Nuages

Je suis sur que comme moi vous attendez beaucoup du Ségur de la Santé.

Malheureusement,  l’histoire se répète... On prend les mêmes et on recommence !

Notre ministre a été intelligent, il a demandé à celui qui était le plus à même de ne rien comprendre à la kinésithérapie hospitalière, l’ordre !

Doit-on redire que seuls 11 départements ont su trouver des candidats salariés aux élections ordinales ? Et dans ces départements, seuls 4,35% des professionnels ont voté... Et vous croyez que l’ordre est à même de parler de ce sujet ? Quelle blague...

 

Le ministre n’en a rien à faire de nous, il s’est débarrassé du problème et a subtilement reporté sur l’ordre la responsabilité. Sachant que d’emblée en dehors des IDE, les paramédicaux sont sur la touche...

De plus, avez vous déjà vu notre ordre s’opposer a une proposition du gouvernement ? Non. Notre ordre mange dans la main du gouvernement tel un gentil toutou...

Pire après le cuisant échec du grand débat, où finalement on nous a demandé notre avis pour ne rien en faire, le gouvernement, tout comme notre ordre remettent cela !

Puisque je vous le dis, on prend les mêmes...

 

Je vous avoue que la première lecture du document émanant des états généraux a failli me faire pleurer. Que dire ? Creux? Minable ? Lamentable ? En dehors de la réalité ? Sans ambition ? 

Cela ressemble à une liste de cadeau de noël qu’un gamin aurait rédigé !

Ce ne sont pas des propositions ! Comment, par quoi, pour quoi, avec quels moyens, dans quel but ? Autant de questions qui n’ont aucune réponse.

Si l’ensemble des acteurs de la profession n’est pas capables de faire mieux, alors oui nous méritons ce qui nous arrive.

Ils n’ont fait que reprendre ce que tout le monde demande depuis 10 ans sans même pousser l’analyse en profondeur de pourquoi nous en sommes là ni même comment contre carrer cela.

 

Ségur de la Santé, et pas Ségur de la kinésithérapie

Le résultat de ce Ségur de la santé sera une reconnaissance des médecins et un peu des IDE. L’injection massive de capitaux privés dans le fonctionnement du système de santé, avec pour principal risque à terme, une mutualisation de la santé. Bref, on continue comme avant !

Nous, en tant que kinésithérapeutes, devons réfléchir « kinésithérapie » mais pas seulement. Nous devons aussi proposer des réflexions qui touchent l’ensemble de la santé et qui ont des répercussions sur notre profession.

 

Attention à l’intellectualisation

Nous voyons depuis plus de 10 ans une hyper-intellectualisation de notre profession.

Alors pour que l’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit, je vais même l’écrire en rouge, le grade Master et la recherche sont indispensables à l’évolution de notre profession.

Cependant, ne soyons pas dupes. À force de vouloir être docteur à la place du docteur... Nous avons 10 ans de retard sur ces points et si par chance nous obtenions le master et une filière de recherche dédiés, il nous faudrait encore au moins autant de temps pour que cela porte ses fruits, et sansmê’e l’assurance que cela produise des fruits.

 

Pour parler simplement, être docteur en kinésithérapie à 1000€ par mois, cela ne fera venir personne travailler dans les hôpitaux. Au contraire, l’allongement de la durée des études associée à un salaire bas renforce l’orientation en libéral.

Je pense qu’il faut être pragmatique et avancer l’élément essentiel. Nous avons une reconnaissance RNCP de niveau « ingénieur ». Selon l’observatoire des ingénieurs, le salaire médian de leur profession est de 52000€ par an soit 4330€ mensuel.

Vous voulez rendre attractive la kinésithérapie hospitalière ? Augmentez les salaires...

Voilà, c’est assez simple. Tout le reste n’est qu’accessoire. Les IDE avancent le chiffre de 300€ d’augmentation pour venir à une grille salariale similaire a celle de la moyenne des pays européens. Pourquoi nos représentants n’ont rien chiffré ?

Une grille de salaire, argumentée, expliquée, concrète et cohérente. Voila ce que doivent apporter les états généraux.

Idem en libéral, 28% de perte par rapport à l’inflation. Proposition concrète, la lettre clé 2,62€. Soit l’AMS 7,5 à 19,65€. Voilà c’était compliqué ?

Parlant de lettre clé, si l’on regarde plus large, il faut faire une réflexion plus approfondie des méthodes de financements. Soit on se place dans une logique CCAM avec des paiements organisés autours des actes effectués, soit on opte pour des formes de forfaitisations. Mais juste dire « on veut du pognon », c’est simplement indigne de ce que nous devons proposer.

 

L’absence de cadres kinés

Comme dit plus haut, nous devons réfléchir depuis le macrocosme vers notre microcosme.

Soyons clairs. Toutes les grandes évolutions de la profession se ont faites par le biais de l’exercice salarié. Dans un sens ou dans un autre d’ailleurs... D'ailleurs au passage, PMSI et CCAM pourraient bien arriver un jour en libéral...

L’uro-gynéco, le vestibulaire, le bdk, les plateaux techniques, la respi, la kiné du sport... Tout a pris essence grâce à l’impulsion des kinés salariés et du rôle majeur des MCMK.

MCMK ?

Plus de 20 ans que cela n’existe plus, Moniteur Cadre Masseur Kinésithérapeute...

La disparition des MCMK est pour moi ce qui a tué la kinésithérapie.

En effet, fin des années 90, il y avait des cadres kinés, des cadres infirmiers etc. Et un jour, on a remplacé tout cela par des cadres de santé. Ces derniers se sont vus être capables de gérer n’importe quel service. Du coup, on a vu d’anciens cadres infirmiers diriger des services de rééducation. Et comme les cadres infirmiers étaient largement plus nombreux que les cadres kinés il s’est passé ce qui devait se passer... Les cadres kinés ont disparus les uns après les autres. Et c’est ainsi qu’aujourd’hui l’encadrement des kinés se fait par des gens compétents mais n’ayant aucune connaissance de notre profession.

Cela a entrainé un désintérêt majeur des projets de rééducation, un appauvrissement et une non attractivité des services, avec au final une désertion des services. 

 

Vous noterez au passage que l’universitarisation de nos études a renforcé cette problématique. Car à l’époque les MCMK étaient enseignants de la kinésithérapie...

À l’époque, on voulait aller travailler dans le service du MCMK qui nous avait enseigné parce que l’on voyait la dynamique et les moyens que son service pouvait avoir. L’enseignement est aussi une piste d’attractivité. Et si perosnne n'ose le dire, si nous voulons une universitarisation, il faut supprimer les IFMK, nous ne pouvons pas rester "le cul entre deux chaises". Donc choisissons l'un ou l'autre, mais choisissons. 

 

Vous voulez une proposition pour le Ségur de la Santé ? Réorganiser les services à échelle humaine et pas à l’échelle de la gestion de budgets. Un service de rééducation doit avoir un projet mené par un cadre kinésithérapeute.

 

Un exemple simple, projet de recherche, coordonné par un cadre kiné à l’hôpital en partenariat avec des MK libéraux avec un suivi depuis la prévention pré-opératoire jusqu’à la fin de rééducation.

Voila une kinésithérapie organisée, conjointe et efficace.

Plutôt que de nous vendre des organisation territoriale (CPTS), revenons a la base du problème, la division par branche des soins publics/privés.

L’ONDAM (à lire ici) ne doit plus exister, l’affrontement hôpital-ville en matière de dépenses est une catastrophe.

Voilà ce que doit être le Ségur de la Santé.

 

Puisque nous en sommes à proposer des réformes d’ampleur...

Le Ségur de la santé c’est aussi l’occasion de mettre à plat nos système de coordination entre professionnels, de penser organisation territoriale des soins et des systèmes de contrôle.

Pourquoi ne pas proposer une réforme des relations conventionnelles (à lire ici), que l’on en finisse avec les guerres d’égos intersyndicales.

Proposer une amélioration et une simplification de l’article 51 pour permettre à des projets locaux d’être plus facilement réalisables.

Proposer une réforme des modes d’élections et des relations ordinales, le CNO ne doit pas être une structure pyramidale sans contrôle.

Proposer une amplification du contrôle de l’offre de soins au sein des territoires, car nous l’avons vu durant la crise, suivant les territoires les conditions d’exercice n’étaient pas les mêmes. Peut être est-il temps de passer d’une organisation majoritairement nationale à une organisation majoritairement locale ?

Proposer une plateforme de communication interprofessionnelle. Si vous connaissez MonSisra, je trouve le concept hyper intelligent. Tout n’est pas parfait (la bande passante nécessaire en vidéo par exemple), mais bien pensé. Un chat’ sécurisé permettant l’envoi de documents, nous pourrions imaginer ce système regroupant l’ensemble des professionnels salarié et libéraux à l’échelle nationale... Imaginez, un patient en sortie d’hospitalisation. Le MK de l’hôpital contacte le MK libéral avec qui le patient a pris rdv, échange rapide, bilan de sortie, imagerie si possible, prescription. Quelques semaines plus tard,  le MK libéral en fin de rééducation envoie son bilan final au chirurgien et au MK salarié. Le tout en un clic. Suivi patient de A à Z, parcours entièrement tracé, échanges constants possibles... Le tout avec simplement un chat’ sécurisé...

 

Des propositions de ce type qui résoudraient de manière simple et à faible coût des soucis structurels majeurs, il y en a des dizaines. Mais non, trop simple, limitons nous à nos doléances connues et n’ayons aucune ambition…

 

Les IDE, le modèle oublié

Vous pouvez vous y prendre comme vous le souhaitez, les IDE s’en sortent mieux que nous. Sur le fond, sur la formation, sur l’encadrement, et sur les revalorisations.

Elles ont un master en pratiques avancées, une grille de salaire relativement identiques à la notre, plus de cadres issus de leur spécialité, plus de majorations salariales possibles et malgré tout, une reconnaissance RNCP inférieure à la notre.

Mais voilà les IDE savent se placer, ont jouer un rôle majeur dans cette crise, n’ont jamais vraiment hyper-intellectualisé leurs tâches ni voulu être calife à la place du calife.

Peut être faudrait-il prendre exemple ?

 

Conclusion

Le Ségur de la santé n’est que de l’esbroufe. MaSanté2022 ne sera pas supprimé mais sera renommé avec un beau paquet cadeau faisant croire que les choses ont changé.

Pas mieux pour les états généraux de la kinésithérapie qui sont d’ores et déjà un échec cuisant. 

Tant que nous n’aurons pas montré la preuve de notre maturité, que pouvons nous espérer ? Un cadeau de la liste ? Quelle ambition...

 

Messieurs dames les syndicalistes, prenez vos responsabilités. En parallèle de cette mascarade que sont les états généraux de la kinésithérapie, faites un dossier argumenté et chiffré de votre propre chef avec des propositions réalistes et pas cette onanisme intellectuel qui n’a ni queue ni tête !

Hochez la tête bêtement en disant « oui-oui » à notre ordre et laissez le sur le bas côté.

La masso-kinésithérapie mérite bien mieux que cet aveu de médiocrité qui ressort de nos états généraux.

Élevez le niveau ! Soyez ambitieux et arrêtons de nous regarder le nombril !

Profitez de la FFPS pour vous démarquer, faites des propositions de fond et non de forme, des proposition d’ampleur. Nous le savons tous c’est la politique menée depuis ces 20 dernières années qu’il faut réformer et pas saupoudrer de quelques trucs de ci de là. Il faut revoir la carte hospitalière,, l’organisation des GHT, redonner du temps médical aux acteurs, alléger les temps administratifs, repenser la T2A, les carrières et les passerelles salariées-privé, créer les coordinations hôpital-ville indépendamment des territoires figés, réorganiser l’offre de soin pour l’adapter à une situation exceptionnelle, adapter les tarifications de ville, revoir l’organisation même du soin de ville, etc, etc, etc…

 

Vincent Jallu