 2016 au meeting parisien d’Emmanuel Macron. Et passé son élection, celles et ceux qui n’ont pas compris où nous allions et comment, sont voués à rester sur le bord de la route.
N’oublions pas que 85% des métiers de 2030 n’existent pas encore. Il n’y a aujourd’hui aucune raison valable pour que nous n’ayons pas de transformations fondamentales au sein de notre profession. Et oui, notre profession fait totalement partie de la ringardisation des groupes de métiers telle qu’annoncée.
L’avenir n’est plus dans l’AMK 6, non l’avenir est dans la téléconsultation, dans la redistribution des taches et de l’offre de soins, dans les pratiques nouvelles, dans la modification presque complète de notre système de santé.
Si nous n’avons pas encore intégré que notre métier d’aujourd’hui ne sera plus le même dans 10 ans, alors oui, nous pouvons nous qualifier de « poseurs d’électrodes », et oui, nous sommes de gentils moutons que l’on va parquer dans un enclos en attendant que nous disparaissions. Et pendant ce temps là, d’autres émergeront et s’occuperont de faire notre métier à notre place. Et c’est sans aucun complexe qu’il nous remplaceront. Il ne faut pas essayer de sauver les meubles, il faut vendre les meubles et en racheter des neufs…
Nous valons mieux que cela. Et il est temps d’avoir une vision d’avenir, cohérente avec les impératifs démographiques et budgétaires qui seront les nôtres demain.
Vincent Jallu