Nuages

II y a eu un avant COVD et il y aura un après COVID…

Je ne discuterais pas de la stratégie générale durant cette crise. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire en un que cela a été et est toujours « le bordel » !

Entre une ministre de la santé qui quitte ses fonctions en situation de crise pour des velléités électorales, le premier tour de ces mêmes élections, les masques aux abonnés absents, les profiteurs du confinement, le climat anxiogène ambiant, la seconde vague qui n’en fini pas d’arriver…

Nous l’avons vu aussi, les fondements scientifiques ont été largement étiolés. Entre l’hydroxychloroquine et un ordre qui prend des décisions « de bon sens » sans aucune concertation scientifique, nous avons touché le fond.

Non, je m’arrêterais aux faits et aux chiffres.

Le gouvernement a annoncé 490 milliards de dépenses liées à la crise sanitaire. La semaine dernière le premier ministre a encore une fois injecté 160 milliards d’euros, ce qui va porter la note à 650 milliards, sans même parler des pertes indirectes liées aux diverses baisses d’activité des secteurs, des manque de charges, de TVA etc… Même si nous nous limitons à ces 650 milliards, savez vous combien rapporte l’impôt sur le revenu ?

77 milliards par an.

Imaginons que nous puissions dédier 10% de cette somme au remboursement de la crise. Il faudrait donc 84 années pour en arriver au bout ! 84 ans de dettes pour 6 mois de crise…

Emmanuel Macron l’a dit. « Nous dépenserons dans compter ». Excès de confiance peut être à rapprocher de John Hammond dans Jurassic Park ?

D’autant que le concept « reste assis t’es payé » n’a jamais eu autant écho en France et l’heure du bilan approche…

Mais voilà, il va falloir rembourser d’une manière ou d’une autre.

 

La taxation des mutuelles et autres petites modifications

L’état vient d’instauré une taxe de 1,5% sur les mutuelles. Mais à votre avis, qui va payer ?

Le client bien sur. Donc nous. Et donc aussi les entreprises, puisque rappelons le, les mutuelles santé sont obligatoire désormais.  L’état vient donc de mettre en place un nouvel impôt indirect de 1,5%. Rien que les mutuelles santé représentes 30 milliards d’euros de cotisation et plus de 210 milliards si on étend à l’ensemble des assurances.

L’état va donc collecter un peu plus de 3,1 milliards d’euro par an via cette taxation. C’est 4,1% de ce que rapporte l’impôt sur le revenu. Nous venons de gagner 20 ans !

Autre exemple, le recul de la fin de la taxe d’habitation, toujours pour amortir les rentrées fiscales.

Et je n’ai pas peur de le dire, nous allons savoir tout un tas de petites mesures fiscales destinées à gagner un peu par ici et un peu par là. Par exemple, les discussions autours de la réforme des retraites vont reprendre en janvier. Je prévois déjà un affaiblissement du taux de rendement. Sans même parler qu’en ce qui nous concerne, je suis de plus en plus convaincu que le combat est perdu…

 

L’échec du Ségur, le flop total des états généraux de la kinésithérapie

Le triste constat est là. Les professionnels, et surtout le libéraux n’ont pas été ni écoutés ni entendus dans le cadre du Ségur de la Santé.

À notre niveau, les états généraux de la kinésithérapie ont été non seulement un flop monumental dans l’organisation, mais ce qu’il en est ressorti est creux pour repas dire inexistant. Pire, ce qui aurait du toucher toute la profession est inconnu pour la plupart. La communication autours de ce non événement a été lamentable, les concertations inexistantes et le résultat a été une parodie de propositions. 

 

Les évolutions du système de santé

La téléconsultation avec premier rendez-vous non présentiel, les mutuelles s’en frottent déjà les mains.

Les cabines de téléconsultations fleurissent, c’est la fin des déserts médicaux mais aussi de vos bilans et indirectement du libre choix de praticien.

Nous verrons bientôt arriver des patients ayant vu un « kiné-mutuelle » en téléconsultation, peut être même pas localisé en France, et qui vous dirons « il a fait mon bilan, j’ai 3 séances à faire avec vous ». Et là… vous serez « comme un couillon » car vous ne pourrez plus facturer de BDK et vous vous retrouverez avec une ordonnance sous cotée (c’est l’intérêt de la mutuelle) et une liberté intellectuelle disparue. Et comme les forfaits de soins arrivent au galop, au bas de l’ordonnance sera porté la petite mention « reste 10€ sur le forfait » ! La bonne blague…

Les praticiens libéraux vont devenir les exécutants des mutuelles.

Si vous élargissez un tout petit peu votre regard, rapporté à l’organisation actuelle au sein des CPTS, c’est le médecin de la mutuelle qui aura vu en première téléconsultation le patient, qui coordonnera au sein de la CPTS le parcours du patient, le tout sous un forfait global de soins répondant aux attentes des objectifs de santé publique et des attentes de l’ARS sur le territoire. Vive l’aliénation professionnel par l’intéressement…

Parallèlement aux évolutions des moyens de rémunération, le Ségur a mis en avant une demie-tutelle de l’hôpital sur les soins de ville. Êtes vous prêts à devenir l’exécutant d’un bilan réalisé en structure hospitalière (par qui, on ne sait pas) au titre du soin coordonné, sans que vous puissiez avoir ni votre mot à dire ?

Aliénation financière, aliénation intellectuelle, voilà ce qui nous attend.

 

Nomination de Thomas Fatome à la tête de l’UNCAM

Comme si cela n’était pas suffisant, Nicolas Revel a quitté ses fonction de directeur de l’UNCAM au profit de Thomas Fatome.

Pour faire court, fils de médecin, HEC, DEA de droit public, ENA, conseiller de différents ministres de la santé (Mattei, Douste Blazy, Bertrand) en charge des comptes sociaux de la réforme de l’assurance maladie en 2003, directeur de cabinet de Rocky (Frédéric Van Roeckeghem), directeur de la sécurité sociale en 2012, directeur adjoint du cabinet d’Edouard Philippe… Magnifique carrière très dense et bien construite.

Mauvais point pour la santé, administratif pur jus, moulé dans la politique MaSanté2022 et n’est pas réputé pour faire confiance à autre chose que les chiffres.

Voilà le nouvel homme de l’UNCAM. Les négociations vont être complexes et dirigées par la politique de santé que nous connaissons déjà. Fin de l’exercice individuel, suppression de la tarification à l’acte, regroupements territoriaux, forfaits, mise sous tutelle de l’exercice de ville par les structures hospitalière etc…

 

Les inquiétudes de notre ordre

Assez intéressant ce communiqué reçu hier, inquiet et non rassurant, au sujet de notre démographie galopante. Si nous savons tous d’où viennent les problèmes entre les diplômes étrangers et l’absence de revalorisation et de nos actes et de nos enveloppes budgétaires, personne ne propose de solution. Il faut que dire les réflexions de notre ordre sont parfois totalement incohérentes.

Il est d’ailleurs assez rigolo de mettre deux nombres l’un à côté de l’autre. 550 000€ d’aide débloquée par l’ordre pour aider nos confrères et consoeurs en difficulté et 100 000 praticiens.

5,50€ par tête. Voilà ce que vaut un professionnel aux yeux de l’ordre, 5 balles (8 si nous ne comptons que les libéraux)… Je vous laisse seul juge.

L’ordre est d’ailleurs assez fier de rappeler que les nouveaux arrivés viennent de payer leur cotisation. Nous l’avons tous remarqué pendant la crise, aucun report de cotisation, aucun report d’indemnités ordinales (faut pas rigoler non plus !), on appelle cela la solidarité confraternelle.

J’aime d’ailleurs beaucoup quand l’ordre parle de situation financière des kinésithérapeutes alors qu’il a lui même, sans fondement scientifique, a demandé à que les cabinets ferment au mois de mars. N’ayons pas peur des mots, l’ordre a participé activement à la paupérisation des professionnels.

Doit on réappuyer là où cela fait mal ?

Le master, les pratiques avancées, les sous kinés, l’accès direct (le vrai), l’exercice salarié, la cohésion dans la profession, la confraternité, l’entraide et le soutien... voilà les échecs de l’ordre.

L’ordre est finalement un repaire où l’on brasse beaucoup de vent pour tourner en rond.

L’ordre a raison d’être inquiet, inquiet au sujet de son utilité car en 12 années, peu de réussites, beaucoup de combats inutiles, l’incapacité de faire le ménage devant chez soi donc attaquons les voisins, errements idéologiques et politiques, l’ordre souffre de mégalomanie et manque de réalisme face à ses actions et son intérêt auprès de nos tutelles. 

 

Conclusion

Même notre ordre commence à le dire, la fin de notre profession est proche et plus largement, la fin du système que nous connaissons est proche.

Soit mon optimisme légendaire a déteint sur lui, soit il va falloir se dire que je n’étais pas tant dans l’errement que cela et oui la situation est critique. Il est temps de passer du nombrilisme à l’action. Et ce n’est pas en criant « hou là là, je suis pas contente » sur Twitter que l’on y arrivera. Il faut d’urgence changer la ligne politique de nos représentants . Certains en ont déjà pris conscience et on commencé la transition, les autres continuent de creuser notre tombe. Remercions confraternellement ceux qui brasse de l’air, cela nous fera le plus grand bien et la profession avancera alors.

Cela fait trop longtemps que l’équipe à la tête du CNO est en place pour aucune réussite, il est temps de changer. Il est temps aussi que chacun s’arme de réalisme face à notre situation qui n’est plus alarmante mais catastrophique. Beaucoup d’entre nous se masquent led yeux pour ne pas affronter la dure et triste réalité qu’est la notre.

Nous avons un choix simple devant nous. Nous battre ou laisser aller.

Cette crise a mis en avant que notre système de santé que tout le monde adule et considère comme l’un des meilleurs de la planète, n’est en fait qu’une jolie vitrine avec beaucoup de vide derrière. Normalement ce sont les soignants qui s’appuient sur le système pour que tout fonctionne. Et bien là c’est le système qui s’est appuyé sur les soignants en priant pour que « cela passe ». Pas de réserve de masque, des mises en danger inutiles, des manquements détestables. Sans le courage et l’abnégation des soignants nous aurions eu une catastrophe bien plus importante.

 

Vincent Jallu