Les CPTS (à lire ici et ici) sont régies par une accord interprofessionnels, l’ACI.
Beaucoup ont cru qu’une fois l’ACI signé tout serait gravé dans le marbre et que les règles ne changeraient pas.
Or ce n’est pas le cas. L’ACI est un accord conventionnel comme notre convention. Donc régulièrement l’ACI va changer. Et c’est le cas actuellement. Les négociations autours de l’ACI on commencé.
Le constat est là, les CPTS ne fonctionnent pas... Seules 31 CPTS sont actuellement signataires de l’ACI. Oui, seulement 31. Aux quelles il convient d’additionner les 42 projets validés mais non signataires de l’ACI soit un total de 73. Même si l’on adjoint les 166 projets « en cours », dont la lettre d’intention est signée, cela fait 239 CPTS potentielles. Et si l’on rajoute encore les 339 projets à l’état d’embryon, nous arrivons à 578.
Autant dire que l’objectif de 1000 CPTS à l’aube 2022 n’est qu’une pure illusion et un échec annoncé.
C’est pourquoi, le gouvernement a décidé de pousser un peu le processus. En effet les enveloppes d’amorçage sont presque multipliées par deux. Comprenez par là que, le gouvernement veut nous forcer la main en nous achetant, ni plus ni moins. Je ne suis pas une prostituée et tant que l’état n’aura pas compris qu’il faut des projets de soins locaux, pas à l’échelle d’un bassin de vie de 175 000 habitants, ce n’est pas comme cela que nous résoudrons les problèmes.
Nous l’avons vu pendant la crise, nous avons manqué cruellement de lits, de main d’oeuvre, de matériel. Et pourtant… L’état maintient le cap et va continuer sa politique de fermeture et de reclassement des établissements. Plutôt que d’améliorer l’attractivité hospitalière, plutôt que d’augmenter les moyens, état préfère déléguer les tâches vers la ville. Mais comme la ville rechigne à jouer le jeu, l’état va acheter les professionnels !
Attention ce n’est pas gratuit
N’oublions pas que dans ce bas monde, la gratuité, cela n’existe pas.
En effet, l’état avec ces propositions, souhaiterais que non seulement la continuité des soins s’organise autours de systèmes de gardes au sein de la CPTS, mais qui plus est, souhaiterais que les CPTS s’emparent des problématiques liées aux grandes crises, telles que celle que nous avons vécu et que nous continuons à vivre. La nouvelle mission socle des CPTS sera « dédiée à la réponse aux crises sanitaires graves, dans le contexte d’un état d’urgence sanitaire ».
Bon, pour nous, nous le savons, « les cabinets doivent fermer » donc nous ne servons à rien. Mais passé cela, oui nous saurions pu servir à quelque chose et oui nous servons à quelque chose. Mais attention en tant qu’acteur de seconde intention, cette mission socle risque de nous échapper.
Autre point, nous voyons que l’erreur constitutive des CPTS, qui est d’organiser le soin par territoire est majorée. En effet, le principal problème d’une CPTS est de contraindre le territoire. Vous ne pouvez pas aller dans une autre CPTS que celle de votre territoire. Vous n’avez donc aucun choix.
Et bien nous voyons que ce qui était annoncé depuis longtemps va se majorer. En effet fini les petites CPTS entre amis à 15-20 praticiens. Les plus petites CPTS sont confirmées comme étant conditionnées à un bassin de vie de 40 000 habitants. Et comme il n’y a pas le choix de territoire, à terme tous les professionnels de ce territoire seront dans la CPTS. Cela représentera entre 150 et 200 praticiens.
De plus, nous sommes à l’ère des CPTS sur bassin de vie de 175 000 habitants. Cela représente environ 260 généralistes, 315 IDE, 200 MK... En deux mots, un beau bordel ! Et nous voyons de suite que nous sommes ultra-minoritaire dans ce système, nous n’aurons donc pas grand pouvoir décisionnaire. D’autant que les URPS médecins ont fait main basse sur la quasi totalité des montages de CPTS. et d’autant plus que les médecins sont largement poussés à rentrer dans ce type d’exercice coordonné via leur ROSP.
Pour gérer ce bazar, des administrateurs. Si là aussi si nous avions une carte a jouer dans les « petites » CPTS, il est clair que ce ne sera plus la cas. C’est un emploi à temps plein pour gérer autant de professionnels. De plus, pour monter les projets, des équipes dans le réseau Assurance Maladie seront dédiées à l’’accompagnement des porteurs de projet en lien avec les ARS. Autant le dire de suite, la sécu qui nous donne des objectifs sur le territoire, c’est une convention territoriale déguisée même si ce n’est que ce n’est pas elle qui paye mais l’ARS.
La kinésithérapie était déjà oubliée, la voilà encore plus a l’écart
Je dois l’avouer quand les CPTS ont commencé à éclore, je voyais d’un bon oeil cette structure où l’on pouvais en additionnant un article 51 ou deux, faire évoluer la profession de manière positive. Il y a d’ailleurs eu quelques projets intéressants à ce sujet.
Or rien n’est allé dans ce sens. Pire, la position du médecin traitant est encore plus valorisée puisqu’à terme c’est le généraliste qui assurera les urgences et qui dispatchera les patients vers les para-médicaux nécessaires. L’ACI est en train d’assoir la position de chacun et de figer celle-ci. Tous les articles 51 de première intention du MK et autres sont balayés d’un revers de la main.
Sachez que 19 des 31 CPTS signataires de l’ACI ont orienté leur mission sur l’accès des soins non programmé et coordonné par les généralistes. Sachez aussi que l’avenant 9 des médecins est directement orienté conjointement et parallèlement aux négociations de l’ACI.
Seul point positif, l’état envoie un signe assez fort aux ordres professionnels. Laissez les territoires gérer les crises, ils savent ce qu’ils font. Cantonnez vous à enregistrer les diplômes et les contrats… Et laissez les professionnels soigner. Voilà le message. C’est une façon élégante de dire « vous n’avez rien fait de bon durant la crise, laissez la place aux autres, merci ». Il est juste dommage que l'état ait oublié les URPS au passage...
Conclusion
Les CPTS sont en train de devenir de véritables conventions locales. Ne pas s’y intéresser c’est l’assurance de voir ses revenus stagner car la lettre clé n’a plus aucun avenir. Cependant, nous le voyons de plus en plus, les objectifs des CPTS ne font que répondre à des logiques de santé publique que nous ne maitrisons pas. L’état a trouvé un moyen subtil de créer ces conventionnements évolutifs locaux sans briser la convention nationale. La manoeuvre est habile mais tout s’effondrera quand il n’y aura plus de financement. Car ne l’oublions pas, un budget c’est un gâteau. À 70 sur le gâteau, il y a de l’argent, à 1000 sur le même gâteau… Il y aura moins d’argent !
Accepterons nous toujours avec autant d’enclin, les gardes, les missions que nous n’avons pas choisies, le fait d’être administré, la perte de sa liberté d’exercice etc si il n’y a pas de financement à la clé ?
Nous avons pendant longtemps eu la crainte d’être des « salariés de la sécu », mais au final nous allons devenir les « salariés de la CPTS »… Voilà la réalité.
Donc oui, ce sujet est compliqué et complexe. D’un côté ne pas y entrer c’est l’assurance de ne pas être financé. Y entrer c’est l’assurance d’un conventionnement local déguisé. Entre la peste et le choléra…
Vincent Jallu